Le transport maritime est à la dérive depuis ce qui semble une éternité. Plombé par l’effondrement du commerce international en 2008, le transport maritime mondial a lentement regagné en dynamisme au cours des six années suivantes. Durant cet épisode, l’argent s’est fait rare – les beaux jours d’avant la récession ayant mené à une longue série de lancements qui se sont poursuivis bien après la débâcle. Les taux d’expédition par navires ont alors piqué du nez, et les indices des prix pour l’industrie sont demeurés faibles. Voilà un parcours qui ressemble beaucoup à celui de l’économie. S’agit-il de la « nouvelle normalité » pour le commerce maritime?

En fait, les conditions se sont améliorées en 2014 et tout se passait comme si le secteur amorçait enfin un tournant. Puis, au dernier moment, en phase avec la dégringolade des cours des produits de base au milieu de l’année, les expéditions maritimes ont de nouveau vacillé. Un revers, c’est déjà pénible, alors une seconde déconvenue peut avoir un effet débilitant – ou pire. Résultat : l’indice Global Container Throughput a connu un passage à vide pendant un an. Quant à l’indice Baltic Dry, sa performance déjà lamentable a empiré. L’indice CPB pour les exportations mondiales n’a pas connu un sort meilleur : les exportations sont restées anémiques pendant plus d’un an.

Si nous disons vrai et que le commerce mondial fait un grand retour, et si cela n’est pas apparent dans les chiffres du secteur du transport maritime international, alors nous avons un problème. Par chance, la conjoncture s’améliore : les volumes du secteur mondial du transport par porte-conteneurs ont grimpé d’au moins 5 % en taux annualisé depuis la fin 2015, soit un rythme supérieur à n’importe quel moment depuis le rebond constaté immédiatement après la récession. Cette tendance s’est maintenue en juin et ne montre aucun signe de relâchement. Les taux d’affrètement des navires, de loin inférieurs aux sommets atteints avant la récession, s’orientent à la hausse depuis les 12 derniers mois.

Est-ce que tous les pays participent à ce regain? À première vue, l’activité dans les ports américains ne semble pas particulièrement impressionnante. Le port de Long Beach et le port de Los Angeles – de loin le plus grand des États-Unis – semblent particulièrement calmes cette année. Les autres ports de la côte Ouest ne font guère mieux, et dans certains ports de la côte Est, l’activité semble également ordinaire. Un second examen révèle que dans les plus grands ports, le trafic sortant est globalement à la baisse; la performance des expéditions maritimes de biens américains à destination d’autres pays n’est pas spécialement éclatante. Pourtant, le trafic entrant présente un portrait bien différent : les données lissées montrent une augmentation des volumes de transport par porte-conteneurs de 7,4 % en glissement annuel. Ce regain illustre le rôle de chef de file du marché américain dans la reprise du commerce mondial. Tout d’abord, la croissance américaine est supérieure à la moyenne mondiale. Ensuite, la demande américaine dynamise les importations et stimule l’activité d’exportation en provenance d’autres régions du globe.

La dynamique semble identique en Europe. Les expéditions du trafic maritime entrant dépassent celles du trafic sortant au port d’Anvers et, dans une moindre mesure, au port de Rotterdam. Cette situation semble indiquer une montée de la demande comprimée en Europe et un appétit grandissant du vieux-continent pour des biens étrangers. Si la tendance se maintient, elle pourrait favoriser les marchés émergents qui sont tributaires de leur secteur des exportations.

Certains éléments sur les marchés émergents confirment-ils cette tendance? Oui, selon l’activité sur des marchés clés. La Chine constate une hausse notable de l’activité des porte-conteneurs, Shanghaï et Hong Kong enregistrant tous deux une augmentation de 9,6 % en taux annualisé depuis le début 2016. Fait à noter, le port de Shanghaï enregistre un volume record de fret pour la première fois depuis 2013. La Chine pourrait assister à la relance longuement attendue de sa demande extérieure, ce qui l’aiderait à abaisser ses stocks excédentaires de marchandises et à gérer sa capacité industrielle.

La bonne nouvelle gagne aussi Singapour, l’économie baromètre de la région. Éprouvée par la glissade des expéditions par porte-conteneurs à la mi-2015, la cité-État est le théâtre d’une embellie des expéditions. Les expéditions de fret hors pétrole suivent une trajectoire similaire et ont récemment progressé, avoisinant de nouveaux sommets. Un nombre sans précédent de navires transite par le port de Singapour, où les arrivées de navires sont récemment en hausse. La Corée du Sud complète ce tableau régional, car la trajectoire du trafic sortant de porte-conteneurs s’y est intensifiée ces derniers mois.

Sur le continent nord-américain, le Mexique a connu cette année un net accroissement de son trafic sortant de porte-conteneurs, avec en toile de fond l’arrivée d’une nouvelle administration aux États-Unis. Quant au trafic de porte-conteneurs dans les installations portuaires de la côte Ouest du Canada, il n’a enregistré aucune hausse sensible, mais il a plutôt connu une croissance soutenue.

Les chiffres du commerce international corroborent les données du secteur du transport maritime. L’indice CPB pour les exportations révèle un bond considérable de l’activité sur les marchés développés et les principaux marchés émergents en 2017. D’après les dernières enquêtes commerciales, il semble que les entreprises s’attendent à ce que cette tendance se maintienne.

Conclusion?

On assiste enfin à un regain de l’activité du transport maritime mondial. La bonne nouvelle, c’est que la demande semble assez robuste pour soutenir la croissance. Il y a aussi une capacité largement suffisante pour maintenir cet élan. Il est temps de larguer les amarres!