Les exportateurs canadiens en ont vu de toutes les couleurs en 2018, une année marquée par des accords commerciaux historiques et des guerres commerciales à saveur politique. Voici donc notre rétrospective de 2018 et les dossiers à surveiller en 2019.

1. ACEUM

Les États-Unis étant le premier partenaire commercial du Canada, c’est sans surprise que les négociations de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique ont fait couler beaucoup d’encre en 2018. Peter Hall, économiste en chef à EDC, soutient que les exportateurs lui ont témoigné leur soulagement à ce sujet pendant sa tournée annuelle du pays en novembre dernier – une occasion pour lui d’étudier les tendances en matière d’exportation et de rencontrer des chefs d’entreprises. Le monde entier suivait de près ces négociations, car le Canada était « en première ligne de la fin de la mondialisation, ajoute-t-il. Aujourd’hui, on sent que la mondialisation est bien vivante, et non en dépérissement. Les entreprises sont très rassurées que nous soyons parvenus à un accord avec notre meilleur client. »

2. La guerre commerciale entre la Chine et États-Unis

Selon Peter Hall, il s’agit d’une « nouvelle très importante, car elle a des répercussions sur les entreprises canadiennes intégrées à l’échelle mondiale. » Sachant que des tarifs sont imposés sur la moitié des produits chinois exportés vers les États-Unis, c’est sans contredit une situation exceptionnelle. « On a d’abord menacé de faire passer les tarifs de 10 à 20 % le 1er janvier 2019. C’est un tournant majeur pour les États-Unis et la Chine, et beaucoup de Canadiens s’en inquiètent, car dans ce cas-ci, le discours est soutenu par une décision politique très agressive. » Les entreprises canadiennes établies en Chine qui exportent vers les États-Unis seront assujetties aux mêmes tarifs, ce qui explique l’inquiétude des Canadiens.

3. L’élection d’un nouveau président au Mexique

Fort heureusement, l’ACEUM a été entériné avant les élections et signé par le président sortant, Enrique Peña Nieto, car les Mexicains ont élu en juillet dernier le candidat populiste Andrés Manuel López Obrador (ou AMLO), qui a d’ailleurs été assermenté le lendemain de la signature de l’accord. « Si le Mexique avait refusé de signer l’accord, celui-ci serait tombé aux oubliettes, ce qui aurait affaibli la capacité des États-Unis à le faire adopter, soutient Peter Hall. Nous devions absolument signer cet accord avant les élections pour éviter toute incertitude. » Cela dit, le Canada et les États-Unis ont beaucoup d’investissements commerciaux au Mexique, et certains doutes planent désormais à leur sujet depuis l’entrée en poste du nouveau président.

4. L’acier et l’aluminium

Fin mai 2018, l’administration Trump a imposé des tarifs sur les importations d’acier et d’aluminium au nom de la sécurité nationale. « Les États-Unis veulent une relation commerciale plus encadrée avec le Canada, tandis que nous croyons que les tarifs n’ont pas lieu d’être entre nos deux nations, surtout pour des raisons de sécurité nationale », dénonce Mark Agnew, le directeur des Affaires internationales de la Chambre de commerce du Canada. « Nous avons dû imposer des mesures de représailles tarifaires, car nous ne pouvions pas rester les bras croisés. Ces mesures ont eu des répercussions sur les entreprises canadiennes qui utilisent les produits américains touchés par la hausse. »

5. Organisation mondiale du commerce (OMC)

Le Canada a organisé une réunion ministérielle pour dénouer certaines impasses qui persistent actuellement dans le système de l’OMC, un événement qui a été critiqué à plusieurs reprises par le président Trump. « C’est un bon début, convient Mark Agnew. Ils ont entamé des discussions et échangé des idées, mais tout compte fait, c’est une décision politique et la Maison-Blanche devra décider si elle veut relever le défi. »

Voici les cinq dossiers à surveiller en 2019.

1. Le processus législatif de l’ACEUM

Certaines discussions risquent d’être houleuses tandis que l’ACEUM chemine dans le processus législatif américain. Peter Hall rappelle que cet accord aura d’importantes retombées pour 41 des 50 États américains sur le plan de l’emploi et des prix à la consommation, et a donc peu de chance de tomber à l’eau. « Mais il y aura des écueils à contourner », conclut-il. 

2.  Coup d’envoi du Brexit le 29 mars

Le débat fait encore rage au moment où nous écrivons ces lignes, alors il est difficile de nous positionner quant au futur du Royaume-Uni et de l’Union européenne (UE), mais Londres déclenchera officiellement le Brexit le 29 mars 2019. Il sera intéressant de voir Theresa May s’agripper au pouvoir après avoir différé un vote sur l’entente qu’elle a conclue avec l’UE pour éviter un revers prévisible. Mark Carney, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, a récemment déclaré que le Brexit entraînera une chute de 8 % du PIB et précipitera le pays dans un gouffre économique. « Certains jugent que cette vision est alarmiste, admet Peter Hall, mais n’importe quel parent qui verrait son enfant au bord du précipice aurait une réaction similaire. »

3. Remontée des taux d’intérêt

Les hausses des taux d’intérêt n’ont pas eu d’importantes répercussions en 2018, mais la tendance haussière est loin d’être terminée, et les États qui ont contracté plusieurs emprunts pourraient crouler sous le poids des intérêts. « Ce fardeau deviendra de plus en plus lourd tout au long de 2019. Cette situation est d’autant plus préoccupante pour les institutions financières occidentales qui ont pris des risques importants. » 

4. Angela Merkel tire sa révérence

La chancelière de l’Allemagne a annoncé son retrait de la vie politique. Selon Peter Hall, elle était le maillon fort qui a cimenté l’UE, l’un des principaux moteurs de l’économie mondiale. Cette nouvelle a instauré un climat d’incertitude : l’Allemagne restera-t-elle unie? Qui sera la prochaine voix forte de l’Europe? À suivre.

5. Le PTPGP entre en vigueur

L’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste entrera en vigueur le 30 décembre 2018, mais le coup d’envoi des échanges sera donné en 2019. Les entreprises canadiennes qui sont déjà prêtes à tirer profit de cet accord auront l’avantage d’être les premières sur le marché.