Des temps anciens à l’ère moderne, le capitalisme est le système économique le plus répandu et le plus durable.

Pour le décrire, en 1776, Adam Smith, l’auteur de La richesse des nations, invente la célèbre expression de la « main invisible », où l’intérêt personnel de chacun contribue au bien commun. Le capitalisme a duré plus longtemps que tous les autres systèmes, et il demeure une force dominante.

Ceux qui ont périodiquement célébré sa victoire sur les autres systèmes – d’habitude, des économies dirigées de types divers – lors de moments éclatants ont parfois oublié que le capitalisme a des lacunes, parfois même importantes, qui sont d’ailleurs mises en évidence lors de récessions périodiques, surtout les profondes.

Au sombre lendemain de la Grande récession, John Maynard Keynes a tenté de remédier aux fluctuations inévitables du capitalisme en concevant un mécanisme pour les atténuer.

Malgré l’attrait de ce processus gouvernemental élégant destiné à annuler les soubresauts économiques – et les multiples tentatives pour les mettre en œuvre –, la proposition de Keynes n’a pas atteint son but premier. Pour preuve, nous devons composer avec ces fluctuations économiques avec une régularité dérangeante, et la crise de2008-2009 a prouvé que ces fluctuations peuvent encore se produire à grande échelle.

En fait, je dirais même que la mondialisation sous sa forme actuelle a accentué la possibilité d’une propagation rapide d’un repli économique à toutes les régions de la planète. Dans les faits, la grande récession a été une expérience presque fatale au capitalisme que nous connaissons.

Le capitalisme est toujours en danger

Hélas, le capitalisme n’est pas encore tiré d’affaire. Les sept années ayant suivi l’application la plus récente – et assurément la plus dramatique – de la formule de Keynes ont mis à l’épreuve la confiance de la population dans la version post-moderne du laissez-faire économique. Des millions de travailleurs ont écopé ou n’ont jamais été réinvités à participer à l’activité économique.

La croissance n’a pas permis de réintégrer ces travailleurs déplacés par la crise économique et ses lendemains incertains; elle n’a pas non plus permis d’accueillir des millions de nouveaux travailleurs potentiels, mais sans expérience.

Ils sont de plus en plus nombreux, et leur mécontentement s’est exprimé dans de multiples manifestations de grande ampleur, devenues fréquentes après 2010, et notamment lors de l’élection américaine de 2016 et du référendum sur le Brexit. Même s’ils sont venus près de former un gouvernement majoritaire, ils ont réalisé des gains inquiétants lors de plusieurs élections tenues en Europe en 2017. Si rien ne change, ils pourraient éventuellement avoir gain de cause.

L’économie subira d’autres changements en 2018

2018 sera-t-elle l’année de leur victoire? Le premier discours sur de l’état de l’Union du président Trump, le 30 janvier prochain, pourrait en donner une première indication.

Le sort de l’ALENA en dépend, et les fréquentes attaques en règle de l’administration contre la mondialisation pourraient prendre une forme plus tangible.

Il se tiendra cette année plusieurs élections clés qui pourraient changer la donne. Les électeurs de grandes économies émergentes, notamment la Russie, le Brésil et le Mexique, se rendront aux urnes cette année. Cuba est confronté à un changement de régime sous l’effet du recul économique; et le Venezuela, pour sa part, devra choisir son avenir politique. Parmi les économies développées, l’Italie tiendra d’importantes élections. Bien entendu, des élections de mi-mandat auront lieu à l’automne aux États-Unis.

Le résultat de certaines de ces élections pourrait ne pas favoriser la structure économique actuelle. Des rencontres multilatérales clés soulèvent toutefois un vent d’espoir : le sommet du G7 en juin, à La Malbaie, au Québec, et le sommet du G20, en décembre.

Le regain de la croissance économique pourrait sauver la mise

Derrière cette effervescence, on constate un regain de l’économie. Si on fait abstraction de l’avis des pessimistes, l’économie américaine gagne en puissance depuis déjà un moment, et l’Europe se redresse de façon remarquable.

La croissance a fait taire les cyniques – même s’ils sont nombreux à penser qu’il s’agit là du dernier soupir du capitalisme, d’un souffle d’optimisme de courte durée. Pourtant, la présence de preuves solides d’une demande comprimée sur les marchés américain et européen permet de croire qu’ils ont tort. Le capitalisme est en révision.

Pourquoi alors le débat fait-il toujours rage après des siècles d’expérimentation du capitalisme? C’est un peu comme rouler à vélo : croire qu’on avancera sans tomber est un acte de foi. Avec l’habitude, la bicyclette devient un mode de déplacement pratique et rapide. Or, il suffit d’une chute douloureuse pour faire perdre la confiance qui s’était développée – et parfois des années pour la regagner. Mais une fois de retour, les aptitudes refont surface : on est de nouveau en selle prêt à continuer son parcours.

Conclusion?

Est-ce que le capitalisme est un système parfait? Loin de là. Pour parodier Churchill, disons que c’est la pire forme de système économique inventé par l’homme, à l’exception des autres que nous avons mis de temps en temps à l’essai. Il semble bien qu’en 2018, nous devions à nouveau en faire la démonstration.