Les Canadiens sont tenus en haleine par la renégociation de l’ALENA. Il ne faut pas s’en étonner : économiquement, le Canada et son voisin du Sud sont pratiquement soudés l’un à l’autre, et la perspective d’un revirement de situation est… carrément inconcevable. Tous connaissent la place des États-Unis dans notre économie, mais certains seront peut-être étonnés d’apprendre que cette place, bien qu’importante à la grandeur du pays, varie considérablement d’une région à l’autre. À quel point les provinces canadiennes sont-elles vulnérables?

Environ les trois quarts des marchandises exportées par le Canada prennent le chemin des États-Unis. C’est beaucoup, mais on a déjà vu plus : en 2000, c’était 87 %. La tendance s’est maintenue jusqu’en 2002, puis a été suivie d’une descente qui a duré neuf ans, coïncidant avec une période de montée du dollar canadien, de resserrement de la sécurité frontalière et de forte croissance des ventes sur les marchés émergents. La reprise de l’économie américaine de l’époque a stabilisé la part des échanges commerciaux en 2012, qui est depuis demeurée à peu près stable. Peu importe les motifs, c’était là un revirement de taille en peu de temps. Bien que les provinces suivent généralement la même tendance, chacune d’entre elles a un récit à part. Le Nouveau-Brunswick, avec 92 % de ses exportations de marchandises, arrive en tête de liste : le marché américain est l’une de ses destinations importantes, surtout dans le secteur de l’énergie, mais aussi de la pêche et de la foresterie, à contre-courant du reste du pays, où la diversification est plus grande. La province a toujours beaucoup exporté aux États-Unis, et c’est l’une des seules qui n’a pas suivi la tendance nationale, en remontant de ses 87  % en 2000.

Sans surprise, le deuxième rang est occupé par l’Alberta, qui est reconnue pour sa vaste production d’énergie qu’elle envoie presque entièrement vers le sud. La part du marché américain dans les exportations de la province est demeurée remarquablement stable au début du nouveau millénaire. D’abord à 88 % en 2000, elle n’a à peu près pas bougé par la suite, pour finalement s’établir à 86 % en 2016. À cause de l’échec récent du projet d’oléoducs est-ouest, l’Alberta continuera sans doute à exporter massivement vers le sud pendant un certain temps.

Les exportateurs sont particulièrement nerveux dans la troisième province pour ce qui est de l’exposition. Non seulement l’Ontario réalise 81 % de ses exportations aux États-Unis, mais elle représente aussi 44 % du total des exportations canadiennes. Cette concentration a de quoi surprendre, car ses marchandises sont très diversifiées et pourraient sans doute être vendues dans le monde entier. Or, cette proportion a déjà été plus élevée. La province était au premier rang, avec 93 % des exportations concentrées aux États-Unis.

Les autres provinces se situent sous la moyenne nationale, la plupart aux alentours des 68-74 %. Chacune d’entre elles a subi le même déclin que le pays dans son ensemble depuis 2000, en particulier l’Île-du-Prince-Édouard, qui est passée de 90 % des exportations aux États-Unis à 74 % en 2016. Le Québec obtient 1 % de moins, alors qu’il était coude à coude avec l’Alberta en 2000. Pour une province ayant une industrie aussi diversifiée, il s’agit d’une descente particulièrement notable. Le Manitoba, autre province bien diversifiée sur le plan sectoriel depuis plusieurs années, a réussi à entretenir ses ventes ailleurs qu’aux États-Unis, et arrive dernière au sein du groupe médian de provinces. La Nouvelle-Écosse n’avait que 1 % de plus en 2016.

Les provinces les plus diversifiées ferment la marche. Elles étaient déjà au bas du palmarès en 2000 et ont conservé cette distance. Terre-Neuve-et-Labrador décroche 59 %, comparativement à 73 % en 2000. La Colombie-Britannique – dont environ le quart des exportations vont maintenant aux marchés émergents, surtout en Asie du Sud-Est – réalise un peu plus de la moitié de ses ventes étrangères aux États-Unis. Enfin, la Saskatchewan axée sur les secteurs agricole et minier est la seule province qui envoie moins du quart de ses marchandises vers le sud, et un énorme 41 % sur les marchés émergents. Mais ces chiffres n’ont rien de nouveau; la Saskatchewan est depuis longtemps la province canadienne qui commerce avec le plus grand nombre de marchés étrangers.

Bref, il est évident que certaines régions sont plus vulnérables que d’autres à l’économie des États-Unis. Celles qui sont présentes dans l’énergie ont cependant moins à craindre, puisque les produits de l’énergie n’ont pas été beaucoup mentionnés lors des pourparlers commerciaux. Cependant, les provinces qui exportent une combinaison plus hétérogène de marchandises vers le sud ont raison de s’inquiéter davantage.

Conclusion?

La renégociation de l’ALENA ne provoque pas le même affolement partout au pays, mais ne vous méprenez pas : au plus fort des discussions, tout le monde a besoin d’un tranquillisant… à des doses différentes.

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