L’omniprésence du populisme est l’un des éléments marquants de l’après-récession. Le pouvoir du peuple a ébranlé le monde lorsque, en Tunisie, il a renversé une autocratie partielle solide comme le roc, ce qui a déclenché une vague qui a balayé l’Afrique du Nord et le monde arabe à une vitesse stupéfiante. L’expression de ce pouvoir populaire ne s’est pas arrêtée là : il a gagné l’Occident et s’est exprimé lors des manifestations très médiatisées s’inscrivant dans le mouvement « Occupons » et depuis il n’a cessé de se renforcer. Les mouvements populistes constituent désormais une menace crédible aux élections et, dans certains cas prédominants, ils ont permis l’émergence d’un nouveau genre de dirigeants au tempérament irréfléchi, ce qui pose un grave danger pour les vues traditionnelles. Alors, comment les choses évolueront-elles?

Chez l’humain, l’instinct de survie est une puissante force. Lorsqu’ils sentent leur vie ou leur gagne-pain menacés par une grave récession ou d’importants changements structurels, des personnes d’habitude dociles peuvent réagir de façons étonnantes et à une vitesse surprenante – dans un monde ultra technologique dominé par les médias de communication. Voyant ses espoirs anéantis, un vendeur de fruits de Tunis s’est immolé par le feu. Cet événement a galvanisé toute une nation et a donné naissance à un mouvement de contestation qui a fait tomber un régime autoritaire en quelques jours. Il a aussi incité des millions dans la région, puis ailleurs dans le monde, à se faire entendre.  

L’intensité des réactions variait d’un pays à l’autre, et elle était sans doute en lien avec le manque des libertés civiles. En nous appuyant sur la connaissance du comportement humain, on pourrait avec conviction établir que la probabilité qu’une population manifeste a un lien inverse avec le coût associé à cette action. À la base, une personne sans travail est mécontente; elle a beaucoup de temps et n’a rien de mieux à faire que de manifester… Si la situation empire et qu’elle a faim, elle peut se consoler en se disant qu’en prison elle sera nourrie. Et si cette personne est privée de tout espoir, sa vie même semble sans valeur – comme l’a illustré l’incident tragique en Tunisie.

Il existe plusieurs indicateurs permettant de prédire une montée du populisme. D’un point de vue économique, le taux de chômage est d’une importance capitale. À l’échelle mondiale, il a atteint un sommet en 2009, puis on a été confronté à un dilemme : depuis, les taux de chômage sont en constante diminution, et aux États-Unis et dans l’Union européenne, ils atteignent ou s'approchent des creux historiques. Pourtant, le populisme semble continuer à prendre de la vigueur. Comment l’expliquer? Du point de vue du chômage, le tableau devient plus clair lorsqu’on ajuste le taux de chômage en tenant compte de ceux qui, exaspérés, ont quitté le marché de l’emploi : la croissance poussive qui a persisté pendant la majeure partie de la dernière décennie a laissé sur la touche des millions de personnes dans le monde développé. Ces personnes et leurs proches sont des acteurs incontournables qui alimentent la flamme du populisme. D’

Aux États-Unis, le taux d’activité est un indicateur révélateur, et il est encore nettement inférieur aux attentes à cette étape-ci du cycle de croissance. Ce taux nous donne une estimation du nombre de personnes ayant perdu leur emploi, qui a culminé à environ six millions, ou 3,9 % de la population active.

L’Union européenne utilise des indicateurs un peu différents. Le sous-emploi, mesuré par le nombre de travailleurs à temps partiel réticents, a augmenté pour se situer à trois millions de personnes à l’ensemble de l’UE en 2013. Dans le même temps, on a recensé deux millions de travailleurs de plus, disponibles mais ne cherchant pas un emploi – vraisemblablement découragés par le manque de possibilités d’emploi. Ensemble, ils représentent 2,1 % de la main-d’œuvre européenne.

Le Canada n’a pas connu ce genre de fluctuations puisque son économie intérieure était relativement plus robuste que celle des autres nations de l’OCDE. Ce faisant, nous avons été touchés par une version plus douce de cette affection.

Que nous réserve l’avenir? Par chance, le taux d’activité aux États-Unis se redresse. Grâce au resserrement du marché du travail, plus d’un million de membres de la génération du millénaire reprennent du service. Les travailleurs en milieu de carrière qui avaient été mis sur la touche dans la foulée de la grande récession font un retour en masse sur le marché. Et la même chose se produit en Europe. Là-bas, l’amélioration des conditions de travail ont permis de réduire le nombre de travailleurs à temps partiel sous employés de deux millions depuis le début de 2014, et le nombre de personnes disponibles mais ne cherchant pas un emploi a décliné de 1,5 million. Selon ces indicateurs, le populisme s’essouffle. Pourtant, après avoir eu le vent dans les voiles pendant des années, il maintient un élan vigoureux. Comme nous l’a appris la grande récession, le contexte peut s’améliorer, mais les mécontents n’oublient pas facilement.

Conclusion?

La fin du populisme ne semble pas proche, mais l’un de ses principaux contributeurs, le chômage, est en diminution, alors qu’on observe une progression de l’emploi, des salaires et du bien-être en général. Aussi longtemps que cette progression se maintiendra, les mécontents auront beaucoup plus à perdre qu’il y a quelques années. Il reste à voir si la voix des mécontents – et leur remise en cause du statu quo – se fera moins insistante.

 

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