Dans la plus récente édition du sondage de l’indice de confiance commerciale d’Exportation et développement Canada, les répercussions économiques potentielles d’un nombre record d'élections en 2024 n'étaient pas sur les écrans radars de la plupart des exportateurs canadiens interrogés.

Notre sondage de fin d’année a permis de dresser le classement des cinq principaux risques qui sont source d’inquiétude pour les exportateurs, à savoir dans l’ordre : une  grave récession mondiale, les contraintes pesant sur les chaînes d'approvisionnement, une crise financière aux États-Unis, l'émergence d'une crise sur les marchés des emprunts et la pénurie de main-d'œuvre. Le risque d’incertitude entourant les politiques brillait par son absence… Pourtant, la moitié des électeurs admissibles du globe dans plus de 60 pays se rendront aux urnes en 2024.

Depuis la mi-2022, les banques centrales de la planète ont durci leur politique monétaire dans leur volonté concertée et affirmée de réprimer les tensions inflationnistes alimentées par les distorsions économiques induites par la pandémie. Le scénario annonçant une grave récession mondiale ne s’est finalement pas concrétisé. Toutefois, les données économiques continuent d’ajouter à l’incertitude, notamment parce qu’elles envoient des messages contradictoires à propos du type d’atterrissage à venir : sera-t-il brutal, en douceur ou inexistant? Dans le cas présent, il sera sans doute plus important de savoir qui sera aux commandes de l’avion.


Aux États-Unis – destination de près du trois quarts des exportations canadiennes –, la Réserve fédérale a relevé ses taux pour les maintenir dans une fourchette de 5,25 % à 5,5 %. En janvier 2024, la mesure clé de l’inflation de la banque centrale est descendue à son niveau le plus bas en près de trois ans, et l’inflation semblait se diriger de façon convaincante vers la cible. Parallèlement, et contre toute attente, les indicateurs de l’emploi ont mis en lumière la résilience remarquable du marché du travail. L’atterrissage – ce scénario improbable il y a seulement quelques trimestres – semble donc de plus en plus en vue.

La perspective d’un atterrissage en douceur aux États-Unis est une excellente nouvelle pour les exportateurs canadiens, dont la prospérité est depuis toujours étroitement liée à la performance de l’économie américaine. Néanmoins, un autre élément pourrait se révéler plus déterminant : la teneur de la politique commerciale américaine à l’approche de l’élection présidentielle de novembre prochain. Son résultat pourrait être double : jouer sur la bonne fortune de plusieurs secteurs canadiens actifs dans la sphère de l’exportation; et influencer de façon marquée, à moyen et à long termes, les décisions d’investissement sur le continent.

Un autre événement se profile à l’horizon : la révision de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) en 2026. L’élection fédérale au Mexique prévue en juin viendra amplifier l’incertitude entourant à la fois l’activité dans la région et la révision de l’ACEUM. Comme au moins deux pays signataires sur trois se rendront aux urnes cette année, d’éventuels revirements en matière de politiques pourraient se répercuter sur l’investissement des entreprises et la politique commerciale régionale. Rappelons que ces trois pays ont – sous une forme ou un autre – lancé une politique industrielle ayant entre autres comme objectif de maintenir des chaînes d’approvisionnement vitales dans le domaine des technologies industrielles.

Pour sa part, l’Europe doit composer avec des perspectives économiques très différentes. En effet, là-bas, les bouleversements géopolitiques soulèvent de réelles interrogations sur le front de l’économie, notamment : Que signifie la fin du pétrole russe pour les industries nationales? Quelles sont les conséquences de l’escalade des tensions commerciales avec la Chine pour la filière de la fabrication de pointe? Les perturbations du trafic maritime en mer Rouge sont-elles un frein à la lutte contre l’inflation?

L’Allemagne est la plus ébranlée par ces difficultés puisque, au pays, les secteurs les plus gourmands en énergie dépendaient de l’accès au gaz russe bon marché. Par ailleurs, les constructeurs automobiles allemands font les frais du présumé dumping des technologies de véhicules électriques bon marché en provenance de la Chine. Le tassement de la demande chinoise est également problématique pour les exportateurs allemands, la Chine étant la première destination de leurs exportations. Dans ce contexte, nous anticipons une contraction de l’économie allemande de 0,3 % en 2023, puis une croissance timide au cours des années à venir.

De son côté, l’économie française devrait croître de 0,9 % en 2023. Grâce à sa filière nucléaire, la place prédominante de son secteur des services, la consommation sur le marché intérieur et un train de mesures de relance budgétaire, la France devrait être épargnée par la plupart des déconvenues  mettant à mal l’économie allemande. Cela dit, la faiblesse généralisée de l’économie européenne viendra assombrir les perspectives pour les exportations canadiennes dans la région à court terme.

Cette année, plus de 400 millions d’électeurs admissibles seront appelés aux urnes dans le cadre des élections parlementaires européennes, les deuxièmes élections démocratiques en importance du globe. L’Union européenne (UE) est le porte-étendard de la réglementation climatique et de la décarbonation, et un pilier de la libéralisation du commerce et des échanges commerciaux fondés sur les règles. Les exportateurs canadiens, tout particulièrement dans les technologies propres et le développement des énergies durables, suivront de près l’issue de ces élections pour une raison toute simple : les tendances façonnant les politiques de l’UE trouvent généralement un écho au-delà des capitales européennes.

Le  Royaume-Uni, quant à lui, doit organiser des élections avant janvier 2025. La perspective d’un changement de garde après 13 ans de règne du Parti conservateur accentue l’incertitude. Autre source d’incertitude : le Canada et le Royaume-Uni ont récemment suspendu les négociations en vue de signer un accord commercial.

Par ailleurs, trois pays de premier plan de la région indo-pacifique organiseront des élections nationales. La nature du discours politique dans ces pays sera d’une importance cruciale alors qu’ils s’emploient à réaliser leur potentiel économique et à se démarquer parmi les marchés les plus porteurs.

Dès le mois d’avril,  l’Inde – démocratie la plus populeuse du monde – devrait tenir des élections générales. En Indonésie – troisième démocratie de la planète –, le ministre de la Défense Prabowo Subianto est en bonne voie de remporter le scrutin présidentiel. Également en avril, la Corée du Sud tiendra des élections législatives. Là-bas, pour la première fois, les électeurs de 60 ans seront plus nombreux que ceux dans la vingtaine ou la trentaine. 

Conclusion?

Cette année, le monde sera le théâtre d’un nombre sans précédent d’élections qui se dérouleront dans un contexte marqué par la fin de la crise économique engendrée par la pandémie, la poursuite de la guerre en Ukraine et un regain de l’incertitude géopolitique. En suivant de près l’évolution des politiques publiques, les exportateurs canadiens pourront plus facilement concilier les opportunités et les risques, et gérer la volatilité inévitable qui accompagnera ces élections.

L’Analyse trimestrielle des risques pays publiée par les Services économiques d’EDC vous propose des renseignements sur plus d’une cinquantaine de pays afin que vous puissiez maîtriser les risques pays. Grâce à cette mine d’information, vous pouvez prendre des décisions d’investissement et commerciales plus éclairées. 

Nous tenons à remercier chaleureusement Sanjam Suri, analyste des risques pays au Centre d’information économique et politique d’EDC, pour sa contribution à la présente édition.

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