Si les nouvelles sur la montée du protectionnisme commercial aux États-Unis vous préoccupent, ce second volet de la série en trois parties vous montrera la manière dont plusieurs petites entreprises gèrent cette incertitude économique.
Dans cet article :
Pas de panique, les affaires sont sous contrôle.
Voilà comment Steelworks Design, une société de Peterborough, réagit aux rapports constants sur la montée du protectionnisme et l’incertitude économique généralisée aux États-Unis.
L’incertitude qui règne actuellement aux États-Unis rend une chose très claire : il nous faut une stratégie d’investissement à long terme.
« Pour l’instant, rien ne change. La rhétorique américaine est un écran de fumée –efficace, certes –, et il est inquiétant de voir que tout le monde s’y laisse prendre », explique Rhonda Barnet, vice-présidente des finances de l’entreprise ontarienne. « Cependant, l’incertitude qui règne actuellement aux États-Unis rend une chose très claire : il nous faut une stratégie d’investissement à long terme. »
Établir une présence au sud de la frontière pourrait faciliter les choses pour l’entreprise, tout en montrant un engagement accru envers son marché américain. Mais à la lumière des récents événements, Steelworks a compris que mettre les bouchées doubles pourrait bien s’avérer futile. Un constat qui vaut aussi pour le Mexique, où la société songeait à investir.
« Tout est sur la glace jusqu’à ce qu’on ait une meilleure idée de la situation. Le problème, c’est que les camions qui vont livrer nos produits au Mexique doivent traverser les États-Unis, ce qui pourrait devenir compliqué. »
« Steelworks est une PME canadienne, alors je vais attendre de voir ce qui se passe avant de faire des investissements majeurs. Cela dit, je crois qu’il est prudent pour n’importe quelle PME de commencer tout de suite à faire des plans. »
Pour le nouveau président américain, Donald Trump, savoir faire des affaires, c’est renégocier les accords commerciaux. Durant sa campagne, il avait juré de transformer le paysage commercial des États-Unis : depuis son investiture le 20 janvier, le président a tenu promesse en signant des décrets ordonnant le retrait des États-Unis du Partenariat transpacifique (PTP) et la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).
Ces gestes ont engendré une vague d’incertitude pour les entreprises, petites et grandes, des deux côtés du 49e parallèle. Toutefois, les sociétés canadiennes peuvent se raccrocher à une certitude : les deux pays entretiennent une relation exceptionnelle, la plus importante au monde, avec des échanges bilatéraux annuels s’élevant à 690 G$, soit 2,4 G$ chaque jour.
En effet, le Canada est le client numéro un des États-Unis : l’an dernier, il lui a acheté pour 338 G USD en biens et services. C’est plus que n’importe quelle autre nation, y compris les 28 (bientôt 27) membres de l’Union européenne. Et pour 35 États américains, le Canada est le principal marché d’exportation.
Selon Mme Barnet, qui préside aussi Manufacturiers et Exportateurs du Canada (MEC), la première association industrielle et commerciale au pays, ces statistiques sont incontournables.
« Les chaînes d’approvisionnement du Canada et des États-Unis sont intégrées, et nos pays gagnent à collaborer pour faire croître leurs économies respectives, ajoute-t-elle. Notre travail, désormais, c’est de faire comprendre aux deux gouvernements qu’en ce qui concerne le commerce canado-américain, la somme des parties est plus grande que le tout. Nos deux nations réussiront mieux, et plus rapidement, à relancer le secteur manufacturier et à fabriquer des produits de calibre mondial si elles travaillent ensemble. »
Viser le calibre mondial, c’est le credo de l’entreprise de 27 employés que Mme Barnet exploite avec son mari, Don. Steelworks conçoit et fabrique des produits très sophistiqués pour des clients comme General Electric, Kubota, Siemens et Rolls Royce, et mise sur les chaînes d’approvisionnement de ceux-ci pour accroître ses exportations. Destination de la moitié de ses ventes totales, les États-Unis sont son principal marché.
« Actuellement, la main d’œuvre canadienne et les pièces sur mesure constituent 75 % de nos intrants, explique Mme Barnet. Nous sommes donc moins préoccupés par les chaînes d’approvisionnement que par l’accès au marché. Jusqu’à présent, aucun de nos clients n’est inquiet, parce que les fabricants doivent suivre des règles internes qui les forcent à acheter leur équipement en fonction du prix et de la qualité. Cela nous a donné une assise solide dans beaucoup d’usines américaines. »
Oui, il se passe beaucoup de choses, mais pour nous, ça ne change rien.
Bogden Markiel, chef de la direction de DV Systems, un fabricant de compresseurs d’air à haut rendement de Barrie, a fait des investissements stratégiques aux États-Unis, plus précisément dans une usine de fabrication enCaroline du Nord.
« Au début de l’an dernier, ça semblait être une bonne idée », dit-il. À présent, il est du même avis que Mme Barnet et attend que la poussière retombe avant d’investir à nouveau au sud de la frontière.
Même si plus de 3 000 kilomètres séparent le cœur industriel de l’Ontario de la côte est de Terre-Neuve, l’actualité y laisse la même impression.
Selon Lorne Janes, président de Continental Marblecast, basée à Paradise et dont la majorité des clients se trouvent aux États-Unis, ce n’est pas le temps de paniquer.
« Oui, il se passe beaucoup de choses, mais pour nous, ça ne change rien », affirme M. Janes, qui exploite une usine de revêtements de comptoir en composite près de St. John’s. « Nous n’avons pas le temps de nous perdre en conjectures : nous devons nous concentrer sur le présent. »
Et pour lui, il s’agit de poursuivre ses livraisons aux États-Unis.
« Mes clients se demandent toujours ce que le prochain gazouillis de la Maison-Blanche leur réserve, indique-t-il. Mais pour le moment, ils ne sont pas réellement inquiets. »