Jordan Kendel est bien placé pour savoir que les ouvriers indonésiens qui confectionnent ses vêtements de sport sont traités et rémunérés adéquatement : il est sur place tous les jours.

Lorsque le chef de la direction d’Ekumenik, une marque de Winnipeg, a commencé à chercher des sites manufacturiers pour produire ses vêtements pour hommes haut de gamme, il voulait un fournisseur en phase avec ses principes, comme la durabilité et l’amour de la nature. Il souhaitait aussi travailler avec des usines aux pratiques responsables.

Dans les années qui ont suivi l’effondrement de l’usine de vêtements Rana Plaza à Dacca (Bangladesh) en 2013, les consommateurs du monde entier ont commencé à se soucier davantage de la manière dont leurs vêtements sont fabriqués. Ayant coûté la vie à plus de 1 100 ouvriers, la tragédie a soulevé beaucoup d’inquiétudes quant aux pratiques en matière d’emploi et aux conditions de travail dans les secteurs du textile, du vêtement et de la chaussure. De grands noms canadiens ont vu leur image ternie lorsque le public a découvert qu’ils faisaient fabriquer certains de leurs produits dans l’usine en question.

Croissance des exportations de vêtements

Durant la même période, le secteur canadien du vêtement a connu une croissance soutenue : ses exportations sont passées de 1,47 milliard de dollars en 2014 à un peu moins de 2,1 milliards en 2018. Les consommateurs du monde sont friands des vêtements de conception canadienne, mais tiennent à connaître leur contexte de fabrication. Les ouvriers reçoivent-ils le salaire qu’ils méritent? Leurs conditions de travail sont-elles sûres? Quelle est l’incidence environnementale de la production?

Les secteurs du textile, du vêtement et de la chaussure jouent un rôle important dans le développement économique et social, mais peuvent exposer les exportateurs canadiens à divers problèmes, selon leurs pays d’approvisionnement et leurs relations avec les fournisseurs. Étant donné la complexité et l’opacité des chaînes de valeur, il est parfois difficile pour une marque ou un détaillant de repérer les situations problématiques.

Exportation et développement Canada peut aider les PME des secteurs du vêtement et de la chaussure à y voir clair. En veillant à ce que les maillons de la chaîne d’approvisionnement de votre entreprise respectent vos normes d’éthique, vous pouvez non seulement améliorer l’image de votre marque auprès des consommateurs, mais aussi faciliter votre accès au financement et aux capitaux pour les projets de croissance.

Une chaîne d’approvisionnement en pleine mutation

Depuis quelques années, les entreprises du secteur du vêtement ont encore plus de difficulté qu’auparavant à trouver des fournisseurs qui respectent leurs normes de responsabilité sociale, déplore Bob Kirke, directeur général de la Fédération canadienne du vêtement.

« Dans le domaine de l’approvisionnement, surtout depuis trois ans, la donne a complètement changé », ajoute-t-il, attribuant une grande partie du phénomène aux tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine.

« La situation est très changeante : les entreprises se détournent de la Chine pour déplacer leur production dans d’autres pays. Dans certains cas, ces pays perdent la faveur commerciale d’autres pays, comme l’Europe. Tous les facteurs évoluent trop vite. »

Si M. Kirke reconnaît que le secteur est plus transparent quant aux chaînes d’approvisionnement depuis la tragédie de Rana Plaza, il ajoute que la diligence ne permet pas de parer tous les coups. « Il n’est pas facile de brosser un portrait complet de ce qui se passe dans une usine ou un pays », dit-il. Il recommande une présence physique dans les installations.

Ekumenik : des vêtements faits à la main en Indonésie près d’une destination de surf de calibre mondial

Voilà exactement l’approche qu’a adoptée M. Kendel, chef de la direction d’Ekumenik (d’un mot grec signifiant « monde habité »), lorsqu’il a décidé d’établir des opérations de fabrication en Indonésie. Il a eu la piqûre du vêtement à l’école secondaire, s’est mis à dessiner des chandails avec des amis et à les vendre à des camarades de classe. « Nous arrivions toujours à distribuer les produits à nos clients, mais nous n’avons jamais fait d’argent », raconte-t-il. Cependant, bien qu’elle ait échoué, son aventure entrepreneuriale de jeunesse lui a fait connaître en 1999 l’Indonésie en tant que lieu de fabrication, un ami de sa famille se procurant des matériaux dans ce pays d’Asie du Sud-Est.
 

Une ouvrière balinaise debout devant un présentoir de vêtements Ekumenik


Après avoir obtenu son diplôme de l’Université du Manitoba, M. Kendel a pris le chemin des montagnes albertaines pour vivre sa passion de la planche à neige. Lorsqu’il n’était pas sur les pentes, il travaillait dans une boutique de planche à neige et occupait aussi un emploi de serveur. Il essayait aussi de faire renaître son idée d’une marque de vêtements basée sur son style de vie.

« Je voulais que ma marque raconte une histoire, et c’est pourquoi les produits d’Ekumenik sont “faits à la main près d’une destination de surf de calibre mondial”, en Indonésie », explique-t-il.

En tant que petit designer indépendant, M. Kendel a aussi découvert que les seuils minimaux de production n’étaient pas aussi élevés en Indonésie que dans d’autres pays. « Les usines indonésiennes acceptaient généralement des seuils beaucoup plus proches des volumes de produits auxquels nous arrivions d’une saison à l’autre lorsque nous avons commencé. »

Une surveillance en personne

En 2008, après une rencontre dans un bar karaoké de plage, M. Kendel a lancé les opérations de fabrication de son entreprise à Bali, où étaient fabriqués les produits de l’une de ses marques de plein air préférées, la Californienne Volcom. Après plusieurs mois passés à faire des aller-retour entre le Canada et Bali et à diviser son temps entre l’entreprise et ses deux autres emplois, M. Kendel a décidé de se consacrer à temps plein à Ekumenik et d’aller vivre à Bali, pour pouvoir surveiller les activités. Aujourd’hui, l’entreprise fait affaire avec cinq usines en Indonésie, chacune se spécialisant dans un type de produit.

La solution d’EDC

Puisque l’entreprise prenait de l’ampleur et avait besoin de financement pour honorer de plus grosses commandes, M. Kendel a communiqué avec le Bureau de Winnipeg d’Exportation et développement Canada. Selon ses dires, EDC lui a expliqué qu’en tant que prêteur soutenu par le gouvernement fédéral, elle ne pouvait investir dans des entreprises qui ne s’étaient pas attaquées à des problèmes comme l’exploitation des travailleurs et les lacunes dans la sécurité du personnel.

« Je sais que ces problèmes n’existent pas ici, parce que je suis à l’usine tous les jours », assure-t-il, ajoutant qu’EDC a posé beaucoup de questions importantes sur les conditions de travail dans les usines et les types de vérifications de sécurité effectuées.
 

Des employés d’Ekumenik qui regardent des dessins avec un directeur d’usine

La sécurité d’abord

M. Kendel admet que, comme son entreprise est une PME, elle ne passe pas d’énormes commandes de dizaines de milliers d’unités auprès d’usines qui sont situées dans des pays comme la Chine et l’Inde et qui peuvent traiter ce genre de volume. Ekumenik doit donc faire appel à de petites usines ailleurs dans le monde, comme en Indonésie. Or, nombre de ces petites usines n’ont pas les moyens financiers nécessaires pour se prêter à un processus rigoureux de vérification de la sécurité des travailleurs et des mesures de lutte contre l’exploitation. Par opposition, de nombreuses autres usines ailleurs dans le monde doivent se soumettre à des vérifications du genre pour satisfaire aux besoins des grandes marques mondiales qui font appel à elles.

M. Kendel a pris l’initiative d’instaurer un processus d’autovérification aux usines indonésiennes avec lesquelles il fait affaire pour s’assurer qu’elles respectent certaines normes de sécurité.

« Nous nous sommes engagés à apporter quelques améliorations, précise-t-il. Aujourd’hui, Ekumenik a “des piles et des piles de dossiers de vérification d’usine”, rapporte M. Kendel. Nous les remettons sur demande à nos principaux distributeurs et aux banques. »
 

Ouvrier d'usine mâle se prépare à couper le tissu

Sept petits conseils pour aider le secteur du vêtement à gérer le risque lié à la chaîne d’approvisionnement

Des mesures sont à votre portée pour réduire au minimum ou éviter des problèmes dans votre chaîne d’approvisionnement. Les relations avec vos fournisseurs sont un aspect important, particulièrement au début, quand vous avez l’ascendant.

  • Examinez votre processus d’approvisionnement.
  • Adoptez un code de conduite pour l’entreprise, ses fournisseurs et ses sous-traitants.
  • Définissez vos attentes en matière de droits des travailleurs dans tous les contrats et accords avec les fournisseurs.
  • Nouez des relations à long terme avec vos fournisseurs.
  • Menez des vérifications pour avoir une meilleure vision des résultats de vos fournisseurs.
  • Participez à des initiatives collectives pour régler les questions qui vous semblent impossibles à traiter sans aide extérieure.
  • Exigez que la provenance des matières premières soit divulguée.

Selon M. Kirke, les responsabilités doivent être assumées d’abord par le plus haut échelon. « Il ne suffit pas de confier le tout au directeur de l’approvisionnement, fait-il valoir. Un membre de la haute direction doit être au courant des démarches en cours » pour assurer le respect de normes de responsabilité sociale. « Les entreprises qui ont des démarches semblables et qui adoptent ces pratiques n’en sont que plus fortes. »

Si vous œuvrez dans le secteur du vêtement, de la chaussure ou du textile, téléchargez les recommandations et les ressources que propose EDC (PDF) aux exportateurs canadiens pour les aider à tenir compte de la sécurité des travailleurs et de la lutte contre l’exploitation au moment d’établir des normes commerciales internationales avec des fournisseurs, des fabricants ou des usines.