
Au moment de publier nos perspectives pour le deuxième trimestre, nous avions bon espoir que le contexte serait on ne peut plus clair, à mesure que la stratégie tarifaire des États-Unis se précisait, dissipant l’incertitude et les doutes qui s’accentuaient depuis l’inauguration du président Donald Trump. Après tout, les États-Unis et la Chine avaient conclu un accord commercial, et des accords avaient été signés avec le Royaume-Uni et le Vietnam.
Incertitude économique et géopolitique
Cependant, alors que les divers sursis tarifaires de 90 jours prennent fin, les nouveaux tarifs douaniers annoncés par le président Trump témoignent de la volatilité commerciale et de l’incertitude persistantes qui caractérisent les perspectives économiques.
Pressée de conclure un accord, l’Union européenne (UE) s’est dite prête à accepter un tarif universel de 10 % (avec des exemptions), sous la menace de tarifs douaniers allant jusqu’à 50 %. Pendant ce temps, Pékin a lancé une mise en garde au sujet du retour des tensions commerciales et menace de représailles tout pays qui exclurait la Chine des chaînes d’approvisionnement pour s’attirer les faveurs des États-Unis.
Au Canada, le premier ministre Mark Carney a retiré la taxe sur les services numériques visant les grandes entreprises technologiques américaines après que le président Trump a brièvement mis fin aux négociations bilatérales. L’optimisme se fait toujours sentir quant à la conclusion d’un accord, même si certains tarifs sont maintenus.
Les frictions géopolitiques persistent, comme en témoignent l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie (qui en est à sa troisième année), les conflits au Moyen-Orient, la montée des tensions dans le détroit de Taïwan et la récente escalade entre les États-Unis et l’Iran. Compte tenu de toute cette incertitude, les Services économiques d’EDC tablent sur une croissance mondiale se fixant à 2,6 % en 2025 et à 3 % en 2026, soit la plus timide croissance observée pendant deux années consécutives depuis 2001-2002.
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États-Unis : performance de l’économie et posture de la Réserve fédérale
Aux États-Unis, les importations ont bondi en début d’année, les entreprises s’empressant d’anticiper l’exécution des commandes avant l’application de nouveaux tarifs. Or, cette précipitation a causé une contraction de l’économie. En dépit de la morosité des entreprises et des consommateurs ainsi que du repli du marché de l’emploi, l’embauche a maintenu le cap. L’effet des tarifs douaniers élevés n’a pas encore gagné les prix à la consommation, puisque les entreprises préfèrent encaisser le coup en rognant sur leurs marges bénéficiaires. Dans ce contexte, nous escomptons une croissance de l’économie étatsunienne de 1,4 % en 2025 et de 1,7 % en 2026, et ne prévoyons aucune récession.
La Réserve fédérale américaine a revu à la baisse ses prévisions économiques, mais a relevé ses attentes inflationnistes en raison des préoccupations entourant les tarifs douaniers. La perspective d’une augmentation plutôt modeste du chômage et d’un taux d’inflation supérieur à la fourchette cible procure à la Fed une certaine marge de manœuvre pour suivre l’évolution de la conjoncture avant d’agir. D’après nous, le Federal Open Market Committee diminuera les taux d’intérêt d’à peine 25 points de base en 2025, puis procédera à trois baisses d’un quart de point en 2026.
Perspectives économiques canadiennes
Si le sursaut des importations dû à la mise en place des tarifs a freiné l’économie américaine en début d’année, les exportations canadiennes correspondantes ont donné un coup de pouce à l’économie du Canada. Cependant, à mesure que les stocks américains diminuent, tout particulièrement en raison des changements tarifaires imminents, l’année à venir pourrait se révéler éprouvante pour l’économie canadienne.
L’horizon de plus en plus teinté par la volatilité complique la planification des activités pour les entreprises canadiennes – qu’elles exportent ou non – et du même coup assombrit les perspectives pour l’investissement commercial et l’embauche. Entrave majeure à la croissance de l’emploi, cette grisaille a fait grimper le taux de chômage au pays à 7 % en mai, le taux le plus élevé hors pandémie depuis 2016. La croissance économique devrait tomber à 0,8 % en 2025 et à 1,1 % en 2026.
Après avoir diminué les taux en mars, la Banque du Canada a laissé son taux directeur inchangé, passant outre aux premières répercussions des tarifs douaniers. Nous prévoyons un fléchissement de l’économie canadienne et des défis persistants dans la sphère commerciale. Cela dit, il y a fort à parier que la banque centrale effectuera trois baisses de taux en 2025, mais aucune en 2026.
Dynamique monétaire et commerce international
Nos perspectives pour le huard ont changé depuis la publication au printemps des Perspectives de l’économie mondiale. Auparavant, nous nous attendions à ce que l’effet conjugué des tarifs douaniers américains et du regain de l’incertitude pesant sur l’économie mondiale entraînent une appréciation du billet vert face aux principales autres devises du globe, et notamment au dollar canadien. Rappelons qu’au cours du dernier siècle, la réaction des marchés à l’incertitude mondiale a été caractérisée par une « fuite vers la qualité », les investisseurs se ruant vers les actifs libellés en dollar américain vu leur valeur refuge.
Cependant, les inquiétudes concernant la stabilité politique aux États-Unis ont plutôt propulsé le huard (et d’autres monnaies). Le dollar canadien s’est apprécié de quatre cents face à la devise américaine depuis le début de 2025. Vu cette ascension, nous projetons que la monnaie canadienne s’échangera, par rapport au billet vert, en moyenne à 69 cents en 2025 et à 70 cents au début de 2026.
Pendant la première moitié d’année, les exportateurs et les décideurs chinois ont été confrontés à un contexte commercial imprévisible. Pendant cet intervalle, les tarifs américains à l’encontre des exportations chinoises sont passés d’environ 20 % à 145 %. Ces mesures ont bouleversé les échanges commerciaux sino-américains. Malgré tout, la Chine continue d’accroître ses activités commerciales avec les autres nations du monde. Pour les décideurs, le secteur des exportations reste incontournable pour embellir les perspectives économiques puisque l’économie intérieure est plombée par une demande en berne. Le gouvernement maintient donc son soutien aux secteurs principaux et ses mesures de relance destinées à stimuler la croissance. Pour l’économie chinoise, nous anticipons une croissance de 4,6 % en 2025 et de 4,1 % en 2026.
La croissance de la zone euro a longtemps été inférieure à celle des États-Unis, mais nous prévoyons un sursaut pour l’union monétaire de 20 pays membres par rapport aux dernières années. En France, l’essor économique demeure tempéré par la paralysie dans l’arène politique, ce qui nuit aux réformes nécessaires. De son côté, l’Allemagne est destinée à une croissance soutenue, grâce à son plan budgétaire sans précédent visant à augmenter les dépenses dans la défense et les infrastructures. La croissance de la zone euro devrait s’établir à 1 % en 2025 et à 1,3 % en 2026.
Conclusion : il faudra composer avec l’incertitude du commerce mondial
L’économie mondiale profite d’un bref répit après les annonces de tarifs par l’administration américaine. Le climat commercial reste néanmoins en proie à l’incertitude. L’instabilité et l’intensification des tensions géopolitiques à l’échelle planétaire ne facilitent en rien la planification des entreprises.
Chose certaine, la croissance marque le pas et le coût de faire des affaires augmente. Aujourd’hui plus que jamais, les entreprises doivent rester à l’affût et se préparer à de multiples scénarios. Pour se faire, elles doivent investir dans leur résilience opérationnelle et résister à la tentation de faire des économies.
Nous tenons à remercier chaleureusement Ross Prusakowski, directeur, Équipe des renseignements sur les secteurs et les pays, pour sa contribution à la présente édition.
N’oubliez pas que votre avis est très important pour les Services économiques d’EDC. Si vous avez des idées de sujets à nous proposer, n’hésitez pas à nous les communiquer à l’adresse economics@edc.ca, et nous ferons de notre mieux pour les traiter dans une édition future.