Pour les entreprises canadiennes qui expédient des marchandises à faible coût à des clients aux États-Unis, les règles du jeu ont changé.
À compter du 29 août 2025, les marchandises importées d’une valeur inférieure ou égale à 800 $ US et expédiées autrement que via le réseau postal international seront assujetties à tous les droits de douane applicables et devront faire l’objet d’une procédure de dédouanement complète.
Désignées par l’expression « seuil de minimis », les importations aux États-Unis dans cette fourchette de prix étaient exemptées de droits et de taxes en vertu des programmes de l’article 321, mais le 30 juillet 2025, l’administration Trump a annoncé la suspension de cette exemption.
Cette expression latine, qui signifie « d’importance minime », fait référence à une valeur de seuil établie par différents pays, en dessous de laquelle les marchandises peuvent être importées sans être assujetties à des droits ou à des taxes. Ce système vise à simplifier les procédures douanières et à alléger la charge administrative des agents des douanes, et à ainsi encourager les petites entreprises et les particuliers à prendre part au commerce international.
Ce changement de politique aura des conséquences importantes pour les entreprises canadiennes qui ont élaboré leurs stratégies de distribution aux États-Unis en s’appuyant sur des expéditions transfrontalières de faible valeur. Dorénavant, les petits colis envoyés directement aux acheteurs étatsuniens ne pourront plus franchir la douane sans être assujettis à des droits, à des taxes et à des formalités administratives supplémentaires.
Les envois postaux continueront d’être acheminés sans nécessiter de déclaration préparée par le service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis, le CBP (Customs and Border Protection), jusqu’à ce que ce dernier établisse et publie une nouvelle procédure de déclaration. Néanmoins, ces envois devront se conformer à un nouveau cadre de perception de droits de douane.
Par conséquent, « les exportateurs peuvent s’attendre à des coûts d’expédition plus élevés, à de nouvelles exigences en matière de conformité et à des risques accrus de retards des expéditions. Ce virage sera particulièrement difficile pour les secteurs qui dépendent d’expéditions fréquentes et de faible valeur », indique David Weiner, vice-président régional −États-Unis à Exportation et développement Canada (EDC).
« Les exportateurs canadiens devraient se tenir informés et faire preuve de souplesse afin de maintenir la rapidité et la simplicité du service – deux grandes attentes des cyberconsommateurs d’aujourd’hui – qui seront plus difficiles à maintenir sans une adaptation des stratégies de distribution », affirme M. Weiner.
Pour des précisions sur les exonérations de droits de douane prévues par l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), voir la remarque à la fin du présent article.
Selon BDO Canada, les secteurs les plus susceptibles d’être touchés par la suspension sont ceux qui dépendent fortement des ventes directes aux consommateurs et du commerce électronique, notamment :
- Les produits de consommation, tels que les vêtements, accessoires et articles de soins personnels;
- Les produits de santé et de bien-être et les compléments alimentaires;
- Les appareils électroniques et produits liés au style de vie;
- Les produits spécialisés ou de créneaux qui sont vendus aux acheteurs étatsuniens par l’entremise de plateformes en ligne.
Les entreprises qui font appel à des prestataires logistiques externes, des entreprises de regroupement de colis ou des prestataires de services d’exécution de commandes visés par l’article 321 devraient s’attendre à des augmentations du coût des services et à des perturbations des activités presque immédiatement après l’entrée en vigueur des nouvelles règles.
Les exportateurs canadiens doivent agir rapidement pour s’adapter. Selon des experts-conseils en fiscalité et en douane transfrontalières, comme BDO, PwC et Avalara, les entreprises peuvent mettre en œuvre les mesures proactives suivantes :
- Déterminer les produits (UGS) visés et les méthodes d’expédition les plus touchées par la suspension. En cernant les produits qui bénéficient de l’exemption de minimis, les entreprises pourront mieux prévoir les répercussions et les risques touchant leurs activités.
- Revoir les classifications des produits. L’attribution du code exact à 10 chiffres du système harmonisé réduit les risques de retards, de rejets et de pénalités à la frontière. Ce code permet aussi de confirmer que toutes les importations sont conformes aux restrictions commerciales en vigueur.
- Mettre à jour les documents d’expédition afin de fournir des renseignements plus détaillés, notamment les descriptions des produits, les classifications tarifaires et, le cas échéant, les déclarations d’origine prévues par l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM). Cela favorisera un dédouanement plus fluide et minimisera les risques de retards.
- Recalculer les prix au débarquement associés aux expéditions vers les États-Unis, en tenant compte des droits de douane, des frais de courtage en douane et des frais de dédouanement applicables. Ce calcul est essentiel à l’exécution de l’étape 5.
- Revoir les modèles de tarification et les modalités offertes aux clients afin de tenir compte de droits de douane potentiels. La responsabilité du dédouanement à l’importation aux États-Unis incombera au vendeur ou à l’acheteur, selon l’Incoterm choisi (l’un des 11 termes universels utilisés dans les transactions internationales).
« Ce changement souligne l’importance de la précision dans les opérations commerciales. Les exportateurs canadiens doivent désormais considérer chaque envoi de faible valeur comme une transaction à enjeux élevés, où la documentation exacte, la classification tarifaire et la maîtrise des Incoterms® ne sont plus facultatives, mais essentielles pour éviter des retards coûteux et des pénalités », affirme Emiliano Introcaso, gestionnaire principal des produits opérationnels à Exportation et développement Canada.
Voici certains groupes qui peuvent jouer un rôle essentiel pour vous aider à adapter votre stratégie d’importation aux États-Unis :
- Les entreprises de courtage en douane et d’experts-conseils en commerce des États-Unis : Contrairement aux grands services d’expédition qui proposent aussi des services de courtage aux États-Unis, ces experts – habituellement des cabinets spécialisés – sont peut-être mieux outillés pour aider les PME à renforcer leurs cadres de conformité, à améliorer leur efficacité opérationnelle et à veiller à ce que leurs transactions transfrontalières soient gérées efficacement et conformément aux réglementations étatsuniennes.
Ces spécialistes peuvent agir à titre de prolongement de votre équipe de conformité, en offrant un soutien personnalisé dans plusieurs domaines clés, comme la classification des produits, l’évaluation en douane et les exigences en matière de documents, tout en assurant la conformité aux lois commerciales des États-Unis. Ils aident aussi les entreprises à gérer les prix au débarquement, à former des équipes internes sur la conformité et à améliorer la communication avec les autorités étatsuniennes afin de réduire les perturbations des activités.
- Consultants en logistique/partenaires de logistique tiers) : Ces entreprises sont spécialisées dans le remaniement et l’optimisation des flux d’expédition. Elles peuvent aider à cerner les produits concernés et à calculer les prix au débarquement tout en tenant compte des avantages et inconvénients de l’expédition directe au consommateur par rapport aux autres options, comme les envois regroupés vers les centres de services d’exécution de commandes aux États-Unis.
« Pour bon nombre d’entreprises, la distribution à partir des États-Unis – par l’intermédiaire de leur propre entrepôt ou d’un partenaire de logistique tiers – peut à la fois réduire les coûts de transport par unité et assurer une livraison plus rapide aux clients », explique M. Weiner.
« Le regroupement d’expéditions permet de répartir les frais de dédouanement sur un volume plus important, tandis que la planification des retours de produits et les partenariats de marchés peuvent contribuer à atténuer les risques. EDC et ses équipes aux États-Unis sont à la disposition des entreprises qui ont besoin d’aide pour surmonter les difficultés et trouver des solutions pratiques », ajoute-t-il.
Si vous travaillez actuellement avec un prestataire de logistique tiers au Canada qui exerce également des activités aux États-Unis, il s’agit d’un excellent point de départ pour discuter des différents scénarios d’expédition et des prix au débarquement qui y sont associés. Par exemple, vous pourriez comparer le cas d’une entreprise de vente transfrontalière directe aux consommateurs avec des expéditions regroupées vers un prestataire logistique tiers ou un centre d’exécution des commandes aux États-Unis.
- Les conseillers juridiques devraient revoir les contrats de vente et les Incoterms afin de clarifier quelle partie est responsable des nouvelles obligations douanières. Ils peuvent aussi contribuer à la mise à jour de ces contrats de vente afin qu’ils reflètent tout changement dans les obligations douanières, et veiller à la conformité et à la protection de vos intérêts commerciaux.
Par ailleurs, la suspension de la règle de minimis pourrait obliger les entreprises canadiennes à réexaminer l’ensemble de leur modèle de distribution aux États-Unis. Pour certaines, l’établissement d’un centre d’exécution des commandes aux États-Unis pourrait réduire les coûts d’expédition unitaires, simplifier le respect de la conformité et accélérer la livraison des marchandises. D’autres pourraient trouver qu’un partenariat avec des prestataires logistiques tiers spécialisés en douane ou encore l’exploration d’autres options − comme les zones franches aux États-Unis ou les entrepôts de stockage au Canada – permet de mieux gérer les droits de douane.
« La suspension du seuil de minimis dépasse une simple mise à jour réglementaire — c’est un tournant stratégique. Les exportateurs doivent repenser leur façon de livrer de la valeur aux clients américains, en équilibrant les coûts, la conformité et l’expérience client. Ceux qui s’adaptent rapidement seront les mieux placés pour prospérer. » affirme Carley Mortimer, gestionnaire principale des produits de connaissance chez EDC.
Quelle que soit la voie qu’ils choisissent d’emprunter, les exportateurs canadiens ne peuvent pas se permettre d’attendre. Le moment est venu de revoir les chaînes d’approvisionnement, de réexaminer les stratégies d’établissement des prix et de renforcer les cadres de conformité. En agissant de façon précoce – et en ayant recours aux bons spécialistes en douane, en logistique et en droit – les exportateurs peuvent protéger leur présence sur le marché étatsunien et demeurer concurrentiels dans un environnement commercial en pleine évolution.
Les entreprises peuvent obtenir plus de précisions en consultant les documents suivants :
- Décret du président des États-Unis no 14324 du 30 juillet 2025 : Suspending Duty-Free De Minimis Treatment for All Countries.
- Directive du CBP du 15 août 2025 : CSMS # 65934463 - GUIDANCE: Payment of Duty on International Mail Shipments pursuant to Executive Order 14324 Suspending Duty-Free De Minimis Treatment for All Countries.
- Les entreprises peuvent aussi consulter la page actualisée du CBP concernant les questions fréquentes sur le commerce électronique.
Remarque : Le dédouanement en franchise de droits en vertu de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) demeure possible pour les marchandises d’origine canadienne ou mexicaine admissibles, même lorsque celles-ci sont soumises aux tarifs douaniers imposés en vertu de l’International Emergency Economic Powers Act (IEEPA) – communément désignés par « droits de douane de l’IEEPA sur le fentanyl ». Toutefois, cette exemption n’est pas automatique et doit être demandée par l’importateur à l’aide d’une déclaration officielle ou non officielle auprès du CBP des États-Unis.
Il est important de souligner que le traitement préférentiel en vertu de l’ACEUM ne peut pas être invoqué pour les envois postaux soumis au décret no 14324 (émis le 30 juillet 2025). En vertu de ce décret, les tarifs douaniers de l’IEEPA s’appliquent maintenant aux envois postaux internationaux, peu importe leur admissibilité en vertu de l’ACEUM.