Une photographie de Joe Mimran, figure marquante du monde des affaires canadien dans l’industrie de la mode

Le parcours de Joe Mimran : de comptable à grand manitou de la mode

Vous ne connaissez peut-être rien à la mode, mais vous connaissez sans doute Joe Mimran.

Depuis plus de 40 ans, cette légende de la mode et entrepreneur canadien façonne l’industrie. Il est derrière des marques reconnues comme Alfred Sung, Joe Fresh et Club Monaco, et a été juge à l’émission Dragons’ Den à CBC. Il est aussi président de Gibraltar & Company, une société d’investissement de Toronto à la recherche d’entreprises canadiens d’avant-garde en forte croissance.

En tant que président du Fashion Design Council of Canada, il est de ceux qui ont fait de la Semaine de la mode de Toronto un événement d’envergure internationale, dont la société IMG World s’est portée acquéreur. Il a été président d’honneur de la première édition des Canadian Arts and Fashion Awards. Il a aussi reçu de nombreux prix, dont le Canadian Style Award.

Par son style unique et sa vision, il a façonné certaines des marques les plus connues au monde. Il s’associe maintenant à Exportation et développement Canada (EDC) pour animer notre nouveau The Export Impact Podcast: un tête-à-tête bimensuel avec des entrepreneurs fascinants et prospères de partout au Canada.

Mais qui est l’homme derrière la chevelure argentée et les lunettes caractéristiques?

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Cette série sera disponible en anglais uniquement. Veuillez découvrir la version francaise L’impact de l’exportation - Balado pour en savoir plus.

La beauté de la naïveté

On pourrait dire que Joe Mimran a la mode dans le sang. « J’ai toujours aimé la mode », se souvient le designer de 70 ans, qui est né à Casablanca, au Maroc, et qui a immigré au Canada avec sa famille au milieu des années 1950. « Ma mère était couturière, j’ai donc grandi dans une maison pleine de tissus au son d’une machine à coudre. »

Mais le jeune Joe avait aussi le sens des affaires. Il est comptable professionnel agréé (CPA) et il a fait des études poussées en finance. Alors, lorsque son frère aîné, Saul, lui a annoncé qu’il allait accepter un emploi dans le secteur du vêtement, il lui a plutôt proposé de créer leur propre entreprise.

Moins d’un an plus tard, les deux frères vendaient des robes dessinées par leur mère. « Nous avons très vite compris que c’étaient les grandes marques et les designers connus qui contrôlaient le marché (du vêtement) », explique-t-il.

Leur premier réflexe a été de chercher des marques à importer au Canada, une stratégie courante parmi les fournisseurs vestimentaires à l’époque. Ce n’est qu’à la suite d’une rencontre fructueuse avec le designer de renommée mondiale, Oscar de la Renta, que les deux frères décident de créer leur propre marque plutôt que de miser sur le succès d’autres designers.

« Nous nous sommes dit : "pourquoi payer une licence d’exploitation?. Qu’est-ce qui nous empêche de créer notre propre marque?" », se souvient-il en riant. « C’est la beauté de la naïveté, car il est très difficile de créer sa propre marque au Canada. »

Les frères Mimran ont travaillé dur pour surmonter les difficultés. L’une de leurs premières et plus grandes victoires a été de tisser de solides liens avec le designer Alfred Sung, qui vivait à Toronto et qui était encore peu connu à l’époque. Impressionnés par le talent et l’éthique de travail du créateur, ils l’ont invité à dessiner une nouvelle collection.

« Nous lui avons dit que nous allions le rendre célèbre, se souvient Joe. Il était un peu sceptique. »

Ils ont eu raison d’avoir confiance. Au début des années 1980, il s’est produit une importante transformation démographique : les femmes entraient en masse sur le marché du travail et la marque Alfred Sung offrait justement les tenues professionnelles élégantes, mais pratiques, qui manquaient sur le marché.

En 1980, les frères ont intégré le designer dans l’entreprise. En trois ans, la marque Alfred Sung s’était taillé un nom au Canada et aux États‑Unis. Il a même fait la page couverture du magazine Maclean’s, qui le proclamait « roi de la mode » au Canada.

Club Monaco conquiert le monde

En 1985, Joe Mimran met à profit le succès de la marque Alfred Sung pour lancer une nouvelle ligne. Inspirée d’une visite au Japon, cette nouvelle marque serait abordable et offrirait l’allure classique et soignée typique de la mode japonaise. Son nom? Club Monaco.

C’est un franc succès. Rapidement, la marque devient l’une des plus connues du Canada. À son apogée, elle compte plus de 150 boutiques au Canada, aux États-Unis et en Asie.

« Dès le début, nous avions pour objectif de faire de Club Monaco une marque internationale et je crois bien que nous y sommes parvenus. C’est toujours une question d’intégrité du produit. Il faut aussi s’assurer qu’il y a un marché pour ce qu’on bâtit. Beaucoup de gens ont des idées de produits ou de marques, mais ils ignorent s’il y a un marché ou non. »

Ça n’a pas toujours été facile. La récession au début des années 1990 a ralenti la croissance de l’entreprise. Il y avait aussi des problèmes récurrents de chaîne d’approvisionnement, de plus en plus de concurrence étrangère et des exigences en constante évolution en matière de facteurs ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), une grande préoccupation dans le secteur du vêtement.

« La responsabilité sociale, en particulier, a toujours été très, très importante tout au long de ma carrière », fait valoir le père de quatre enfants. « Il fallait que ça fasse partie intégrante de l’entreprise, de notre façon d’avancer. Aujourd’hui s’ajoutent les questions liées à l’environnement et à la gouvernance, qui sont aussi extrêmement importantes. »

Mais il est d’avis que la conformité ESG peut générer de grandes retombées. « Beaucoup de sociétés de financement par capitaux propres et autres investisseurs ne misent que sur des entreprises qui attachent une grande importance aux facteurs ESG », affirme-t-il.

De plus, la question de la réputation n’est pas à négliger. « De nos jours, les consommateurs sont très bien informés, ils sont très soucieux de leurs gestes et ils se sentent concernés. » Il ajoute qu’il a eu de longues conversations avec ses enfants sur l’incidence de leurs valeurs éthiques sur leurs habitudes de consommation. « Ils veulent voter avec leur portefeuille. »

La marque Club Monaco est devenue si importante qu’elle a attiré l’attention de la personnalité de la mode américaine Ralph Lauren. « Lorsqu’il m’a appelé pour me dire qu’il voulait acheter l’entreprise, c’était quelque chose, admet-il. Il était l’un des meilleurs créateurs de marque au monde. Et quand quelqu’un vous dit “Je n’ai jamais acheté d’autre marque, mais j’aime tellement la vôtre que je veux l’acquérir”, c’est un grand moment. »

Et c’est ce qui est arrivé : en 2000, Ralph Lauren achète Club Monaco et Caban (la marque de meubles tendance et révolutionnaires de Joe Mimran). C’était la toute première fois que Ralph Lauren faisait l’acquisition d’une marque.

Voici Joe Fresh

En 2006, Joe Mimran s’associe à Loblaws et au Choix du président pour lancer la marque Joe Fresh. Il voulait offrir des vêtements stylisés qui respectent le budget des jeunes familles. Il a pris sa retraite comme directeur créatif de Joe Fresh en 2014, mais il éprouve de la fierté quand il y repense.

« Le moment fort est arrivé lorsque nous avons atteint les 400 emplacements au Canada. À un moment donné, c’était la marque numéro un en dollars par unité au pays, et c’était totalement différent de tout ce que j’avais fait auparavant. »

Mais la plupart des Canadiens connaissent mieux Joe Mimran grâce à la populaire émission de CBC, Dragons’ Den. De 2015 à 2017, il a été l’un des principaux « dragons » qui avaient pour rôle d’écouter l’argumentaire d’entrepreneurs en herbe espérant obtenir du financement et nouer un partenariat.

« J’ai beaucoup aimé cette expérience. J’ai ainsi pu rencontrer beaucoup de gens et c’était complètement différent de tout ce que j’avais fait auparavant. »

Ces temps-ci, le lanceur de mode s’intéresse à différentes marques. Il aide Pink Tartan, la marque de vêtements sport élégants que dirige sa femme, Kimberley Newport-Mimran. Il entend aussi redynamiser Tilley Endurables, une marque canadienne classique connue pour ses chapeaux et ses vêtements de voyage. Il possède aussi des parts dans Unity Brands, qui a récemment fait l’acquisition de Kit and Ace, une marque de Vancouver et qui se spécialise dans les vêtements techniques tendance.

Il a aussi lancé ses propres projets. En 2021, il a créé Rise Little Earthling, qui propose des vêtements et des produits variés pour les jeunes enfants. Il a développé Gry Mattr, une gamme d’objets essentiels pour le bureau à la maison et d’accessoires pour travailleurs polyvalents.

Au vu de sa vaste expérience sur les marchés internationaux, nous lui avons demandé s’il avait des conseils à donner aux exportateurs canadiens. Voici ce qu’il avait à dire :

  1. Commencez par trouver du financement. Se développer dans un marché étranger n’est pas une mince affaire. Il faut absolument disposer de suffisamment de fonds, sinon vous pourriez avoir des problèmes à l’étranger et au pays.
  2. Assurez-vous qu’il y a de la demande pour ce que vous proposez. Vous devez savoir dès le départ si les gens veulent vraiment de votre produit et que celui-ci est aussi bon, sinon meilleur, que tout ce qu’on peut trouver ailleurs dans le monde.
  3. Attirez des partenaires. Vous ne pouvez pas tout faire tout seul. Tant en matière de vente, marketing, de comptabilité et de recherche-développement, vous devez vous assurer que les choses se font correctement si vous voulez éviter les erreurs coûteuses. Pour accomplir toutes ces tâches, il faudra vous entourer de beaucoup de gens talentueux et dignes de confiance.
  4. Soyez passionné. Vous devez vous investir pour réussir à l’international. Vous devrez travailler aussi dur – sinon plus – que vous l’avez fait pour réussir ici. Mais si vous faites les choses correctement, les retombées seront immenses. 

Vous voulez plus de conseils de cet homme d’affaires averti? Écoutez notre The Export Impact Podcast. Il s’entretiendra avec certains des plus grands noms du monde des affaires canadien pour découvrir le secret de leur succès.

     

   

                                               

Date de modification : 2023-09-19