J’ai récemment pris part à un webinaire tenu par EDC portant sur la protection de la propriété intellectuelle sur les marchés mondiaux. Vous pouvez le visionner sur demande afin d’en apprendre davantage sur la propriété intellectuelle et sur l’opinion d’autres experts tels que Grant Lynds, président de l’Institut de la propriété intellectuelle du Canada; Fiona Hawkshaw du Service des délégués commerciaux du Canada; Norma Rossler, propriétaire et directrice des finances de Blot Interactive et de Red Meat Games; et Carolyn Carson, conseillère aux relations avec les parties prenantes pour EDC. Le webinaire donnait un aperçu intéressant des problèmes liés à la propriété intellectuelle, particulièrement en ce qui concerne les entreprises canadiennes cherchant à prendre de l’expansion à l’international.

La lutte contre les imitations

Dans le cadre de mon travail d’avocat plaidant spécialisé en droit de la propriété intellectuelle, j’aide les entreprises nationales et internationales qui ont une présence au Canada à protéger leurs actifs de propriété intellectuelle chèrement acquis. En somme, je représente les entreprises qui ont subi le vol de leur propriété intellectuelle, entre autres à la suite de la production et de la vente de produits de contrefaçon. Lorsqu’on parle d’imitations, on pense le plus souvent aux sacs à main griffés ou à d’autres produits de luxe. Malheureusement, il ne faut pas que se méfier des imitations de sacs à main; ce risque touche à peu près toutes les catégories de produit.

Le commerce mondial de produits contrefaits et de produits piratés, un rapport de l’OCDE publié en 2016, a établi que le commerce international des produits contrefaits représentait un demi-billion de dollars chaque année. En outre, cette activité illégale touche tous les secteurs. Des produits alimentaires et pharmaceutiques aux produits électriques tels que les fers à lisser et les parasurtenseurs, j’ai vraiment tout vu. Une récente étude montre que 99 pour cent des chargeurs USB de marques contrefaites ayant été testés ont échoué aux tests de sécurité de base et que tous les 400 produits testés (sauf trois) présentaient un risque d’incendie et de décharge électrique. Il existe des bottes de construction sur lesquelles sont apposés des cachets d’authentification de tiers qui sont entièrement contrefaits, jusqu’à leurs embouts de sécurité non conformes aux normes. On retrouve même des sacs gonflables qui sont incapables de se déployer ou qui libèrent des substances dangereuses lors de l’impact. Comme vous pouvez le constater, la violation de la propriété intellectuelle et les produits contrefaits ne sont pas que le problème des entreprises honnêtes; tout le monde est à risque.

Bien souvent, ces produits illégaux peuvent être liés au crime organisé et au financement d’activités terroristes. Les profits qu’ils génèrent ne contribuent d’aucune façon à la recherche et au développement ou aux impôts servant à financer les infrastructures. Et les produits contrefaits ne sont pas seulement légion dans le secteur des biens de consommation; ils le sont également dans celui des produits intermédiaires, c’est-à-dire dans les chaînes d’approvisionnement mondiales du commerce entre entreprises.

Une entreprise avertie en vaut deux

En quoi cette problématique touche-t-elle l’entreprise canadienne moyenne? Imaginons que votre entreprise incorpore à son insu un intrant contrefait afin de fabriquer un produit et qu’elle exporte ensuite ce produit. Vous pourriez être tenu responsable de l’exportation et de la vente d’un produit contrefait, même si vous ignoriez complètement l’inauthenticité de l’intrant. Il s’agit d’un véritable problème qui peut avoir des répercussions sur n’importe quelle entreprise, même la vôtre. Voilà pourquoi il est toujours préférable de connaître les entreprises avec lesquelles vous faites affaire et qui font partie de votre chaîne d’approvisionnement.

De plus, s’il est découvert que l’un de vos produits est contrefait, votre entreprise pourrait subir de lourdes pertes. Et on ne parle pas uniquement ici de pertes de revenus. Au bout du compte, vous aurez probablement à répondre de votre programme de garantie et de remplacement pour votre produit contrefait. Cela vous occasionnera donc deux pertes : la perte de la vente et la perte associée au coût de la garantie ou de la réparation. Vous risquez également de perdre votre cote d’estime et de porter atteinte à la réputation de votre marque, sans parler du préjudice potentiel que vous pourriez causer à un consommateur. Si votre marque de commerce apparaît sur un produit contrefait, c’est votre nom qui devient associé à la faute, et c’est votre entreprise qui doit investir de son temps, de son énergie et de ses ressources pour limiter de façon proactive et réactive les dégâts, tant auprès des employés que des clients.

Avant de percer les marchés mondiaux

La conquête des marchés mondiaux est le meilleur moyen de faire grandir votre entreprise. On pourrait même dire qu’il s’agit d’un impératif pour les entreprises canadiennes détenant un petit marché à l’échelle nationale. Pour ce faire, vous devez entreprendre certaines étapes préventives afin d’éviter les faux pas coûteux, comme vous le feriez d’ailleurs dans le cadre de n’importe quelle autre décision d’affaires.

Expert invité et président de l’Institut de la propriété intellectuelle du Canada, Grant Lynds mentionne que l’une des meilleures pratiques est de procéder à une vérification interne de votre entreprise afin de déterminer quels sont vos actifs de propriété intellectuelle qui méritent d’être protégés, tant à l’échelle nationale qu’internationale. Vous devez ensuite vous assurer d’enregistrer votre marque de commerce dans tous les marchés que vous convoitez, et ce, bien avant de vous lancer.

Selon Norma Rossler, propriétaire et directrice financière de Blot Interactive et de Red Meat Games, la propriété intellectuelle fait partie de l’ADN d’une entreprise et constitue donc un élément essentiel de sa stratégie globale. En fait, Mme Rossler est devenue une experte dans l’enregistrement de ses propres marques de commerce au Canada, aux États-Unis et dans l’Union européenne. Les petites entreprises qui comptent sur des budgets restreints auraient tout avantage à s’inspirer de son expérience. 

Avant d’exporter à l’international, il est conseillé de prendre le temps d’explorer le marché que vous visez et de porter une attention particulière à ses acteurs. Vous avez peut-être enregistré vos droits de propriété intellectuelle ici au Canada, mais cela ne signifie pas qu’ils s’étendent au-delà des frontières nationales. Commencez par analyser votre « droit d’exploitation » afin de vous assurer que la commercialisation, la production, le marketing et l’utilisation de votre produit, de votre processus ou de votre service ne viennent pas porter atteinte aux droits de propriété intellectuelle d’autres entreprises déjà en activité dans le marché d’exportation que vous visez.

Même si votre recherche révèle l’existence dans ce pays d’un brevet d’invention ou de protections de la propriété intellectuelle qui vous font concurrence, vous pourriez être en mesure d’explorer d’autres avenues commerciales avec les conseils d’un bon avocat. Vous pourriez par exemple acheter les droits vous permettant de vendre votre produit dans ce marché, négocier un accord de coexistence et même concéder une licence pour votre produit ou obtenir une licence pour le produit d’un tiers.

Il est impératif de déterminer la solidité du régime d’application des droits de propriété intellectuelle du marché que vous ciblez. Prenez la Chine, par exemple. Comme le faisait remarquer Fiona Hawkshaw du Service des délégués commerciaux, une importante quantité de produits contrefaits provient de la Chine, mais le cadre de réglementation de la propriété intellectuelle y évolue rapidement, et pour le mieux. Le pays peut désormais compter sur un vaste système de lois s’appliquant à la propriété intellectuelle, qui respectent de façon générale les normes internationales en la matière. Les nouveaux tribunaux de la Chine traitant les litiges de propriété intellectuelle ont même accordé des dommages-intérêts à des entreprises internationales ayant gagné leur cause auprès d’entreprises nationales de contrefaçon.

Renseignez-vous sur le régime frontalier du Canada en matière d’atteinte à la propriété intellectuelle, ainsi que sur les règlements et régimes régissant vos divers marchés d’exportation. Profitez également des mesures de protection qui vous sont offertes gratuitement par l’Agence des services frontaliers du Canada, qui peut vous aider à surveiller les produits contrefaits en provenance ou à destination du Canada.

Ne jamais sous-estimer la valeur de sa propriété intellectuelle

Lorsqu’il est temps d’évaluer leurs plus importants actifs, les entreprises calculent généralement la valeur de leurs biens tangibles tels que les stocks, la machinerie et les immeubles. Mais en fait, la valeur de la propriété intellectuelle d’une entreprise, ou de ses actifs intangibles, peut être de loin supérieure. N’oubliez pas que votre propriété intellectuelle est la pierre angulaire de votre marque. Des licences peuvent être concédées à vos marques de commerce déposées, brevets d’invention et conceptions afin de générer de nouvelles sources de revenus pour votre entreprise. Pour les petites entreprises ou les entreprises en démarrage, la protection et la détermination de la valeur des droits de propriété intellectuelle peuvent permettre d’attirer des investisseurs et, qui plus est, d’augmenter leur valeur. Dans le même ordre d’idées, les actifs de propriété intellectuelle peuvent être utilisés comme des garanties auprès de prêteurs tiers. Il y a fort à parier que vous ne laisseriez pas votre entrepôt de biens sans protection. Prenez donc le temps de mieux vous renseigner sur les problèmes soulignés par nos experts dans ce webinaire et, surtout, ne laissez pas vos actifs de propriété intellectuelle sans protection.