Le fait d’ignorer les avertissements s’est révélé dévastateur à divers moments de l’histoire. En effet, les prophètes d’antan, dont les annonces se sont réalisées, ont été privés de parole, raillés ou bien pire. Dans bien des cas, leurs prédictions jugées trop fantaisistes auraient exigé des mesures si exceptionnelles que la plupart des gens préféraient attendre la suite des choses. La diversification commerciale vers les marchés asiatiques est plus facile à envisager : elle est incontournable, déjà en train de s’opérer et même prévisible, à en juger par les chiffres. Alors, pourquoi tant d’exportateurs canadiens nient cette réalité ou la rejettent du revers de la main?

La principale raison : notre premier marché, les États-Unis. Ce marché devrait être notre plus grande préoccupation et là où nous devrions investir le plus énergie. Bref, notre destination de choix. Tout comme les éternels insatisfaits de jadis qui faisaient fit des mises en garde et déclaraient à tous que les choses resteraient comme elles sont, d’éminents économistes canadiens déclarent qu’à moins d’une évolution de la dynamique de la croissance, il sera impossible pour d’autres nations ou régions de détrôner le marché américain de sa place de « numéro un ». La réalité, c’est que ce processus est déjà en marche et se poursuivra pour plusieurs raisons : la croissance potentielle en Asie est de loin supérieure à celle des États-Unis et le restera pendant longtemps; les consommateurs asiatiques mieux nantis sont de plus en plus friands des produits canadiens; finalement, nos biens et nos services profitent d’un avantage comparatif dont l’Asie a absolument besoin.

Si la diversification du PIB mondial est inévitable, il en va autrement de notre participation à ce mouvement. D’autres régions de la planète s’intéressent au marché chinois en plein essor et adaptent leurs stratégies en conséquence. C’est le cas de l’Allemagne qui porte une attention particulière aux besoins de la Chine, ce qui n’a pas manqué de soulever en Europe un intérêt pour les débouchés grandissants offerts par le marché asiatique. L’Australie a depuis longtemps intégré la Chine et d’autres marchés dynamiques d’Asie à sa stratégie commerciale. Ses efforts ont été couronnés de succès et ont eu un effet transformationnel. Si l’Australie s’était limitée à ses marchés traditionnels, elle ne profiterait pas aujourd’hui du même niveau de prospérité.

Au Canada, cet élan de diversification et surtout entravé par une aversion naturelle envers les risques – perçus ou réels – entourant la conduite des affaires sur les marchés asiatiques. Lorsque nos activités sur les marchés traditionnels se portent bien, nous sommes enclins à mettre tous nos œufs dans le même panier. Le problème, c’est que les risques sur ces marchés ont considérablement augmenté : le nouvel accord commercial nord-américain n’est toujours pas ratifié; nos échanges avec le Royaume-Uni sont compromis par l’impasse dans le dossier du Brexit; et l’Accord économique et commercial global (l’AECG) avec l’UE annonce une intensification de nos échanges avec cette région, mais les résultats se font attendre. Les menaces à nos échanges commerciaux avec des marchés autrefois considérés comme sûrs, pourraient en pousser certains à lorgner d’autres marchés.

De plus en plus, la politique du gouvernement du Canada tient compte de la composante de la diversification. Nous avons signé le tout nouvel Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (ou PTPGP), et le Canada s’affaire à négocier d’autres accords. Au fédéral, le ministre en poste n’est pas responsable du Commerce international, mais plutôt de la Diversification du commerce international. À l’échelon provincial, on met davantage l’accent sur les marchés d’exportation non traditionnels, et ce phénomène ne se confine pas, comme autrefois, à la côte Ouest.

La question de la diversification soulève des débats animés chez les économistes du monde des affaires. Les données, de plus en plus probantes, permettent de croire que le Canada est sur le point de vivre une révolution en ce qui a trait à la direction de ses échanges commerciaux. Si les tendances actuelles se maintiennent, la Chine pourrait devenir le premier partenaire du Canada dans le secteur du commerce de marchandises dans un peu plus de 25 ans, et ce scénario est pratiquement un fait accompli d’ici 50 ans. Ces chiffres laissent la plupart des exportateurs stupéfaits; ils ne possèdent d’ailleurs aucun plan de match. Aujourd’hui et demain, Affaires mondiales Canada organisent à Vancouver une table ronde réunissant des experts du commerce qui débattront des difficultés entourant la diversification et tenteront de dégager des éléments qui, nous l’espérons, aideront à lancer un appel encore plus vibrant aux exportateurs.

Le meilleur argument pour convaincre les exportateurs canadiens de se diversifier en Asie est de leur dire qu’ils le font déjà. Pourtant, même leurs bons résultats ne réussissent pas à persuader les exportateurs canadiens d’autres secteurs qu’ils pourront également tirer parti de ce riche filon. Et ceux déjà actifs en Asie nous disent clairement que la demande n’est pas, et n’a jamais été, le risque. Si quelque chose devrait les préoccuper, c’est la création des capacités pour constamment répondre à la demande à venir. Il est essentiel de s’adapter, mais cette démarche exige beaucoup de planification et des investissements considérables.

Conclusion?

Pour demeurer pertinent, il faut bien analyser la situation et voir comme elle évoluera. L’activité actuelle laisse entrevoir les signes d’une réalité somme toute inévitable; en cela, elle agit comme un puissant incitatif à se diversifier bien au-delà de ce que nous avons observé à ce jour.

 

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