Dans notre monde où les divisions sont monnaie courante, il n’est pas facile d’en arriver à un consensus. Pourtant, il y a une chose sur laquelle la plupart des gens semblent s’accorder : nous avons en ce moment une économie à deux vitesses. Les banques centrales nous le rappellent le plus souvent possible. D’autres organismes publics nous le répètent à l’unisson, et ce refrain est repris en chœur par les marchés financiers. Quel est le principal message? Si la situation est généralement au beau fixe au pays, l’activité se ralentit sur la scène du commerce extérieur. Vu la nature intégrée de l’économie mondiale, cette dynamique de croissance n’est pas viable. Alors, comment tout cela finira-t-il?

Dans son modèle fondamental, l’économie repose sur un mouvement circulaire. C’est là un des premiers diagrammes présentés aux étudiants en économie. On décroche un emploi, puis on consacre une bonne part de son revenu à l’achat de biens, qu’il faut par la suite fabriquer pour regarnir les rayons des magasins. Cette activité génère de l’emploi, et le mouvement circulaire continue. Ajoutons-y des activités d’exportation et d’importations, les impôts perçus, les dépenses faites par l’État, l’épargne et le crédit, et nous avons un système. L’activité suit son cours un peu comme une rivière, la plupart des éléments avançant grosso modo à la même vitesse. En théorie, ça devrait être le cas. Cependant, l’économie actuelle fonctionne un peu comme une horloge : certains rouages ont un mouvement rapide, d’autres un mouvement lent, et quelques-uns un mouvement quasi imperceptible. Si ce mode de fonctionnement convient à l’horloge, il en va autrement de l’économie. Les éléments plus lents ne sont pas les bienvenus puisque, inévitablement, ils entravent le bon fonctionnement de l’ensemble du système.

Voilà qui est préoccupant étant donné que la croissance à deux vitesses ne se limite pas à quelques régions de l’économie mondiale. C’est une situation avec laquelle doivent composer les grandes puissances économiques. Aux États-Unis, par exemple, la croissance au deuxième trimestre était de 2 % plus faible que prévu. Le marché de l’emploi reste dynamique, ce qui a permis aux dépenses de consommation d’afficher une croissance de 4,7 %. Dans le même temps, la croissance des exportations a glissé de 5,8 % en raison de la hausse des droits de douane sur les biens chinois et l’incertitude engendrée par la menace d’autres mesures pénalisant le commerce. Sans surprise, les entreprises font de même en mettant en veilleuse leurs investissements.

L’Europe présente un tableau similaire. Sur le continent, la croissance au deuxième trimestre a été – et de loin – la plus lente depuis le début de 2013. Les exportations dans la zone ont chuté de 1 % et l’investissement dans les immeubles a plongé, alors que les dépenses de consommation inscrivent une croissance respectable de 1,2 %. La même dynamique est donc ici à l’œuvre; pour les analystes des quatre coins du globe, les causes sont évidentes, notamment les frictions commerciales et le relèvement des droits de douane. 

La Chine n’est pas à l’abri – loin de là. Fortement axée sur le commerce, la Chine ressent les effets presque immédiats du repli de l’activité commerciale en Occident. Selon certaines informations anecdotiques, les droits de douane perturbent le commerce, et des entreprises mondialisées de premier plan implantées en Chine dans le but d’exporter vers les marchés de l’Ouest relocalisent leurs activités vers des marchés plus neutres de l’Asie du Sud-Est. En réaction, le gouvernement chinois a décidé d’assouplir sa politique de liquidités pour stimuler l’activité intérieure, ce qui constitue une nouvelle tentative d’aider l’économie à traverser les turbulences actuelles.

À en juger par la résilience générale du consommateur, les fondamentaux sous-jacents seraient solides, du moins en Occident. D’ailleurs, les indicateurs habituels le confirment. Aux États-Unis, les taux d’épargne sont nettement supérieurs à ceux de 2007, l’endettement du consommateur moyen a considérablement baissé et il n’y a aucun fléchissement apparent de l’intense activité d’embauche. De plus, comme il y a une abondante demande comprimée dans le secteur du logement, les ménages devront encore dépenser pour acquérir des articles coûteux. La situation est semblable en Europe occidentale. Les contraintes pesant toujours sur le marché de l’emploi, le taux de chômage global est faible. En fait, d’après les indicateurs, il existe une demande comprimée substantielle du côté de l’investissement résidentiel et commercial. Le contexte serait donc favorable s’il n’y avait pas de conflit commercial.

En dépit de l'intégration du commerce mondial qui s’opère depuis plusieurs années, l’établissement de liens de confiance entre responsables gouvernementaux, la mise en œuvre d’initiatives de libéralisation du commerce et l’octroi d’un important soutien d’accompagnement, les entreprises se montrent généralement frileuses à l’idée de participer à des transactions très risquées. Si la conjoncture se dégrade, elles pourraient être prêtes à battre retraite vers une région plus sûre – ce qui vient souligner le danger de délaisser l’approche globale de l’après-guerre axée sur l’atténuation des risques posés par l’économie extérieure.

Conclusion?

Pour bien des gens, il s’agit d’un mouvement inexorable vers le protectionnisme et l’isolationnisme. Ce n’est pourtant pas le cas, car il est toujours possible de remédier à la situation. Malgré les difficultés apparentes, l’accord de libre-échange nord-américain a été signé. Les États-Unis et la Chine poursuivent leurs discussions. Pourquoi? Le coût d’une impasse dans ce dossier serait trop important. Il suffirait d’un renversement de situation pour renouer avec une croissance équilibrée.

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