Le monde a beaucoup changé en l’espace de quelques semaines. Jusqu’en février, le sentiment général était que l’instabilité observée en 2019 était en voie de se résorber. Les tensions entre la Chine et les États-Unis se dissipaient peu à peu, l'Europe et le Royaume-Uni concluaient le dossier du Brexit et la croissance économique faisant un retour généralisé sur le continent. Malheureusement, la pandémie de COVID-19 a rapidement mis un terme à ces évolutions positives, et la vie telle qu’on la connaît s’est mise en mode pause. 

Nous ne pouvons encore évaluer pleinement l’ampleur des effets de la COVID-19 – d’un point de vue sanitaire, économique ou politique –, mais nous savons d’ores et déjà que les mesures de confinement ont profondément ébranlé les sphères politiques et économiques partout sur le globe. 

Les impacts de cette crise ont assombri la quasi-totalité des perspectives de la notation des risques pays d’Exportation et développement Canada (EDC), du moins celles à court terme. La raison : l’économie mondiale doit composer avec le double choc de la pandémie sur l’offre et la demande. Dans ce contexte, les perspectives à l’échelle de la planète vont du pire au meilleur.  

Dans la plupart des économies d’Amérique du Nord et d’Europe, la contraction sans précédent de l’activité économique pendant la première moitié de 2020 a fait entrer en récession chacune de ces économies pour l’année en cours. Le net repli de l’économie a aussi entraîné une révision à la baisse de notre notation des risques commerciaux à court terme à l’ensemble des régions. La durée de cette dynamique dépendra de la réponse à cette crise : le moment et les modalités de la « réouverture » de l’économie ainsi que la portée et l’ampleur des programmes de relance. Il y a fort à parier que la dette contractée pendant la tempête de la COVID-19 atteindra, voire dépassera, celle accumulée pendant la Deuxième Guerre mondiale. 

Sur les marchés émergents, les vulnérabilités apparues avant la pandémie ont été amplifiées. Les difficultés, notamment en Argentine, au Nigéria, en Afrique du Sud, en Turquie et en Inde, se sont accentuées. Pour ces pays et d’autres économies émergentes confrontés à des niveaux élevés de la dette et à un accès très limité au crédit – alors même les investisseurs se font de plus en plus frileux –, il sera difficile de mobiliser les moyens financiers pour maintenir la croissance. Cette conjoncture, les cours instables des matières premières, une demande mondiale en berne et l’incidence d’une crise économique et financière prolongée pourraient faire en sorte que la reprise s’étende sur plusieurs années. 

Devant pareille situation, on s’attendrait à une vague imminente de défauts souverains, si ce n’était des annonces d’allégement généralisé du service de la dette de part de créanciers internationaux. L’aggravation des risques liés à la dette a provoqué une série de dégradations de la notation des entités souveraines, les gouvernements ressentant les contrecoups de la crise. De fait, lors des trois premières semaines d’avril, nous avons abaissé la notation de 16 marchés, dont 12 marchés émergents, la plupart se trouvant en Amérique latine, au Moyen-Orient et en Afrique. Malgré les récentes mesures prises par le Groupe des 20, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale rendront des liquidités disponibles à l’intention des économies à faible revenu. Quant aux économies à moyen revenu, elles pourraient bien se retrouver dans une position de plus grande vulnérabilité et disposer d’options plus limitées. 

D’habitude, le risque souverain côtoie d’autres risques plus élevés présents dans le contexte commercial d’un marché donné. Il s’agit notamment de la probabilité accrue d’une ingérence du gouvernement ou encore de la possibilité que ce dernier impose des restrictions sur la conversion des devises. Par ces moyens, les gouvernements tentent de compenser leurs pertes en changeant les règles du jeu. La diminution de la solvabilité des entités souveraines s’accompagne donc d’une baisse  correspondante de l’accès aux devises et aux liquidités.  

Les difficultés financières et économiques continuent de se multiplier aux quatre coins du globe. Pourtant, une inconnue de taille demeure : les perspectives ayant trait à la stabilité politique. En effet, on constate une forte réduction de l’agitation politique par rapport à 2019, une année tumultueuse sur ce front. Les manifestations en France, à Hong Kong, au Chili, au Liban et ailleurs ont, pour l’essentiel, disparues : à la fois en raison des interdictions visant les grands rassemblements et de la réticence des citoyens à se regrouper de peur de contracter le virus. Toutefois, la frustration grandissante à l’égard des économies à l’arrêt et de chaînes d’approvisionnement perturbées accroît le risque d’un regain de l’agitation politique si les citoyens jugent que leurs gouvernements échouent à offrir les biens et les services de première nécessité à ceux qui en ont le plus besoin.

Conclusion?

Les premiers mois de 2020 n’ont pas d’équivalent dans l’histoire moderne. L’incertitude qui s’est installée remet en question plusieurs de nos hypothèses de longue date en matière de risques politiques. Suivre l’évolution de ces risques pays vous aidera à mieux comprendre la manière dont s’opérera la reprise et les marchés où les risques ont changé. L’Analyse trimestrielle des risques pays d’EDC est là pour vous aider à prendre des décisions d’affaires éclairées.

 

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