Lundi a été une bonne journée pour le Canada. Après des mois de négociations laborieuses, les exportateurs ont appris à leur réveil la conclusion d’un nouvel accord commercial pour l’Amérique du Nord : l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC). Du jour au lendemain, les exportateurs se sont trouvés libérés de leur principale préoccupation, ce qui a apporté plus de clarté au sujet de l’évolution de l’économie. Mais que signifie exactement ce nouvel accord pour le Canada?

Voici ce qu’il ne signifie pas : un sursaut immédiat des exportations. En dépit des droits tarifaires – ceux imposés et qu’on menace d’appliquer – et un contexte général d’incertitude, les exportations ont poursuivi sur leur lancée. Elles affichent une croissance de 8 % cette année, soit au-delà de nos prévisions optimistes. Ainsi, malgré des pourparlers difficiles, la croissance mondiale a maintenu le cap et les exportateurs ont continué d’honorer leurs commandes.

Des enjeux considérables

C’est un résultat admirable puisque les enjeux étaient énormes. Par moments, l’accord semblait condamné. Ce geste, à lui seul, n’aurait pas suffi à nous plonger dans une récession, mais il aurait sérieusement éprouvé les secteurs de l’automobile, des produits électroniques et de l’alimentaire, et causé une série de retombées indirectes négatives. L’imposition de droits tarifaire sur l’acier et l’aluminium a fait augmenter le coût des intrants dans les industries automobile, aéronautique et de la construction, qui sont sensibles aux prix. Les menaces de l’administration américaine d’une hausse des droits tarifaires punitifs – bien supérieure aux tarifs de la nation la plus favorisée (les tarifs MFN) en cas de disparition de l’ALENA – ont pétrifié les acteurs du secteur automobile.

Le manque d’investissement : le plus grand risque

Les exportations n’ont pas fléchi, mais l’investissement, oui. Lors de mon passage dans diverses régions du pays, des exportateurs m’ont fait part de leur hésitation à investir. Certains ont mis en veilleuse leurs projets – ne savant pas tout à fait où créer de nouvelles capacités ou se demandant s’ils devaient moderniser leurs installations existantes. D’autres ont été priés par leurs fournisseurs de se relocaliser sur un « marché plus sûr ». Les résultats de notre sondage vont dans le même sens : 28 % des répondants ont affirmé que les pourparlers entourant l’ALENA avaient une incidence négative sur leurs activités, tandis que 6 % des entreprises sondées ont déclaré que l’incertitude les poussait à différer leurs investissements. Ce fut une décision difficile vu la nécessité des nouveaux investissements; en effet, bon nombre d’entreprises étaient à court de capacités de réserve, même si elles disposaient de sources de fonds substantielles.

Avec la levée d’une bonne partie de l’incertitude entourant l’accord, l’investissement comprimé pourrait bientôt se frayer un chemin jusqu’à l’économie. Et comme de nombreux projets sont déjà établis, ça pourrait arriver plus vite que prévu. Cela se produira-t-il au Canada ou bien le « facteur peur » aura-t-il un effet permanent sur les intentions? À ce stade-ci, l’augmentation du coût de la main-d’œuvre, des installations et de l’équipement, aux États-Unis et en Europe, devrait jouer en faveur du Canada. Les entreprises sont appelées à optimiser leurs ressources autant qu’avant les turbulences commerciales. Or, les négociations terminées, l’investissement comprimé pourrait se réaliser, ici même au pays.

La mondialisation n’a pas tiré sa révérence

La conclusion d’un accord de principe apporte un soulagement indéniable – et durable. Auparavant, les fanfaronnades posaient une menace crédible au processus de la mondialisation, se nourrissant du mécontentement de millions de personnes souscrivant à l’idée que ce concept est aberrant. Avant cette semaine, l’avantage semblait du côté du camp protectionniste. Pourtant, ce qui émerge, c’est une approche où une position intransigeante permet de négocier de meilleurs accords – et de les moderniser afin qu’ils tiennent compte des réalités commerciales actuelles.

Si c’est effectivement le cas, l’incertitude la plus pesante pour les exportateurs est maintenant levée. Ce processus n’est pas pour autant terminé. En fait, il s’agirait du premier d’une série d’accords qui suivront la même stratégie. L’imposition de droits tarifaires est destinée à capter l’attention de « l’autre partie » et, comme dans le cas des tarifs sur l’acier et l’aluminium, ces mesures ne seront pas forcément annulées quand l’accord est ficelé. Par conséquent, les exportateurs canadiens peuvent s’attendre à d’autres secousses et grincements, dont ils pourraient cependant tirer parti. Quoi qu'il en soit, on peut se consoler : que les effets de l’accord soient positifs ou négatifs, ils influeront sur une part beaucoup moins importante de l’ensemble des activités commerciales.

Conclusion?

Depuis la grande récession, l’incertitude est un obstacle de taille à la croissance de l’économie mondiale. Les doutes à propos du commerce international en général, et de l’accord nord-américain en particulier, n’ont fait que gâter les choses. Grâce à la prouesse de dimanche soir, un vent de certitude souffle dorénavant sur le monde du commerce international – et le Canada a le feu vert pour poursuivre sur la voie de la croissance.

 

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