Vous êtes exaspéré par les perturbations économiques engendrées par la pandémie? Vous n’êtes pas le seul, et la situation risque de ne pas s’améliorer. Cette semaine, les annonces très attendues de la Banque du Canada et du Conseil de la Réserve fédérale américaine concernant la politique monétaire ont été précédées par des replis généralisés sur les marchés, et d’autres épisodes du genre seraient à venir. Le changement majeur d’orientation de la politique monétaire devrait être accueilli comme le signe évident du retour à la normale tant souhaité, mais il semble plutôt compliquer les choses. Cette bonne nouvelle est, semble-t-il, devenue une mauvaise nouvelle. Comment l’expliquer?
Cette question en soulève une autre : l’inflation est-elle bonne ou mauvaise pour l’économie? La plupart des gens nous diraient, avec raison, qu’elle est néfaste. L’inflation fausse le processus décisionnel, déprécie les monnaies, s’autoalimente et, à la limite, détruit le système financier d’une économie. Pourtant, d’éminents observateurs du marché ont remis en cause cette idée largement admise; ils ont même suggéré que, dans le contexte actuel, un peu d’inflation n’est pas en soi une mauvaise chose. Qu’entendent-ils au juste? Leur message est simple : l’économie progresse à une cadence vigoureuse. La demande pousse la capacité à ses limites, une dynamique d’ailleurs souhaitée depuis le début de la pandémie. Alors, pourquoi autant d’agitation sur les marchés?
La hausse survient plus tôt que prévu. Autrement dit, nous subissons les contrecoups de notre propre succès. Le coronavirus nous a malmenés par les successions de mauvaises nouvelles qui l’accompagnent. Il a anéanti si souvent nos espoirs qu’il a influencé notre perception collective sur à peu près tout. La plupart des analystes ne tablaient pas sur un redressement aussi rapide de l’économie; de leur avis, les fondamentaux n’étaient pas assez robustes pour soutenir un regain de la croissance. Ils se trompaient royalement. Résultat : les entreprises ont été prises de court et les banques centrales n’ont pas suivi la cadence. À l’échelle mondiale, les principaux décideurs continuent d’injection des fonds, ce qui a pour effet de noyer le moteur économique. Ce contexte vient s’ajouter aux turbulences observées du côté des chaînes d’approvisionnement, de la main-d’œuvre et des prix.
Mais ce n’est pas tout. Certains éléments de la politique monétaire en sont encore au stade expérimental. Nous avons constaté pour la première fois les effets de la politique d’assouplissement quantitatif dans les années qui ont suivi la crise financière mondiale de 2009. La situation actuelle semble évoluer de la même façon : les liquidités excédentaires amenées par ce type de politique maintiennent le système financier à flot, mais n’ont pas d’orientation précise. Lors d’un recul de l’activité, les entreprises et les consommateurs ne souhaitent pas emprunter; bien le contraire : ils cherchent à conserver leurs liquidités. La question qui se pose d’emblée est celle-ci : quelle est la destination de toutes ces liquidités? On délibère toujours sur la réponse à donner, mais il y a des raisons de croire que ce genre de situation fausserait la valeur des actifs. Et lorsqu’on ferme le robinet financier et laisse s’écouler ces liquidités, les marchés des capitaux – en particulier les marchés boursiers – sont mis à mal, comme c’est le cas ces temps-ci.