Le risque est désormais partout. C’est une situation rarissime, mais c’est indéniablement le cas dans la conjoncture actuelle. Les multiples vagues du virus de la COVID-19 ont plombé de grands pans de l’économie mondiale. Nous souhaitons tous la fin de cet épisode et le retour à une réalité où le risque n’est plus omniprésent. Est-ce le pire moment – ou bien le meilleur – pour avoir une discussion sur le thème du risque?

Aujourd’hui est sans doute le bon moment pour en apprendre plus sur le risque. Les universitaires et les analystes du monde des affaires débattront de ce sujet pendant des décennies, voire plus longtemps. Si l’observation de première main du risque peut être utile, nous sommes alors aux premières loges.

Les entreprises ont commencé 2020 avec l’espoir de résultats  respectables. En quelques semaines, bon nombre se sont retrouvées dans une situation critique. Si elles avaient su ce qui les attendait dans les semaines et mois à venir, elles auraient été tétanisées. Pourtant, certaines ont brillamment tiré leur épingle du jeu, se retrouvant « au bon moment et au bon endroit ». Plusieurs ont rapidement réorienté leur modèle d'affaires, notamment en opérant un virage vers le numérique. Chez certaines entreprises, l’instinct de survie les a poussés à se surpasser. 

Les réactions face au risque sont diverses. Parfois, le traumatisme est si grand que les entreprises cherchent par la suite à éviter tous les types de risque. Par exemple, après la Grande Dépression, la prudence excessive adoptée pour se protéger contre la pénurie subie lors de cet épisode a clairement mis un frein à une reprise respectable de l’économie. De ce point de vue, la stratégie consistant à éviter les risques s’est révélée particulièrement peu avisée. 

Voici un autre exemple. La Deuxième Guerre mondiale a plongé le monde dans des années sombres et incroyablement risquées. Pour les survivants, qui ont risqué le tout pour le tout, un risque commercial représentait somme toute un risque mineur… Cette génération a donc été à l’origine de plus de croissance, d’innovation et de prospérité pour tous ceux qui ont emboîté le pas. Dans ces deux exemples tirés de l’Histoire, les résultats obtenus étaient intimement liés à l’appétit pour le risque. 

Chaque entreprise tente de prévoir l’évolution de la demande pour un produit particulier. C’est un processus risqué puisque, par définition, l’avenir est inconnu. À la différence du loto, où le hasard « mène le jeu »,  les entreprises prennent ici un risque calculé en fonction des préférences et des goûts connus, de la capacité à payer, des résultats escomptés et d’autres facteurs. 

Ce calcul se fait sur la base de quelques principes fondamentaux. Le premier : plus le risque est important, plus la récompense sera grande. Selon cette logique, les projets peu risqués et lucratifs attirent beaucoup de concurrents, ce qui en diminue les retombées; à l’inverse, les projets plus risqués qui intéressent moins d’entreprises sont d’habitude plus profitables quand ils aboutissent. D’ailleurs, la législation sur les brevets récompense cette prise de risque. Autrement dit, si on est prêt à prendre des risques plus substantiels, on devrait en tirer des avantages. 

Le deuxième principe est que tout progrès exige la prise de risques. À ces premières étapes, l’innovation est une activité très risquée. Les entreprises se lancent dans la création de nouveaux produits en misant sur la demande future. Cet esprit entrepreneurial ne court pas les rues, mais sa présence est néanmoins capitale dans toute culture axée sur l’essor du commerce. Une piètre disposition à l’égard du risque pourrait donc miner la capacité à innover.

Il existe un troisième principe : les entreprises qui prennent des risques et prospèrent deviennent habiles dans la prise de risques. Cet apprentissage permet d’atténuer les risques et d’élargir les débouchés. Par exemple, les entreprises qui se diversifient avec succès sur des marchés non traditionnels et plus risqués tendent à s’implanter plus rapidement et efficacement sur de multiples marchés. 

Cela nous amène à un quatrième principe : l’appétit pour le risque comporte une dynamique transgénérationnelle. De manière générale, la combativité de la première génération d’entrepreneur est transmise à la génération suivante. Cependant, il y a fort à parier que la troisième génération redoutera de perdre les acquis dont elle a hérité et se montrera plus réticente à adopter l’approche face au risque qui a présidé à la création même de l’entreprise. En ce sens, les acteurs évoluant dans une culture commerciale sont, avec le temps, moins disposés à prendre des risques. 

Enfin, dernier principe, lorsque des risques sont présents, il existe des acteurs qui s’emploient activement à développer des moyens de les atténuer. Le secteur de l’assurance en est un excellent exemple. Exportation et développement Canada a été créée dans le but d’aider les exportateurs à atténuer les risques sur les marchés mondiaux. Mais soyons clairs : les mesures d’atténuation ne pourront pas éliminer complètement le risque. À vrai dire, le risque demeure un élément essentiel de tout écosystème commercial prospère – d’où notre relation paradoxale avec le risque.

Conclusion?

Si les circonstances actuelles augmentent notre réticence à l’égard du risque, ce serait très regrettable : les conséquences de la COVID-19 s’en trouveraient alors inutilement prolongées. La  pandémie est sans doute l’occasion d’en apprendre davantage sur la véritable nature du risque – et de ses récompenses; et cet  enseignement pourrait bien être ce qui ressort de plus positif de notre combat actuel.

 

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