Peu de secteurs ont autant ressenti les effets de la COVID-19 que celui du tourisme mondial. Et pour cause. Du jour au lendemain, les projets de voyage ont été chamboulés en raison des mesures prises par les gouvernements pour rapatrier en vitesse leurs citoyens, de la fermeture des frontières, des règles de quarantaine et du confinement total. Les snowbirds sont revenus plus tôt que prévu au pays, et pour la plupart des gens la semaine de relâche du printemps a duré quelques heures à peine… Les données publiées nous révèlent l’ampleur des ravages de la pandémie. Alors, ce secteur névralgique pourra-t-il se rétablir une fois la tempête COVID-19 passée?
D’habitude, le tourisme bat de l’aile lors d’une récession. Face aux pertes d’emplois et à la diminution de leurs revenus, les consommateurs sabrent leurs dépenses discrétionnaires et, à moins d’avoir déjà payé leurs vacances de rêve, ils les remettent à plus tard et donnent la priorité aux achats de première nécessité. Parallèlement, beaucoup de consommateurs disposent de ressources financières accrues ou d’un revenu plus stable – provenant notamment de régimes de retraite à prestations déterminées – et ont par le fait même toujours les moyens de voyager et de profiter des rabais en temps de récession. Ces consommateurs aideront le secteur du tourisme à faire face à la crise jusqu’à ce que la conjoncture s’améliore.
Dans le cas présent, l’argent n’était pas en cause. Les restrictions se sont appliquées à chacun, peu importe son niveau de richesse ou de revenus, ou encore d’autres facteurs. Des rabais considérables ont été accordés lorsque la pandémie menaçait d’immobiliser les voyageurs, mais ces rabais ont uniquement trouvé preneur auprès de touristes coincés à l’étranger et désireux de rentrer au plus vite au pays. Dans les faits, il ne restait aucun consommateur à attirer sur le marché. Cette situation s’est produite si vite que personne n’a pu vraiment s’y préparer.
Vu l’importance de ce secteur et l’ampleur de ses difficultés actuelles, les Services économiques d’EDC ont publié cette semaine une analyse des impacts de la crise sur la filière du tourisme. Selon cette analyse, au Canada, tout comme ailleurs sur la planète, les restrictions de voyage en lien avec la COVID-19 ont commencé en mars, et dès le mois de mai, pratiquement tous les voyages à l’étranger ont fait l’objet d’une forme ou une autre de restriction. Fait à noter, 70 % des pays de la région Asie-Pacifique ont fermé leur frontière aux touristes étrangers, un taux qui a atteint 80 % dans les Amériques et 83 % en Europe. L’Organisation mondiale du tourisme des Nations Unies estime que l’activité touristique a reculé de 22 % au premier trimestre seulement, et chutera d’environ 60 à 80 % sur l’ensemble de 2020. C’est la plus grave crise qu’ait traversée le secteur depuis qu’on a commencé à consigner ses activités dans les années 50 – une crise pire que celle qui a suivi les attaques terroristes du 11 septembre.
Au Canada, le tourisme génère près de 10 milliards de dollars et représente 5 % des exportations totales. Ce segment affiche une croissance supérieure à celle de l’économie canadienne en général – un segment surtout constitué de petites entreprises de moins de 100 employés. Ces entreprises sont nombreuses et emploient quelque 743 000 personnes. Plus de 40 % des entreprises actives dans le secteur touristique s’attendent à une diminution de 50 % de leurs revenus cette année, soit la plus forte proportion parmi tous les secteurs. Il ne faut donc pas s’étonner que les entreprises du segment de l’hébergement et de la restauration mettent à pied la moitié de leur personnel.
Même si les Canadiens constituent 79 % de la demande adressée au secteur touristique canadien, ce sont les voyageurs de l’étranger qui dépensent le plus. Les touristes américains et chinois sont les plus nombreux à nous visiter. La décision du Canada, le 29 janvier, d’interdire les voyages non essentiels vers la Chine, et l’annulation subséquente des principaux vols d’Air Canada vers la Chine, a réduit l’afflux de touristes chinois de 53 %, et ce, en février seulement. De même, l’interdiction de voyager entre le Canada et les États-Unis à la fin mars a fait glisser de 55 %, sur une base mensuelle, le nombre de touristes américains au pays.
Certains pays ayant réussi à maîtriser la progression de la pandémie ont commencé à relâcher leurs restrictions de voyage. Toutefois, leurs plans de réouverture seront mis en place lentement, progressivement et avec prudence. Par ailleurs, des pays comme la Chine, l’Espagne, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont déjà laissé entendre que le retour de l’activité touristique ne se fera pas en 2020. Selon la plupart des experts, on devra attendre le dernier trimestre de 2020 pour voir des signes de reprise, et celle-ci ne sera bien installée qu’à partir de 2021.
Pour le secteur canadien du tourisme, il semble bien que 2020 soit une année à oublier. Selon les estimations de Destination Canada, par rapport à 2019, pas moins de 65 % des voyages touristiques ou liés à des événements professionnels ont été annulés, et les événements prévus plus tard cette année risquent de connaître le même sort. Si la pandémie est efficacement maîtrisée, les pertes de revenus touristiques se chiffreraient à 29 milliards de dollars en 2020 et 2021. La relance de l’activité touristique dépend de plusieurs facteurs : la disposition des consommateurs à faire des voyages long-courriers et le risque tant redouté d’une seconde vague d’infections. À ce titre, les voyages sur le marché intérieur feront office de baromètre. Ce segment se rétablira le premier puisqu’il présente moins de risques et est plus facile à coordonner. Le retour des voyages internationaux sera quant à lui tributaire de la coordination bilatérale et multilatérale des activités de voyage.
Conclusion?
Le secteur mondial du tourisme n’oubliera pas de sitôt l’épisode de la COVID-19. D’ailleurs, les cicatrices de la pandémie ne disparaîtront sans doute pas avant au moins une génération. Une bonne partie de 2020 étant considérée comme « une cause perdue », l’élément déterminant dans l’évolution des perspectives sera le nombre d’entreprises de la filière touristique qui resteront à flot. Et cela dépendra en grande partie de la rapidité et de l’étendue de la relance du secteur. Naturellement, la sécurité des voyageurs sera une priorité absolue. Des réductions consenties sur les tarifs aideront aussi à attirer la première vague de chasseurs de bonnes affaires. Et si tout va bien, bon nombre de voyagistes pourraient résister jusqu’au prochain cycle. Croisons-nous les doigts pour que ce soit le cas.
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