Les efforts d’Agrisoma pour rayonner à l’international portent ses fruits, et ce, quelques années seulement après que l’entreprise québécoise a fourni la matière première du premier vol mondial alimenté à 100 % par du biocarburant aviation, qui a eu lieu à Ottawa, en 2013.

Des agriculteurs aux États-Unis et en Amérique du Sud cultivent la graine oléagineuse d’Agrisoma. Malgré cette présence internationale, l’éco-entreprise de la belle province poursuit sa quête de nouveaux marchés.

« L’essor des exportations va vraiment propulser la croissance de notre entreprise, car le marché canadien du biocarburant est très restreint », explique Steven Fabijanski, président et chef de la direction.

L’industrie aéronautique mondiale consomme environ 320 milliards de litres de carburéacteur par an. L’Association du transport aérien international (IATA) vise une réduction de 50 % des émissions de carbone d’ici 2050, notamment grâce aux carburants de remplacement.

Établie à Gatineau, Agrisoma a passé dix ans à mettre au point une graine oléagineuse à fort rendement : Brassica carinata. En plus d’en tirer un biocarburant, il est possible d’en utiliser les résidus solides comme aliments pour animaux sans OGM et riches en protéines.

« Nous avons produit plus de 10 millions de litres de biocarburants perfectionnés avec nos partenaires », explique M. Fabijanski.

Selon lui, les partenariats sont indispensables à l’exportation. Des partenaires stratégiques facilitent la collaboration avec les fermiers, la compréhension des exigences réglementaires, et la transformation des récoltes en biocarburant.

Pour développer son marché d’exportation, Agrisoma a dû démontrer que cette culture était durable, générait peu de carbone, et ne remplacerait pas la production alimentaire.

En Floride, les agriculteurs cultivent cette plante en hiver, lorsque les terres sont en jachère. Cette réussite a convaincu le géant finlandais UPM Biofore de signer un contrat d’approvisionnement de longue durée avec Agrisoma. Les partenaires augmentent la production en Uruguay et au Brésil, où Brassica carinata peut pousser en saison morte sans perturber la culture vivrière. UPM supervise également le transport et la transformation en biocarburant.

Début 2017, le gouvernement uruguayen a attribué le statut de deuxième culture commerciale à la Brassica carinatad’Agrisoma. L’entreprise envisage aussi de s’implanter en Argentine et au Paraguay.

Environ deux tiers des graines sont désormais exportées.

« Nous prévoyons continuer à doubler ou tripler nos volumes, en grande partie grâce aux marchés étrangers comme l’Amérique du Sud », explique M. Fabijanski.

L’entreprise teste également des variétés de Brassica carinata en Australie et en Europe. À terme, la plante pourrait être cultivée en Afrique du Nord, en Europe orientale et en Chine.

Vu « le climat de prudence au Canada », trouver des fonds n’a pas été simple, ajoute M. Fabijanksi. Agrisoma a profité de plusieurs programmes de financement fédéraux, l’entreprise ayant progressé au-delà de celui de Technologies du développement durable. En 2016, Agrisoma a récolté 15,4 M$ destinés à soutenir son essor à l’étranger lors d’un tour de financement de série B.

L’entreprise s’intéresse également aux garanties de fonds de roulement et à la réduction des risques pour « croître plus vite et préserver les capitaux », souligne M. Fabijanski.
Il faut également gérer les taux de change. « Nous produisons en dollars canadiens et vendons en dollars américains, mais nous recrutons aux États-Unis alors que notre financement est en dollars canadiens. C’est une lame à double tranchant, mais s’il fallait choisir, nous préférerions avoir un dollar plus concurrentiel. »
M. Fabijanski salue l’ambition du gouvernement de mettre le Canada à la tête du secteur de l’écotechnologie et de conclure des accords de libre-échange comme l’AECG.

« Ça va être primordial pour nous. »

Le parcours d’exportation d’Agrisoma raconté par son pdg, Steven Fabijanski

Quels conseils donneriez-vous à une PME qui se lance sur un nouveau marché d’exportation?

Vous devez cerner les marchés potentiels et ceux où se trouvent les meilleurs partenaires, parce que vous aurez besoin d’aide. Oubliez les marchés réfractaires. Toutes les entreprises semblent viser les États-Unis, et pourtant, ses politiques et sa réglementation rendent l’exportation difficile. En revanche, dans un pays aux politiques plus accommodantes, vous pourrez vous établir et prouver que votre entreprise est viable à l’échelle mondiale. Prenez le temps de vous assurer que votre partenaire potentiel et vous partagez les mêmes objectifs.

Quelle est la plus grande leçon que vous avez apprise en commerce international?

Établir une présence mondiale prend vraiment beaucoup de temps, et c’est pourquoi toutes les parties intéressées doivent s’engager sur le marché ciblé : autrement, votre expansion risque d’être très difficile.

Comment résumeriez-vous votre parcours d’exportation?

Il a été très éclairant. L’important est de reconnaître ses forces et son expertise, pour pouvoir très rapidement combler ses lacunes grâce au savoir-faire local, et s’attaquer aux problèmes avant qu’ils ne prennent de l’ampleur. On gagne ainsi beaucoup de temps.

Devant quel aspect de l’exportation êtes-vous particulièrement prudent?

Je suis plus fonceur que prudent. Notre produit semble intéresser beaucoup de monde. Nous pensons avoir bien choisi notre approche, nos partenaires et nos marchés. Pour moi, la question n’est pas vraiment de savoir s’il y a du potentiel, mais plutôt comment l’exploiter au mieux.