Pourquoi les entreprises canadiennes doivent-elles tout savoir des règles d’origine?

C’est là un enjeu important pour les exportateurs, particulièrement dans les situations de diligence raisonnable lorsqu’elles font des affaires dans un pays avec lequel le Canada a conclu un accord de libre-échange. Les règles d’origine constituent en fait l’élément central de tout accord de libre-échange. Mais ces règles différent d’un accord à l’autre et d’un secteur d’activité à l’autre.

Lorsqu’une entreprise exporte dans un marché ou recherche des marchés potentiels, elle doit bien examiner les règles d’origine qui s’appliquent à ses produits. Ces règles sont plus restrictives dans certains marchés que dans d’autres. Ainsi, les règles d’origine de l’AECG sont généralement plus souples que celles de l’ALENA. Les exportateurs doivent comprendre les modalités d’application des règles des accords avec les pays où ils souhaitent exporter et examiner les règles particulières qui s’appliquent à leur situation.

Les règles d’origine diffèrent-elles selon le secteur d’activité?

Oui. Et, dans un même secteur, elles diffèrent également selon le produit. On ne doit donc pas tenir pour acquis qu’une règle d’origine qui s’applique à un secteur d’activité s’applique aussi à un autre produit dans le même secteur. Chaque produit possède son propre code de classification tarifaire internationale, appelé code SH. Selon le code SH ou la classification tarifaire d’un produit ou d’un service, une règle particulière s’applique.

Il arrive qu’une même règle s’applique à un groupe de produits. Mais parfois aussi, certaines règles sont très ciblées. L’exportateur doit examiner attentivement ces questions. Pour cela, il peut toutefois bénéficier de l’aide de nombreux experts, notamment les courtiers en douane, et même ses propres clients. Avant d’exporter en effet, les entreprises identifient un certain nombre de clients importateurs potentiels. Il est bien sûr fort probable que ceux-ci connaissent les règles d’origine en vigueur dans leur pays. Dès lors, tenez-vous à jour sur cette question et parlez à vos clients.

Il arrive parfois que nos clients exportateurs s’allient à d’autres compagnies pour le marché international qui connaissent les règles et accepteront d’agir comme importateur officiel. Dans ce cas, l’importateur assumera la plus grande part de la responsabilité. Sinon, l’exportateur pourra créer une filiale dans le pays dans lequel il souhaite exporter de façon à avoir un meilleur contrôle sur le processus d’identification.

Comment la chaîne d’approvisionnement peut-elle s’harmoniser avec les règles d’origine?

Les règles d’origine peuvent être extrêmement détaillées et, parfois même, très restrictives. Nous avons évoqué plus haut le fait que tous les produits ont leur code SH. Ces codes ne s’appliquent pas uniquement aux produits finis. Les matières brutes et les composants utilisés pour fabriquer un produit ont leur propre classification tarifaire.

Pour cette raison, les fabricants et exportateurs doivent connaître exactement l’origine de chacun des composants des produits qu’ils fabriquent. Il arrive que l’on autorise un certain pourcentage de matières ou composants non originaires dans un produit fini. Votre produit peut don contenir une certaine quantité de matière non originaire, mais ce n’est pas toujours le cas.

En vertu de certains accords, il est parfois nécessaire d’obtenir un changement tarifaire pour qu’un produit soit jugé conforme aux règles d’origine. C’est le cas par exemple lorsque des composants d’un produit de la chaîne d’approvisionnement mondiale provient de l’extérieur du Canada. Mais en produisant ou en fabricant le produit fini au Canada, une entreprise créé un tout nouveau produit, qui aura son propre code SH et entraînera un changement tarifaire. Ainsi, le composant ou la matière brute a subi une transformation substantielle et a permis de créer un tout nouveau produit dont l’origine est canadienne et qui sera admissible à un tarif préférentiel en vertu de l’accord de libre-échange.

Dans certains cas, des accords comme l’ALENA et l’AECG acceptent une proportion de minimis de composants non originaires dans un produit. Un certain produit originaire du Canada pourra, par exemple, contenir huit pour cent de matières non originaires avant que l’on soit tenu de le déclarer.

Dans d’autres cas, le produit doit avoir une certaine teneur en valeur régionale (TVR), c’est-à-dire qu’il doit avoir un certain pourcentage de composants provenant de l’un ou l’autre des pays partenaires de l’accord de libre-échange. Ce pourcentage représente une proportion du coût de revient net d’un produit, mais parfois il est calculé sur sa valeur transactionnelle.

Il peut également arriver qu’un produit soit soumis à la fois à un changement tarifaire et à une TVR.

Pour vous assurer que votre produit respecte parfaitement ces diverses règles, vous devez retracer l’origine de tous ses composants. Il est donc important de connaître parfaitement votre chaîne d’approvisionnement afin d’être en mesure de déclarer correctement l’origine des composants des produits que vous exportez.

Comment puis-je documenter l’origine de mes produits et de leurs composants?

Vous pouvez obtenir un certificat d’origine ou une attestation de votre fournisseur. Les dispositions à cet effet sont définies dans l’accord de libre-échange. Dans certains cas, l’attestation du fournisseur suffit. Sur le plan légal, il est important que ces exigences soient comprises dans votre entente avec votre fournisseur. Cette entente doit comprendre une clause qui prévoit le remboursement de tout droit et dépense ainsi qu’une pénalité ou tout autre montant que vous auriez à payer si, en raison d’une mauvaise information du fournisseur, votre produit était jugé non conforme.

Quel est mon rôle dans la chaîne d’approvisionnement?

Si vous fournissez des composants à une autre compagnie qui souhaite exporter ses produits en vertu d’un accord de libre-échange, vous pourriez être tenu de transmettre à cette compagnie des renseignements sur l’origine des composants que vous lui fournissez.

À quelles pénalités suis-je sujet si je ne me conforme pas à cette exigence?

Tout dépend de la situation. Vous pourriez par exemple perdre votre admissibilité à un tarif préférentiel. C’est la conséquence immédiate. Par exemple, la douane américaine pourra procéder à un audit d’un exportateur canadien qui demande un tarif préférentiel en vertu de l’ALENA. On examinera le processus de production, la provenance des composants, les règles relatives à la tarification tarifaire, puis on déterminera si le produit est admissible ou non. S’il est déclaré non admissible, le tarif préférentiel cessera de s’appliquer et on établira le montant des droits qui s’appliquent hors du cadre de l’ALENA. Si l’exportateur voit deux de ses produits ou plus évalués comme non admissibles, on pourra décider qu’il s’agit d’une tendance à la fausse représentation ou une incapacité à soutenir ses prétentions et dès lors retirer son admissibilité à un tarif préférentiel pour ses produits futurs.

L’exportateur est également sujet à des pénalités. S’il fait une fausse déclaration ou une déclaration incorrecte relativement au certificat d’origine, les autorités douanières peuvent requérir des sanctions pénales, civiles ou administratives. Cela dit, les sanctions criminelles sont inhabituelles dans le cas de violation relative au certificat d’origine.

Pouvez-vous donner un exemple concret d’une compagnie qui ne s’est pas conformée aux règles d’origine et quelles ont été les conséquences?

De nombreuses compagnies ont vu l’audit rejeter leur admissibilité, mais aucune n’a perdu son accès au marché concerné. À ce jour, il n’est jamais arrivé qu’après le rejet à deux reprises de l’admissibilité suite à un audit dans le cadre de l’ALENA, un exportateur se voit refuser le tarif préférentiel. Nous avons été en mesure d’éviter cette situation. Il est arrivé que l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) ou les U.S. Customs — les organismes qui procèdent aux audits — estiment qu’un produit ne respecte pas les règles d’origine. Nous débattons alors avec les instances concernées, soit lors de l’audit, soit en portant la décision en appel. Certaines compagnies peuvent estimer qu’il ne vaut pas la peine d’aller en appel et décident alors de payer les droits requis. Jusqu’à maintenant, lorsque nous avons fait appel de la décision des autorités, nous avons le plus souvent eu gain de cause.

Qu’arrive-t-il si j’interprète mal les règles? Quelles sont mes options?

Quelle que soit votre intention, vous ne pourrez éviter les tarifs en raison de votre mauvaise interprétation des règles d’origine. Si une pénalité vous est imposée, vous pourrez certainement contester cette décision si la règle d’origine en cause est ambigüe ou prête à interprétation. Si vous modifiez votre processus de fabrication ou la provenance de vos intrants afin d’être admissible au tarif préférentiel, tout devrait rentrer dans l’ordre. De façon générale, le risque de vous voir refuser le statut préférentiel n’est réel qu’après deux échecs à obtenir le certificat d’origine pour deux produits identiques.

Peut-on obtenir une approbation anticipée?

La plupart des accords de libre-échange modernes ont un mécanisme d’approbation anticipée quant aux règles d’origine. Au Canada, selon les circonstances, la décision est rendue par l’ASFC ou par les autorités douanières du pays vers lequel le produit est exporté. Tout dépend de l’accord de libre-échange en cause. Dans le cadre de l’ALENA, un exportateur canadien peut solliciter une décision anticipée auprès de l’ASFC et celle-ci sera acceptée par les autorités douanières américaines. La situation peut être différente dans le cas d’un autre accord de libre-échange.

Est-ce que cela diffère d’un pays à l’autre?

Oui. La chose la plus importante pour l’exportateur est d’avoir l’assurance que son produit est admissible à l’exemption des tarifs douaniers avant qu’il ne commence à exporter son produit. En théorie, les autorités douanières des deux pays concernés devraient arriver aux mêmes conclusions, mais ce n’est pas toujours le cas. Les accords de libre-échange ont souvent des mécanismes de consultation entre les autorités des pays partenaires afin qu’elles s’entendent sur une même interprétation.

Ne serait-il pas plus rapide d’obtenir l’avis d’un avocat ou d’un expert spécialisé en commerce?

Probablement, mais n’oubliez pas que l’ASFC ou une autre autorité douanière peut être en désaccord avec l’interprétation du spécialiste. Mais l’opinion du spécialiste vous donne fort probablement une bonne indication de la décision à venir, et si des doutes sont soulevés quant à votre intention d’induire les autorités en erreur, l’avis juridique de votre expert pourrait certes faire contrepoids.

Règles d’origine : le diable est dans les détails

Dans certains accords de libre-échange, les règles d’origine stipulent qu’un produit d’un exportateur doit avoir 50 pour cent de contenu régional. Mais s’agit-il de 50 pour cent du coût de production du produit ou de 50 pour cent de son prix de détail? Il peut y avoir une grande différence. Il revient à l’exportateur de faire les recherches nécessaires.

Si vous utilisez des matières ou composants provenant d’un pays non originaire, une certaine proportion de votre produit fini pourrait ne pas bénéficier du traitement préférentiel et être sujet à des tarifs douaniers. Toutefois, si la matière utilisée est transformée substantiellement en un tout nouveau produit fini (par exemple, transformer la laine pour en faire un pull ou une feuille de métal pour faire un aéronef), vous pouvez obtenir un changement tarifaire et bénéficier des règles d’origine préférentielle et ainsi profiter d’une réduction ou même d’une exemption de tarif.

Les règles d’origine de l’ALENA et de l’AECG ne sont pas les mêmes. En voici quelques exemples :

Automobiles et pièces automobiles

En vertu de l’ALENA, les règles d’origine exigent un changement tarifaire ET que le contenu régional soit d’au moins 50 pour cent du coût de production.

En vertu de l’AECG, les règles d’origine exigent un changement tarifaire et que le contenu régional soit d’au moins 50 pour cent du prix de détail.

Dans l’exemple ci-dessus, si le coût de production d’un produit est de 75 $ et que son prix de détail est établi à 100 $, le contenu régional peut atteindre 49,99 $ en vertu de l’AECG, mais seulement 37,49 $ en vertu de l’ALENA puisque le 50 pour cent est calculé sur le coût de production. Il faut donc bien examiner les règles des deux accords.

REMARQUE : La méthode de calcul est également légèrement différente en vertu de l’AECG. La méthode de la « valeur ciblée » ne considère que la valeur des composants non originaires pour déterminer si un produit fini est originaire. L’ALENA utilise plutôt l’approche de la « teneur en valeur régionale » voulant que le producteur prenne en compte la valeur de toutes les matières et tous les composants de son produit. La méthode de la valeur ciblée de l’AECG est avantageuse pour le fabricant, qui n’a pas à établir la provenance de toutes les matières utilisées dans son produit fini.

Pièces d'aéronef

L’ALENA exige uniquement un changement tarifaire.

L’AECG exige à la fois un changement tarifaire et une teneur en valeur régionale de 40 pour cent calculée sur le prix de détail.

Pantalon pour homme, coton

L’ALENA exige un changement tarifaire et une transformation minimale, que l’on peut définir comme le fait de couper une matière (ou la tisser pour lui donner une forme) et de la coudre ou de l’assembler autrement dans un des pays partenaires de l’accord.

L’AECG exige un changement tarifaire et une transformation minimale, que l’on peut définir comme la filature de fibres naturelles ou artificielles ou l’extrusion de fil continu par tricot ou crochetage.

Chaussures de sport, chaussures de soccer

L’ALENA exige un changement tarifaire ainsi qu’une teneur en valeur régionale de 55 pour cent calculée selon la méthode du coût de production.

L’AECG exige uniquement un changement tarifaire.

Pneus pour voitures de tourisme

Les règles de l’ALENA et de l’AECG sont identiques et n’exigent qu’un changement tarifaire.