Pour Omar Allam, fondateur et chef de la direction d’Allam Advisory Group, société d’experts-conseils en commerce mondial établie à Ottawa, la diversification, « c’est une question de vie ou de mort ». En effet, en diversifiant géographiquement leurs exportations, c’est-à-dire en exportant ou en investissant sur plusieurs marchés à la fois, les exportateurs diluent leurs risques et augmentent le nombre de débouchés.

Pourquoi les entreprises canadiennes doivent regarder au-delà des États-Unis

« Grâce à la diversification, les PME peuvent perdurer en période de turbulences économiques, affirme-t-il. En effet, les politiques mondiales et le commerce international évoluant très rapidement, les sociétés canadiennes doivent s’adapter et se tourner vers d’autres marchés que les États-Unis et le Mexique. Pour ce faire, elles doivent cibler des régions qui pourront leur permettre d’accéder à d’autres marchés à forte croissance. »

Grâce à la diversification, les PME peuvent perdurer en période de turbulences économiques.

Omar Allam  —  Allam Advisory Group

Les avantages de se diversifier sur le marché de l’Union européenne (UE), y compris dans le cadre de l’Accord économique et commercial global (AECG)

Les sociétés canadiennes tendent à concentrer leurs efforts aux États-Unis : 76 % des biens produits au Canada vont au sud de la frontière, de même que 55 % des services dans des secteurs tels que les logiciels, le transport, la comptabilité et les services financiers.

Cela dit, M. Allam est d’avis que l’Europe est l’endroit idéal où faire des affaires si on tient compte de l’entrée en vigueur de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne, prévue au printemps, et de l’incertitude politique sur le si important marché américain. À l’heure actuelle, seulement 7 % des biens produits au Canada sont exportés dans les pays de l’UE.

« Les sociétés auront bientôt accès à la plus grande zone d’échanges commerciaux du monde, zone qui compte 500 millions de consommateurs, dit-il. De plus, celles qui s’installent en Europe pourront exporter leurs biens et services dans les pays de l’UE et au-delà. »

S’il devait concevoir une stratégie européenne pour une société canadienne, M. Allam tirerait profit des accords commerciaux entre l’UE et d’autres pays ou régions où les sociétés jouissent d’avantages concurrentiels : « en achetant une entreprise, en établissant une usine ou une installation de recherche et développement, ou même en ouvrant un bureau de vente en Europe, on peut augmenter ses chances de trouver des débouchés en Afrique, au Moyen-Orient et dans les pays qui forment le Conseil de coopération du Golfe. »

Comment faire des affaires sur le marché de l’Union européenne peut augmenter les possibilités offertes sur les marchés avoisinants

Selon lui, l’UE a conclu des accords de libre-échange avec la plupart des pays du monde, ce qui peut grandement améliorer la capacité concurrentielle et augmenter les exportations dans des pays à l’extérieur de l’UE.

En diversifiant les lieux où elle exporte ou effectue ses investissements, une société atténue ses risques économiques, financiers et politiques.

Todd Evans  —  Exportation et développement Canada

Todd Evans, directeur de groupe, Services de recherche à Exportation et développement Canada, affirme que la diversification joue un rôle majeur dans la réduction du risque commercial global.

« Une société qui vend tout ce qu’elle produit aux États-Unis a fort à risquer si la situation se dégrade, explique-t-il. En diversifiant les lieux où elle exporte ou effectue ses investissements, une société atténue ses risques économiques, financiers et politiques. »

Il ajoute que beaucoup de sociétés s’inquiètent des discussions aux États-Unis sur un ajustement fiscal à la frontière, l’imposition de tarifs d’importation et les questions frontalières.

« Voici donc l’occasion d’envisager d’autres marchés, souligne M. Evans. Bien que nous suggérions aux Canadiens desonger à l’ensemble des marchés mondiaux, l’entrée en vigueur prochaine de l’AECG rend l’UE particulièrement intéressante à l’heure actuelle. »

Au Canada, les secteurs et les produits qui pourront profiter de l’AECG sont nombreux : agriculture, aéronautique, automobile, services financiers et aux entreprises, produits pétroliers et chimiques, foresterie et dérivés du papier.

Evans signale que la diversification assure généralement une certaine durabilité aux activités des entreprises. En effet, on constate une croissance des ventes et une stabilité supérieures chez les sociétés diversifiées.

« Il est avantageux de s’établir sur divers marchés, surtout pour les petites sociétés désireuses de s’intégrer à la chaîne d’approvisionnement d’un joueur majeur, car elles peuvent faire valoir leur expérience dans les différentes régions où elles sont installées, ce qui leur procure un avantage certain lorsqu’elles approchent des multinationales et des acheteurs d’envergure. »

Il souligne également que l’Europe n’est pas un marché unique : l’AECG regroupe 28 pays. D’ailleurs, il s’accorde avec M. Allam pour affirmer qu’une fois installé là-bas, on se rapproche des marchés avoisinants. Par exemple, s’établir en Croatie donne accès à l’Afrique du Nord, à la Turquie et au Moyen-Orient.

Petit avertissement toutefois : l’Europe n’est pas un marché homogène. « Il peut y avoir de bonnes différences entre la stratégie adoptée pour l’Espagne et celle qui conviendra en Pologne », précise-t-il.

Il ajoute que la diversification ne se limite pas aux biens et services vendus : elle englobe aussi l’investissement direct canadien à l’étranger (IDCE) et l’établissement de sociétés affiliées à l’étranger.

« Le commerce mondial n’est pas qu’une question d’exportation; il y a aussi l’investissement à considérer, déclare-t-il. On observe souvent que les exportations suivent le sillon tracé par l’investissement à l’étranger : l’IDCE et l’établissement de sociétés affiliées à l’étranger leur ouvrent la voie. Même si d’autres exportateurs canadiens pourraient bénéficier des investissements d’une société, celle-ci ne manquera toutefois pas d’élargir ses débouchés sur le marché où elle investit et sur les marchés avoisinants. Une présence en Espagne peut ouvrir des portes en Afrique du Nord. »

Evans rappelle que la portion de l’AECG adoptée par le Parlement européen ne prévoit pas de mécanisme de règlement des différends en matière d’investissement, mais que les investissements font néanmoins partie de l’accord. Même si ce mécanisme ne sera mis en place que plus tard, la majeure partie de l’accord entrera tout de même bientôt en vigueur.

Si vous exportez déjà aux États-Unis et dans l’UE, allez plus loin.

Todd Evans  —  Exportation et développement Canada

Il continue en indiquant qu’exporter sur le marché européen n’est pas sans risques : les élections françaises pourraient bien porter au pouvoir la candidate populiste et protectionniste Marine Le Pen. Notons que les électeurs néerlandais ont été bien près d’élire un candidat s’inscrivant dans la même veine à la tête des Pays-Bas.

« Si vous exportez déjà aux États-Unis et dans l’UE, allez plus loin, affirme M. Evans. Servez-vous de ces marchés comme tremplin pour aller en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud. »

Selon M. Allam, il faut que la stratégie soit adéquate et qu’elle soit menée par les bonnes personnes. L’AECG, poursuit-il, permet aux exportateurs d’explorer des marchés jusqu’à maintenant insoupçonnés.

« Étant donné une incertitude mondiale et une complexité commerciale grandissantes, la diversification est absolument capitale pour toute société qui veut réellement s’imposer. Nombreuses sont les sociétés qui disparaîtront parce qu’elles ne se seront pas diversifiées ou n’auront pas su innover suffisamment dans leur stratégie ou dans sa mise en œuvre. »