Les exportateurs connaissent bien les risques. D’ailleurs, ils doivent régulièrement composer avec une foule de situations, des paiements tardifs en passant par les retards d’expédition. Toutefois, beaucoup d’entreprises exportatrices n’accordent pas assez d’attention à un risque en particulier : le risque de change.

Il s’agit du risque que les fluctuations de la valeur du huard par rapport à d’autres monnaies nuisent à la rentabilité de l’entreprise. Le problème n’est pas tant que ce risque est mal connu des exportateurs — la plupart s’accordent pour dire que les fluctuations de change défavorables peuvent gruger leurs bénéfices et fragiliser leurs flux de trésorerie —, mais qu’ils sont nombreux à ne pas gérer le risque de change de façon à protéger leurs marges et leur croissance à l’étranger.

La couverture : quand l’utiliser?

L’outil de base de la gestion du risque de change est la « couverture ». Elle prend plusieurs formes, mais pour les exportateurs, le moyen le plus courant est la « facilité de change » négociée avec leur banque. Une facilité de change se compare à une marge de crédit opérationnelle et peut servir à appuyer divers types d’instruments financiers (ou « couvertures »), chacun conçu pour bloquer le taux de change dans le cadre d’une vente à l’exportation et ainsi réduire la vulnérabilité de l’entreprise aux fluctuations défavorables. Mais pour tirer le meilleur parti d’une couverture, il faut savoir exactement quand souscrire une facilité pour se couvrir, et c’est là où l’exportateur risque de commettre une erreur.

« Beaucoup d’entreprises n’ont pas une idée claire du moment où le risque de change devient une réalité », explique Normand Faubert, président d’Optionsdevises, une firme d’experts-conseils qui montre aux exportateurs comment composer avec la volatilité des taux de change. « Elles attendent souvent d’émettre la facture pour couvrir ce risque, même si elles ont conclu le contrat et établi le prix de vente des mois auparavant. Ce qu’elles ne savent pas, c’est que le risque de change est apparu quand elles ont établi le prix de vente, et non quand elles ont émis la facture. Entre ces deux moments, pendant des mois peut-être, elles étaient complètement à la merci d’une évolution défavorable des taux de change puisqu’elles n’avaient aucune couverture en place. Ces entreprises n’ont pas tenu compte du risque de change assez tôt, et c’est là une erreur courante. »

Quand est-il trop tard?

D’après M. Faubert, il n’est pas même idéal de se couvrir au moment de la vente. « En réalité, votre risque de change se manifeste dès que vous fixez le prix, même si vous n’avez pas encore bouclé la vente. Supposons que vous publiez une liste de prix annuelle en janvier. Vous vous engagez alors à appliquer ces prix pendant un an, peu importe l’évolution des taux de change. Si cette évolution est défavorable, votre marge s’érodera. Ainsi, le simple fait de publier vos prix fait naître un risque de change, dont vous auriez tout intérêt à vous prémunir sans délai. Pour ce faire, vous devez établir une couverture en fonction des ventes prévues pour l’année, même si vous n’en avez encore conclu aucune. »

Cette approche, M. Faubert en convient, est contre-intuitive pour une foule de chefs d’entreprise. Ceux qui ont peu de ventes confirmées hésitent naturellement à prendre rapidement un engagement ferme auprès de leur banque en souscrivant une facilité de change pour couvrir leurs futures opérations en devises. Or, pendant qu’ils attendent, leurs prix sont à la merci du mouvement des taux de change. Si le dollar monte, une vente de 250 000 CAD conclue en janvier pourrait ne valoir que 230 000 CAD en juin. S’ils se dotent d’une couverture en janvier, ils recevront le montant le plus élevé malgré les variations du huard.

Alors, les entreprises doivent-elles vraiment couvrir ce risque en fonction de leurs prévisions de ventes annuelles? M. Faubert croit que oui. « Supposons que votre expérience du marché vous permet d’affirmer que vos ventes aux États-Unis se situeront entre 10 et 13 millions de dollars cette année. C’est une base raisonnable pour établir une couverture, car même si les affaires se gâtent, vos ventes totaliseront au moins 10 millions. Il serait donc avisé d’obtenir une facilité de change pour ce montant aussitôt que vos prix sont arrêtés. Et si vous réalisez des ventes supérieures, vous n’aurez qu’à couvrir l’excédent dès que vos prévisions de ventes révisées le justifieront. »

Une approche hasardeuse

Mais que se passe-t-il si le taux de change prend une direction favorable et qu’une vente de 250 000 $ conclue en janvier vaut 275 000 $ en juin? En l’absence d’une couverture, l’entreprise peut augmenter sa marge bénéficiaire potentielle — et si elle met en place une couverture pour bloquer le taux de janvier, elle renonce à ce gain. Certes, c’est là un pari. Mais cette approche est-elle gagnante?

La réponse de M. Faubert est simple : « Quand le succès de votre stratégie d’exportation repose sur l’évolution favorable des taux de change, vous devenez un spéculateur plutôt qu’un entrepreneur. Essentiellement, vous tentez de gagner de l’argent sur un marché complètement imprévisible. Vous feriez mieux d’opter pour une approche moins hasardeuse et de vous concentrer sur vos clients, vos produits et la croissance de votre entreprise. Il n’est point avisé de fonder sa stratégie d’exportation sur les fluctuations de change. Rayonner à l’étranger est un projet à long terme si bien que vous ne pouvez changer vos plans sitôt que le taux de change varie. La décision d’exporter ne doit jamais reposer sur la baisse éventuelle du dollar, mais plutôt sur la présence de débouchés sur le marché. »

Le casse-tête du fonds de roulement

Selon M. Faubert, la bonne gestion du risque de change repose sur la mise en place et l’exécution de stratégies efficaces, peu importe la trajectoire des taux de change. Cela dit, il existe une objection bien tangible aux stratégies de couverture évoquées par M. Faubert : l’incidence de telles stratégies sur le fonds de roulement de l’entreprise.

Il est question ici du coût de la facilité de change. Pour couvrir ses propres risques, la banque de l’exportateur exigera un nantissement. Ce nantissement peut atteindre 15 % de la valeur de la facilité, et la banque le prélève habituellement à même la marge de crédit opérationnelle de l’entreprise. Pour beaucoup d’exportateurs, cette érosion du fonds de roulement justifie de reporter la mise en place de la couverture le plus longtemps possible, peu importe le moment où le risque de change survient.

Heureusement, il y a une solution : la Garantie de facilité de change (FXG) d’EDC, qui garantit à 100 % le nantissement que la banque exige pour émettre la facilité de change. Grâce à cette garantie, la banque n’a plus à amputer la marge de crédit opérationnelle de l’entreprise, qui peut alors accéder à la totalité de son fonds de roulement. « La FXG, affirme M. Faubert, est un avantage incroyable pour les entreprises qui ne veulent pas utiliser leur marge de crédit opérationnelle comme nantissement contre une facilité de change. Fortes de cette garantie, elles peuvent maximiser leur fonds de roulement et couvrir leur risque de change. »

D’après M. Faubert, les entreprises qui souhaitent développer leurs activités à l’étranger et protéger leur rentabilité même en période de volatilité des devises doivent suivre quelques règles élémentaires. « D’abord, assurez-vous de connaître la nature de votre exposition au risque de change. Ensuite, repérez le moment où votre risque de change se manifestera, et formulez une stratégie pour le gérer. Enfin, couvrez chaque risque dès qu’il devient reel. »