Début 2013, deux entrepreneures canadiennes fondaient Bridgit. Peu après, elles lorgnaient le marché américain afin d’y vendre leur logiciel de gestion de projets de construction.

« Nous savions que l’industrie de la construction aux États-Unis faisait dix fois celle du Canada », indique Mallorie Brodie, directrice générale de l’entreprise de Kitchener, en Ontario. « Ce marché nous donnait une vraie chance de croître. »

Le nombre de très gros entrepreneurs au Sud de la frontière rendait par ailleurs possible une progression rapide des ventes.

« Un seul projet là-bas nous ouvrirait grand la porte pour de nombreux autres projets avec le client », ajoute-t-elle.

L’appli Closeout de Bridgit est aujourd’hui utilisée par des équipes de chantier dans quatre marchés clés américains – New York, Chicago, Seattle, Miami – et partout ailleurs aux États-Unis. La PME de Kitchener réalise chez l’Oncle Sam plus de 70 % de son chiffre d’affaires total, proportion que Mme Brodie s’attend à voir augmenter.

Elle et Lauren Lake, autre cofondatrice de l’entreprise, ont eu l’idée de Closeout en étudiant à l’Université Western, respectivement en administration et en génie civil. Admis dans le programme d’accélération des affaires The Next 36 de Toronto, le tandem a reçu 90 000 $ en capital de démarrage.

« Nous sommes immédiatement allées du côté de la construction parce que nos grands-pères ont travaillé dans l’industrie », explique Mme Brodie. Et plus précisément, du côté de la gestion des défauts, corvée laborieuse et pénible dans les bureaux ou les condos.

Celle-ci implique que le chef de projet fasse le tour de l’édifice pour relever les problèmes – plâtre craquelé, peinture écaillée, travaux d’électricité incomplets. Il saisit ensuite l’information à l’ordinateur, envoie par courriel des instructions aux sous-traitants et suit lui-même l’avancement du travail.

« On parle de 10 000 éléments à communiquer à une trentaine de sous-traitants. C’est un gros volume, qui demande énormément de temps. C’est rageant de tout faire à la main », précise Mme Brodie.

La solution du duo : une application en temps réel pour téléphone intelligent qui remplace les tableurs rébarbatifs et les notes autocollantes capricieuses. Elle permet de consigner l’information et de la communiquer instantanément aux sous-traitants pour que les tâches soient effectuées aussi rapidement que possible.

Pour vendre des abonnements à leur produit, les deux entrepreneures ont entrepris une « chasse à la grue », faisant de la prospection téléphonique auprès de chefs de chantiers.

« Ç’a été très efficace pour trouver nos premiers clients au Canada, mais évidemment, cette méthode a des limites », ajoute Mme Brodie.

L’entreprise a eu tôt fait d’attirer l’attention au pays et à l’étranger. En effet, Bridgit s’est illustrée lors de plusieurs compétitions de présentation locales et, en 2015, a été nommée « Disruptor of the Year » dans le cadre de l’émission canadienne The Disruptors, animée par Bruce Croxon, ancien panéliste de l’émission Dragons’ Den.

Elle a également devancé ses 11 adversaires, sélectionnés parmi 450 entreprises dirigées par des femmes, lors du Demo Day de Google, à San Francisco.

« Je crois que nous nous sommes démarquées par nos nombreuses sources de revenus, au Canada et aux États-Unis », avance Mme Brodie. À noter que depuis deux ans, Bridgit affiche une croissance mensuelle supérieure à 10 %.

Ces victoires remarquables ont fait connaître Bridgit auprès d’investisseurs potentiels. « Ça en dit long sur une entreprise en démarrage, d’arriver à se distinguer parmi tant d’autres », ajoute-t-elle.

Le moral de l’entreprise en a également profité. « Recevoir une approbation externe est toujours très stimulant. »

Début 2016, Bridgit a amassé 2,2 millions de dollars en fonds d’amorçage, qui ont notamment servi à soutenir son essor au Sud de la frontière.

« Plusieurs de nos investisseurs ont amené des entreprises aux États-Unis; ils nous ont encouragées à y aller sans tarder en raison de la taille du marché », indique Mme Brodie.

La stratégie de vente : une approche par ville, qui repose sur le bouche-à-oreille déclenché par les nouveaux clients.

L’entreprise a aussi créé des études de cas à partir de l’expérience des premiers clients, matériel béton qu’elle utilise pour se présenter à des clients potentiels d’une même ville. Selon Mme Brodie, l’application est « simple comme bonjour », et les heures et les milliers de dollars économisés par les utilisateurs parlent d’eux-mêmes.

« Nous faisons affaire avec certains des plus grands entrepreneurs aux États-Unis et nous continuons de développer ces relations. »

Bridgit tâte aussi des marchés grâce à des initiatives gouvernementales, notamment le programme Soft Landing du Réseau canadien des médias numériques (RCMN) pour les entreprises en démarrage solides et les PME. Ce programme subventionne des déplacements aux États-Unis pour le développement des affaires.

« Des programmes comme celui-là nous ont aidées à faire le saut et à éliminer les risques », affirme Mme Brodie.

La PME, qui compte une trentaine d’employés, entend poursuivre ses activités de vente à partir du Canada et développer sa clientèle américaine à distance, recette qui semble bien fonctionner.

« D’un mois à l’autre, nous constatons une augmentation de la proportion d’affaires nouvelles aux États-Unis. »

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