Quand l’Accord économique et commercial global (AECG) Canada-Union européenne entrera en vigueur, certains obstacles au commerce changeront pour les entreprises canadiennes exportant vers l’Union européenne (UE), mais d’autres seront maintenus.

Les barrières tarifaires – les droits perçus sur les biens s’apprêtant à franchir les frontières de l’UE – seront supprimées ou réduites, et certaines barrières non tarifaires, comme les normes et les réglementations, seront conservées, mais assouplies. Les entreprises canadiennes pourront par ailleurs soumissionner à certains appels d’offres gouvernementaux de l’UE, un changement important et sans précédent.

Nous avons rencontré Christian Sivière, expert-conseil en commerce rémunéré, de Solimpex, pour en savoir plus sur les obstacles qui attendent les entreprises canadiennes exportant vers l’UE.

Barrières tarifaires

Les tarifs douaniers sont les droits imposés par les gouvernements sur les importations. À la date d’entrée en vigueur, 98,4 % des tarifs douaniers sur les produits non agricoles en provenance du Canada seront abolis, et cette proportion atteindra les 98,8 % après sept ans. Des périodes de transition de trois à sept ans seront appliquées pour les navires, les produits automobiles et certains produits agricoles.

Une voiture européenne importée au Canada est actuellement soumise à un tarif douanier de 6 %. Ce taux sera progressivement supprimé au bout de quelques années. Parallèlement, dès le jour un, les tarifs sur les fruits de mer – actuellement à 20 % – seront pour la plupart annulés.

Les droits ad valorem sont des tarifs à payer selon le bien exporté. Ce terme latin renvoie au concept de « valeur », sur la base duquel sont calculés les droits. Pour un nombre limité de biens, comme les produits de base, des « droits spécifiques » peuvent s’appliquer. Ils sont généralement établis en fonction du poids ou du volume. Voici un outil qui vous aidera à déterminer les tarifs douaniers applicables à votre marchandise. En voici un second pour trouver le code du Système harmonisé (SH) de vos produits, nécessaire pour utiliser le premier site.

Barrières non tarifaires

Les barrières non tarifaires désignent généralement les normes techniques et les exigences liées aux permis qui établissent les caractéristiques des biens admissibles à l’importation. Il peut ainsi s’agir des règles qui définissent une hauteur ou une largeur standard. Par exemple, si de la farine ou des produits de transformation contenant de la farine sont envoyés vers le Canada, ils doivent être enrichis. Certaines entreprises pourraient donc se voir obligées de modifier la recette de leurs biscuits. Cette barrière sera maintenue pour les entreprises européennes.

Les produits européens, pour leur part, sont dotés d’une « marque CE ». Celle-ci est notamment apposée sur les jouets, la machinerie, les appareils électroniques, les ascenseurs, les navires et les ordinateurs. Pour pénétrer le marché de l’UE, votre produit doit se conformer aux réglementations de conformité européenne et être marqué CE. Au Canada, l’équivalent de ce système serait la norme imposée sur les appareils par l’Association canadienne de normalisation.

En plus du marquage CE, l’UE applique les normes EuP, RoHS et REACH. Elles concernent essentiellement les produits chimiques, les matières dangereuses et l’énergie, et seront maintenues après la mise en œuvre de l’AECG.

Les produits canadiens devaient auparavant être testés dans des installations européennes, mais grâce à l’AECG, des laboratoires et des organisations canadiennes seront habilités à délivrer une certification européenne.

Les entreprises européennes pourront aussi y faire certifier leurs produits en vertu des normes canadiennes. Ces barrières non tarifaires seront donc maintenues, mais leur application sera facilitée grâce à ces changements, en particulier pour les PME.

D’autres obstacles existent. Ainsi, l’UE n’autorise pas l’importation de viande de bœuf nourri aux hormones, alors que de nombreux éleveurs canadiens intègrent ces substances à l’alimentation de leur bétail. « Si vous élevez des bœufs dans l’Ouest, cet accord offre des perspectives formidables, souligne M. Sivière, mais vous devez mettre en place deux chaînes d’approvisionnement. La viande de bœuf comportant des hormones doit être totalement séparée de celle qui n’en contient pas. Certains éleveurs le feront, mais ce ne sera pas si simple. »

Contingents

Les contingents sont des limites imposées sur la quantité d’un produit pouvant être importée par un pays. Même si une marchandise est libre de droits de douane selon l’AECG, elle peut donc être soumise à des contingents. La limite d’importation actuelle de fromages européens au Canada sera doublée en vertu de l’AECG. Toutes les importations qui iront au-delà de ce volume seront toutefois assujetties à des droits de douane. Tout comme les tarifs douaniers, les nouveaux contingents seront introduits progressivement au cours des prochaines années.

L’UE a établi des contingents sur certains produits canadiens comme la crevette, le cabillaud (morue), le bœuf et le porc.

Permis

Pour exporter certains biens vers l’UE, les entreprises canadiennes ont besoin d’un permis. Grâce à ce système, les gouvernements peuvent contrôler les importations de ces produits simplement en limitant le nombre de permis accordés. Parmi ces marchandises, on trouve les aliments et les biens issus des secteurs stratégiques et de l’environnement, de l’énergie et de l’automobile.

Dédouanement

Le dédouanement est uniforme au sein de l’UE : quand vos biens pénètrent ce marché, ils passent les douanes une seule fois et peuvent ensuite circuler librement dans ses 28 États.

Cela dit, il faut aussi tenir compte de la TVA (ou taxe sur la valeur ajoutée), qui est payable à l’entrée, mais diffère selon les pays. Ainsi, certains des États de l’UE ont deux ou trois niveaux de TVA différents, ce qui porterait le nombre total de taux à 75 dans toute l’Union douanière.

Généralement, quand vous exportez des biens vers l’UE, vous payez les droits de douane et la TVA immédiatement, mais certains pays, comme la Belgique et les Pays-Bas, laissent jusqu’à la fin du mois pour s’acquitter de cette obligation.

Approvisionnement

L’approvisionnement, qui renvoie à la possibilité de participer à des appels d’offres pour remporter des contrats gouvernementaux, s’ouvrira en grande partie des deux côtés de l’Atlantique avec l’AECG. Les exceptions du côté européen concernent les aéroports et les institutions culturelles. Du côté canadien, ce sont les contrats de transport collectif au Québec et en Ontario qui seront exclus de l’accord. Ces restrictions ne s’appliquent toutefois que pour un certain montant sur les deux marchés. Au-delà de ce plafond, les contrats sont ouverts.

Classification des produits

La classification des produits renvoie aux codes SH. Au Canada, ce sont les services douaniers qui peuvent vous renseigner sur la classification de votre produit. Vous pouvez faire appel à eux pour obtenir un taux ou pour confirmer le code SH de votre produit, les descriptions étant souvent sujettes à interprétation. Avec l’AECG, les entreprises canadiennes peuvent aussi solliciter l’UE pour qu’elle statue sur une classification de produit ou des règles d’origine. Ce processus est désigné par le concept « d’harmonisation de l’information sur les tarifs douaniers ».

Règles d’origine

Chaque accord de libre-échange établit des règles d’origine. Si votre eau embouteillée provient d’une source canadienne, alors elle est clairement canadienne, mais si votre produit contient des fibres de Turquie et de l’encre du Brésil, il a beau avoir été fabriqué au Canada, il n’est plus vraiment canadien. Dans certains cas, un bien manufacturé peut toutefois être considéré comme canadien, même si certains de ses composants, de ses pièces ou de ses matières premières ont été importés d’un pays étranger.

Dans le cadre de l’ALENA, les produits doivent avoir une composition à 60 % canadienne. L’AECG n’en exige pas autant (50 %).