Les missions commerciales sont en quelque sorte des rencontres éclair d’entreprises : elles réunissent des fournisseurs et des clients potentiels en un même lieu pendant quelques jours intensifs de rencontres et de jumelage. Généralement organisées par des gouvernements en collaboration avec des groupes commerciaux, elles permettent de faire beaucoup d’affaires en peu de temps. Par exemple, en seulement trois jours, un participant à la deuxième mission commerciale canadienne LGBTQ2+ à Tampa (Floride), ce mois-ci, a trouvé sept fois plus de clients potentiels qu’il n’en trouverait normalement en une semaine.

Cette mission en particulier, organisée par la Chambre de commerce LGBT+ du Canada, de concert avec Exportation et développement Canada (EDC) et Affaires mondiales Canada (AMC), était ouverte à toutes les entreprises canadiennes certifiées par la Chambre de commerce LGBT+ du Canada et dirigées par des personnes de la communauté LGBTQ2+ visant une expansion commerciale aux États-Unis. L’événement a eu lieu en même temps que le congrès international des affaires et du leadership 2019 de la Chambre de commerce LGBT nationale, le plus grand événement LGBT du monde. La Chambre de commerce LGBT nationale est le pendant américain de la Chambre de commerce LGBT+ du Canada.

Deux entrepreneurs canadiens qui ont participé à l’événement – Tony Abrahams, chef de la direction de Ai-Media, et Peter Hawkins, directeur général de MELLOHAWK Logistics – nous ont parlé de l’importance des missions commerciales et des avantages qu’elles offrent aux exportateurs.

Tony Abrahams
Peter Hawkins


Peter Hawkins, à gauche, et Tony Abrahams, à droit, ont participé à une recente mission commerciale en Floride.


Fondée en 2003, Ai-Media fournit des services de sous-titrage, de transcription, de traduction, de description audio et d’analyse du discours à des entreprises du monde entier. MELLOHAWK Logistics est un transitaire international qui fournit des solutions économiques de chaînes d’approvisionnement pour des produits des quatre coins de la planète.

Comment décririez-vous les missions commerciales à un exportateur qui n’y a jamais participé?

M. Hawkins : Une mission commerciale est un ensemble de réunions d’affaires organisées dans un nouveau pays avec le soutien du gouvernement, d’organismes gouvernementaux et de délégués qui vont sur place. Les entrepreneurs y vont une première fois pour tester le marché, et parfois une deuxième fois pour bâtir des relations et profiter du coup de pouce du gouvernement.

M. Abrahams : J’y suis aussi allé l’an dernier, et ce fut un événement très réussi, mais cette année, c’était exceptionnel. Je n’avais jamais vu un tel degré de coordination et de camaraderie, qui imprégnait toute la mission. Ensemble, le gouvernement du Canada et la Chambre de commerce LGBT+ du Canada ont su regrouper, dans un climat de franche cordialité, des entreprises canadiennes qui cherchent à croître aux États-Unis… c’était incroyable. Le maire de Tampa est venu à la réception du gouvernement du Canada, et les discours du consul général, du maire et de la Chambre de commerce ont mis en évidence l’engagement du gouvernement canadien à créer des débouchés pour les fournisseurs diversifiés et les façons dont il compte le faire.

Le degré de planification, d’énergie et d’attention aux détails était surprenant. Tout le monde s’entraidait. Chaque matin et chaque après-midi, un bilan permettait de faire circuler les bons tuyaux, par exemple une personne avait peut-être rencontré quelqu’un pouvant intéresser un autre membre de l’équipe canadienne. Beaucoup de temps était consacré à ce que tout le monde comprenne les activités des autres entrepreneurs et connaisse leurs clients cibles. Je pense que chacun a reçu plus de recommandations des autres participants de la mission commerciale en procédant par déduction qu’au cours du processus de jumelage en bonne et due forme de la Chambre de commerce LGBT nationale.

Men strategizing around a table

Pourquoi les entrepreneurs canadiens devraient-ils participer à une mission commerciale?

M. Hawkins : Les missions commerciales sont une source de renseignements sur les marchés favorisant la conquête de nouveaux marchés. À mon avis, c’est une question de diversification : je ne peux pas mettre tous mes œufs dans le même panier. Plusieurs entreprises qui n’étaient pas sur ma liste sont venues me rencontrer. Je ne m’étais jamais adressé à une entreprise de télécommunications avant, parce que je ne savais pas que ces organisations achetaient des services de logistique, mais c’est le cas : elles transportent des infrastructures, comme de la tuyauterie et des composantes lourdes pour les pylônes. L’entreprise en question s’intéressait à la mienne parce qu’elle cherchait à remplir ses obligations en matière de diversité des fournisseurs.

M. Abrahams : C’est extrêmement efficace. En une semaine, en un seul lieu, on peut rencontrer des tas de clients potentiels qui cherchent à faire affaire avec des fournisseurs diversifiés. Ils savent que ces fournisseurs ont déjà la bénédiction du gouvernement du Canada, ce qui compte beaucoup. Le plus difficile quand on cherche à recruter de nouveaux clients, c’est la première étape. Mais dans ce cas, le tapis rouge est déjà déroulé. On peut en venir très rapidement aux choses sérieuses.

Au bout du compte, combien de clients potentiels avez-vous trouvés?

M. Abrahams : À la fin de la semaine, nous avions 35 pistes prometteuses. Normalement, nous sommes heureux d’avoir cinq pistes en une semaine, alors ces trois jours ont compté comme sept semaines d’affaires.

M. Hawkins : Nous en avons trouvé 38 ou 39 qui aboutiront à quelque chose, et j’enverrai environ 45 suivis. L’an dernier, il me semble en avoir trouvé 12, environ. J’ai une critique à faire aux exportateurs canadiens : nous sommes de mauvais amants. Nous offrons de bons moments, puis nous ne rappelons pas. La clé, c’est de faire un suivi. Mon entreprise a ouvert un bureau à Miami, ce qui l’a rendue plus attrayante cette fois-ci. Je pense avoir abordé tous ceux avec qui je pourrais faire affaire. C’était une mission commerciale très réussie, une visite de vente gigantesque et très réussie. L’an dernier, j’ai observé quelqu’un qui réseautait avec brio, et cette année, j’ai suivi son exemple. Cela a fonctionné.

Pourquoi est-ce important qu’une mission appuie les employeurs diversifiés?

M. Abrahams : Je pense que c’est une manière très efficace de soutenir les exportateurs canadiens. La mission commerciale contribue vraiment à bâtir une communauté et à développer la capacité et la résilience des PME canadiennes. Cela donne des résultats. Le soutien des autorités renforce vraiment notre image. Il nous confère une crédibilité. Nous sommes choyés par cette chance et ce soutien.

Two women discuss business

Quels sont les avantages de regrouper des employeurs qui partagent une même vision?

M. Hawkins : La plupart des missions commerciales regroupent des entreprises disparates qui voyagent ensemble et profitent parfois d’un espace de jumelage, mais celle-ci va bien au-delà. Il y a vraiment de l’entraide. Chaque délégué là-bas travaille aussi en votre faveur. Il y a aussi un répertoire qui présente avantageusement l’entreprise de chaque délégué. J’ai trouvé beaucoup de mes clients potentiels grâce à d’autres délégués qui m’ont présenté, comme l’a fait EDC. Et le soutien des autorités est sans pareil.

M. Abrahams : Je pense qu’il y a un sentiment de soutien mutuel, d’encouragement réciproque à persévérer. Il y a beaucoup de mentorat, de soutien et de communication informelle au passage, pendant les repas, et c’est extrêmement bénéfique. Le plus grand avantage de l’événement, c’est qu’il favorise la création d’une communauté. La moitié des personnes que j’ai rencontrées l’an dernier était présente cette année. Ce sont de bonnes amitiés, et nous en avons noué d’autres au cours de la semaine. La mission commerciale a vraiment soutenu des entreprises de tout le Canada et des personnes de tout l’arc-en-ciel LGBT. Je pense qu’elle donne aux nouveaux entrepreneurs la confiance nécessaire pour continuer. On y a aussi présenté des astuces pour lancer son entreprise et surmonter les obstacles. Le tout était brillant.

Un homme partage des informations sur son telephone portable avec un autre homme

Y a-t-il des défis inhérents au fait d’être un employeur LGBTQ2+?

M. Abrahams : Oui. Il y a 15 ans, j’ai créé mon entreprise en Australie parce que je n’étais pas à l’aise d’afficher mon identité LGBT dans l’environnement de travail où j’étais. Je ne savais pas si l’entreprise allait réussir, mais j’ai essayé, et elle a réussi. Je ne me suis jamais senti entravé à la tête de ma propre entreprise, mais c’était le cas quand je travaillais pour d’autres entreprises.

M. Hawkins : Certainement, mais à cette mission commerciale, tout le monde regarde dans la même direction. Certains participants ont des obligations à remplir en matière de diversité, mais ils les remplissent aussi parce que c’est une bonne chose, pas seulement à cause de leurs règlements. J’ai rencontré quelqu’un qui n’était pas à l’aise à mon égard, mais à mon avis, il faut toujours se montrer accueillant parce qu’au fond, on parle affaires. Je voulais lui montrer qu’on peut faire affaire avec n’importe qui. À un certain moment, il m’a montré une photo de son installation sur son téléphone, et j’ai vu un chapeau « Make America Great Again ». Je lui ai demandé si c’était le sien. Je lui ai alors parlé d’une entreprise qui enlève le fil blanc et réécrit : « Bienvenue au Canada ». Finalement, nous avons eu une très bonne conversation et gardé contact.

Les exportateurs diversifiés rencontrent-ils des obstacles particuliers?

M. Abrahams : Probablement, pour certaines destinations d’exportation. Mais cette mission avait lieu aux États-Unis, et je pense que les choses ont changé assez rapidement ces dernières années. Nous avons la chance de saisir une occasion qui n’était peut-être pas là il y a cinq ans à peine.

M. Hawkins : Certainement. Des pays tout entiers ne veulent pas faire affaire avec nous. La direction de mon entreprise est gaie, et les gens le savent depuis des années, mais ils ne veulent surtout pas en savoir plus. Même si j’utilise une stratégie de séduction, je parle de mon époux comme de mon époux. J’ai perdu des débouchés sur des marchés compliqués, mais j’en ai trouvé d’autres. Il m’est arrivé de discuter avec des gens pour savoir quel était le problème, et ces conversations m’ont appris des moyens de montrer que les différences n’empêchent pas de faire des affaires. C’est mon seul objectif dans ces cas. J’ai une cliente de longue date, depuis peut-être 15 ans, qui fait partie d’un petit ordre religieux fondamentaliste au Brésil. Malgré nos opinions différentes, nous avons une bonne relation et faisons affaire ensemble chaque semaine. Quand elle vient au Canada, je vais la chercher à l’aéroport avec joie et je fais en sorte qu’elle se sente la bienvenue.