Le parcours de mon entreprise aurait été bien plus impressionnant si nous avions méthodiquement ciblé l’Australie comme une destination d’exportation potentielle et réalisé d’innombrables études de marché avant de nous lancer dans ce pays avec la détermination d’un diable de Tasmanie… Mais il n’en est rien. Honnêtement, nous n’avions jamais songé à exporter notre marque en Australie (ni ailleurs, d’ailleurs); une chance s’est présentée à l’autre bout du monde, et nous l’avons saisie. Une année plus tard, notre succursale de Brisbane, en Australie, est en bonne voie d’être la plus rentable de toutes : un heureux hasard, cela ne fait aucun doute.

Percer en se démarquant

Si notre objectif n’était pas d’exporter, nous avons toujours voulu devenir le numéro dans le domaine des jeux d’évasion. À force d’offrir une expérience on ne peut plus stimulante et immersive, nous sommes effectivement devenus un chef de file dans le secteur. C’est ce qu’on appelle communément, en marketing, une proposition de valeur unique, c’est-à-dire un avantage que n’a aucun concurrent. On ne peut s’en passer pour vendre à l’étranger puisqu’il ne s’agit plus seulement de conquérir son patelin, mais de se distinguer sur l’échiquier mondial.

Chaque chose en son temps

Notre première succursale a ouvert ses portes à Ottawa en 2014, et en tant que pionnière des jeux d’évasion en Ontario, elle est loin d’être passée inaperçue. Bien sûr, nous voulions nos implanter ailleurs au Canada en temps et lieu, mais nos débuts étaient surtout consacrés à construire la marque d’Escape Manor et à offrir la meilleure des expériences aux clients. Tout a changé après la visite d’un homme d’affaires de l’Ouest canadien et de sa famille, en vacances à Ottawa : il était si impressionné qu’il nous a suggéré d’ouvrir une succursale chez lui, à Regina. Nous avons donc établi un partenariat après un contrôle préalable, et aujourd’hui, nous avons des succursales à Regina et Saskatoon.

Ce saut de l’ange d’Est en Ouest nous a disposés à nous ouvrir à d’autres marchés et débouchés. Ainsi, quand un couple de Brisbane nous a offert d’ouvrir une succursale d’Escape Manor dans leur ville de résidence, nous n’avons pas hésité une seconde; après un premier bond vers l’Ouest d’Ottawa à Regina, pourquoi pas un deuxième?

Modèles d’expansion

Pour l’expansion de l’entreprise, nous avons considéré plusieurs options. Par exemple, nous aurions facilement pu breveter sans peine notre propriété intellectuelle et notre modèle d’affaires. Quant à l’option de céder des franchises, elle aurait sûrement mieux servi une entreprise aux structures plus simples, plus solides et déjà établies. Mais rien de tout cela ne nous correspondait (ni à l’époque ni aujourd’hui) : l’entreprise, toute jeune, en était encore à établir ses structures. Nous n’étions pas prêts à l’emballer et à l’expédier comme si tout en était perfectionné. Au contraire, notre service est assez compliqué : la conception et la mise en scène d’un jeu d’évasion prennent énormément de temps, sans compter toute la formation théâtrale du personnel d’animation. Il fallait donc une approche plus pragmatique pour nous établir en Australie, et c’est pourquoi nous avons opté pour une coentreprise.

Composer avec les défis du marché

Brisbane, ce n’est l’arrière pas l’arrière-pays australien, loin de là, mais y faire affaire, comme sur n’importe quel marché, n’en présente pas moins son lot de défis.

  1. La distance. Le décalage horaire entre Ottawa et l’Australie étant de 14 heures, l’organisation d’une simple téléconférence peut s’avérer difficile, sans parler des déplacements par avion, qui ne prennent pas moins de 24 heures.
  2. La culture. Oui, les deux pays parlent la même langue… mais il y a des différences. Or se servir du mauvais idiome en marketing, c’est se tirer dans le pied.
  3. La monnaie du pays. Pour une entreprise canadienne qui a l’habitude de compter en dollars canadiens, le projet de couvrir des frais de démarrage en dollars australiens, en plus de la fluctuation monétaire, a usé le nerf du risque de nos dépenses d’exploitation.
  4. Le financement. Escape Manor est un prestataire de services qui compte sur son flux de trésorerie, alors que les banques préfèrent faire affaire avec des entreprises affichant un bon actif. La recherche de prêts a donc toujours mené à des discussions intéressantes, qui l’étaient plus encore dans l’optique d’une expansion en Australie. Heureusement, RBC et EDC nous ont soutenus, et ensemble, elles nous ont fourni le financement nécessaire à notre croissance. Ce soutien nous a aussi aidés à tisser notre relation avec la National Australia Bank.
  5. Les subtilités juridiques. Je suis avocat de société de formation, mais j’ai dû admettre que nous devions faire appel à des services juridiques complets en Australie, autant pour y déposer notre marque que pour rédiger des contrats d’emploi.

Garder les pieds sur terre

Avec notre modèle de partenariat, il ne suffisait pas de signer et de se lancer. D’emblée, nos partenaires de Brisbane sont venus au Canada pendant un mois pour suivre une formation sur place et apprendre en détail nos façons de faire. C’était comme leur donner une formation accélérée sur toutes les facettes d’Escape Manor afin qu’ils puissent utiliser tout de suite ces connaissances en Australie. Ils ont d’ailleurs extrêmement bien réussi à réaliser notre vision et notre mission à l’étranger en ce qui a trait au service à la clientèle, à la qualité de l’immersion et, bien sûr, à la capacité de générer un chiffre d’affaires.

Nous avons activement participé à la mise sur pied de la succursale de Brisbane tout au long de l’étape des améliorations locatives. Un représentant canadien s’est rendu sur place le premier mois complet suivant l’ouverture, et un membre de notre équipe s’y rend encore chaque trimestre pendant au moins une semaine pour s’assurer du respect de nos normes et pour régler tout problème de gestion. Nous faisons aussi en sorte que nos partenaires australiens se sentent soutenus à chaque étape – une nécessité –, et à cette fin, nous tenons une téléconférence hebdomadaire en plus d’autres formes de communication régulière.

Notre aventure dans le monde de l'exportation a peut-être été fortuite, mais aujourd’hui, nous cherchons délibérément à ouvrir d’autres succursales en Australie et ailleurs, car notre humble expérience nous a appris qu’avec les bons partenaires, aucune destination n’est trop loin, et aucun obstacle n'est trop grand.