Janvier, c’est un mois d’activité frénétique en économie. Un mois où les prévisions sont à l’honneur, où les économistes les plus éminents tentent de nous persuader d’écouter leurs prédictions à l’occasion d’événements de haute envergure. Loin d’être réservées à un petit nombre, ces tribunes ont la cote, autant que celles de n’importe quel autre secteur. Cet intérêt montre le caractère primordial des prévisions et plus récemment toute la difficulté de formuler des prévisions dans le contexte socio-politique actuel marqué par des turbulences. Malgré tout, il existe un consensus sur le fait qu’il y a un ralentissement. Certains l’attribuent à l’incertitude dans la sphère des politiques tandis que d’autres affirment que nous sommes à ce point du cycle, soit à un ralentissement « naturel » de la croissance. Des analystes pointent du doigt la tendance au ralentissement de la croissance depuis dix ans, et trouvent en la démographie le coupable tout désigné. Ce qui nous amène à la question de la semaine : une démographie chancelante condamne-t-elle les économies à une croissance timide? 

Pour bien des gens, l’équation est simple. Faible démographie égale main-d’œuvre réduite, ainsi que revenus et dépenses en baisse. Ajoutons à cela le vieillissement de la population, dont une bonne partie a franchi l’âge du pic de consommation laquelle, on le sait, est l’un des principaux moteurs de l’activité économique. D’ordinaire, la démographie joue énormément sur le dynamisme économique. Par exemple, le baby-boom de l’après-guerre a généré une vague de croissance imposante et soutenue de même qu’une prospérité considérable. On le voit, on aurait bien du mal à nier le caractère essentiel de la démographie.

En considérant également les données démographiques actuelles à l’échelle mondiale, il devient difficile de ne pas faire preuve de pessimisme à l’égard de la croissance. En Europe occidentale, la démographie plafonne puisque sa croissance organique est depuis longtemps inférieure au taux de renouvellement. L’Italie affiche une démographie particulièrement chancelante, une « crise » de la vie de certains spécialistes. D’autres nations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (ou OCDE) présentent un bilan un peu plus positif. La Chine, pour sa part, doit composer avec les conséquences de la politique de l’enfant unique appliqué pendant des décennies. La croissance chinoise, spectaculaire et soutenue, a mobilisé des millions de travailleurs « disponibles ». Résultat : l’économie doit désormais composer avec une main-d’œuvre se faisant plus rare sur le marché intérieur, ce qui réjouit les tenants d’une croissance en berne. La Russie et d’autres pays sont confrontés à la même situation. Alors, est-ce que l’avenir nous réserve uniquement un ralentissement de la croissance ?

Dans une conjoncture normale, oui. Mais c’est à peine cas. Par chance, la démographie n’est pas le seul déterminant du dynamisme économique à long terme. De fait, il y a deux autres piliers incontournables de la croissance : l’importance du capital dans une économie; et l’essor de la productivité qui résulte de la combinaison de la main-d’œuvre du capital. Comment ces deux piliers se portent-ils?

L’évolution habituelle a changé, et voici pourquoi. La croissance exponentielle de la technologie influe sur capital et pourrait orchestrer une révolution de la croissance. Certes, les contraintes sur la main-d’œuvre exercent des pressions sur la croissance, mais la technologie prend désormais en charge de nombreuses tâches pouvant auparavant être uniquement exécutées par des humains. La robotique, l’apprentissage machine, l’intelligence artificielle et d’autres applications numériques s’implantent grâce à des systèmes de communication toujours plus puissants, ce qui permet d’espérer une contribution accrue du capital et de la productivité à l’équation. Ce genre de logique semble provenir de l’époque de la révolution industrielle, et c’est exactement le cas. De par leur nature, les révolutions se déroulent rarement sans accrocs; il y aura donc forcément des répercussions. Or, celle-ci n’a pas lieu alors que nous nageons dans un surplus de main-d’œuvre. On pourrait dire qu’elle survient à temps pour répondre à un besoin de main-d’œuvre de plus en plus préoccupant. 

Chose certaine, il y a des inquiétudes valides au sujet de la concordance entre les compétences et l’emploi – autrement dit travailleurs déplacés effectuant des tâches manuelles sans grande complexité. En fait, on redoute de plus en plus le même déplacement du côté des cols blancs. On craint une mainmise de la technologie, ce qui augmenterait la concentration des entreprises, et par le fait même accentuerait la disparité des revenus. Toutes ces préoccupations sont légitimes. Nous croyons que la démocratie continuera d’être le système politique dominant; ces problématiques trouveront donc leur résolution lors d’une élection. La production s’orientera sans doute à la hausse, et la question qui se posera sur le plan politique est celle de la façon d’assurer une répartition appropriée des retombées de cette production.

Conclusion?

La transformation qui s’opère, à l’image de toutes les transformations majeures, présente des risques et des occasions. Malgré une démographie en baisse, il y a de bonnes raisons de croire que cette fois-ci la technologie viendra probablement à la rescousse de la croissance – et rien ne devrait l’en empêcher.

 

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