La confiance est un élément essentiel de notre système économique, et son action se fait en grande partie en arrière-plan. Quand elle est omniprésente, on oublie sa présence; mais quand elle disparaît, les effets en sont visibles partout : l’incertitude engendrée par son absence alimente les spéculations, se propage et s’autoréalise. Par le passé, l’érosion de la confiance – même injustifiée – a entraîné des conséquences dévastatrices sur l’économie et son système financier. Dans le climat d’incertitude actuel, doit-on s’inquiéter de l’état de la confiance?

Certaines images sont éloquentes. Les photos prises lors de la Grande Dépression montrant des personnes massées devant les banques, stupéfaites par le plongeon des marchés boursiers – et le chômage qu’il a créé – et faisant la file à la soupe populaire témoignent des réelles répercussions d’une profonde crise de la confiance. Aujourd’hui, la même dynamique est à l’œuvre. Nous l’avons vu à petite échelle aux premiers jours de la pandémie. Redoutant une pénurie d’aliments, les consommateurs ont fait des réserves de produits de première nécessité et, dans la foulée, provoqué bien inutilement de véritables pénuries. Pendant un moment, nous avons perdu confiance dans l’efficacité du réseau de distribution et, par le fait même, prouvé que malgré les progrès accomplis depuis la Grande Dépression, nos réactions ont été très semblables – tout comme d’ailleurs les résultats.

Plusieurs défis pourraient mettre notre confiance à l’épreuve : les multiples vagues de la pandémie, l’ampleur de la dette des entreprises et des gouvernements, les perturbations géopolitiques, le néoprotectionnisme, les années de croissance décevante depuis la crise financière mondiale, le populisme et la polarisation des perspectives, et d’autres facteurs ponctuels. 

Et puis, il y a ce que les chiffres nous révèlent. Étonnamment, l’élan de la confiance se maintient dans la première économie du globe. Selon la dernière analyse du Conference Board du Canada, la confiance du consommateur est revenue au niveau d’avant la pandémie en début d’année. En tant que baromètre de la confiance commerciale, l’indice composite de l’ISM reprend du mieux et se situe bien au-delà des niveaux du début de 2020.

Le portrait est identique de l’autre côté de l’Atlantique : là-bas, la confiance des consommateurs a retrouvé les niveaux d’avant la pandémie, et ce, après la remontée opérée de mars à juin, qui s’est maintenue jusqu’en août. Vu les profondes dissensions en matière de politiques et un redémarrage de l’économie américaine plus tardif que prévu, c’est une relance pour le moins remarquable. Dans l’Union européenne, la confiance vient tout juste de remonter aux niveaux antérieurs et elle a dépassé le pic de janvier 2018. Voilà qui est digne de mention.

Au Canada, la confiance a aussi emboîté le pas. Ici, la confiance des consommateurs et des entreprises reste bien orientée. L’indice de confiance pour le Canada établi par la firme Bloomberg Nanos recule sans doute chaque semaine, mais il se trouve à un niveau observé la dernière fois au début de 2014. Et le tableau est le même du côté de l’indice du Baromètre des affaires de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (la FCEI). Que faut-il en conclure? Que même si notre économie tributaire du commerce doit composer avec des perturbations touchant les chaînes d’approvisionnement mondiales, des coûts d’expédition qui s’envolent, des préoccupations de nature géopolitique et l’incertitude entourant l’avenir du commerce extérieur, notre moral reste au beau fixe. Voilà une réaction qui n’est pas typiquement canadienne!

Alors, avons-nous perdu la raison ou bien avons-nous d’excellentes raisons d’être optimistes? Les consommateurs ont, en effet, plusieurs motifs de se réjouir. Le premier : la demande repose sur de solides fondamentaux; le deuxième : l’épargne est abondante, la pandémie ayant limité les options d’achat. Troisième motif : l’économie profite toujours des fonds injectés dans le cadre des programmes de relance publics, sous la forme de mesures budgétaires et monétaires. Enfin, quatrième raison : il y a fort à parier que les gestionnaires de portefeuille soient enchantés par la performance récente des marchés boursiers. Les mêmes facteurs jouent sur la confiance commerciale, sans compter que les entreprises doivent s’adapter à ces perturbations; de manière générale, les vagues subséquentes ont une incidence moins vive sur la performance générale.


Nous pourrions ici commettre une grave erreur. Rassurés par l’état de la confiance, nous pourrions nous occuper d’autres choses. Or, la stabilité économique et politique actuelle est fragile; nous savons que le vent d’optimisme peut tourner à tout moment. Il est donc capital de veiller à ce que l’économie garde le cap. À cette étape-ci, des bouleversements majeurs pourraient miner les immenses efforts déployés à ce jour et l’incroyable travail de coordination mené pour arriver jusqu’ici. Il sera primordial de revenir à un rythme de croissance plus habituel, qui est porté par l’activité du secteur privé. Cette transition ne se fera pas d’elle-même : il faudra beaucoup d’efforts pour l’orchestrer avec brio.

Conclusion?

Nous avons de nombreuses raisons d’être gagnés par la morosité; pourtant, dans l’ensemble, l'optimisme règne. Alors que le secteur privé prend graduellement le relais comme moteur de l’activité, il sera vital d’assurer une transition en douceur pour maintenir la confiance jusqu’à la fin de cette crise planétaire. 

 

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