Après deux ans de pandémie et de restrictions de la santé publique, nous avions tous l’espoir que 2022 nous ramènerait rapidement là où nous étions avant le début de la crise de la COVID-19. À la mi-année, alors qu’un repli de la croissance et de multiples défis se profilent à l’horizon, un parcours difficile se dessine pour l’économie mondiale. 

L’optimisme envers l’économie a été, en partie, alimenté par les mesures historiques de relance des gouvernements et des banques centrales, l’objectif étant d’aider les économies à continuer de tourner et gérer les confinements. Ces mesures ont fait évoluer les habitudes de consommation. Elles ont aussi permis aux consommateurs d’augmenter considérablement leur épargne et leurs réserves financières – l’accès aux voyages, aux restos et à d’autres services étant très limité. Aux premiers signes de réouverture des économies, on espérait un retour en force des consommateurs désormais mieux nantis et capables de répondre à une demande longtemps comprimée. 

La plupart des pays rouvrent leur économie et adoptent des politiques de soutien pour se remettre des effets la pandémie. De son côté, la Chine maintient une politique stricte : celle du zéro COVID. En Chine, toute flambée du virus entraîne un confinement général des zones touchées. Au deuxième trimestre de 2022, l’application des politiques de ce genre a entraîné l’exclusion de Shanghaï et d’autres centres chinois d’une importance vitale pour les chaînes d’approvisionnement mondiales. Résultat : des entreprises ont été dans l’impossibilité de répondre à une poussée de la demande puisque des intrants et des pièces essentiels sont restés bloqués là-bas, pendant des semaines, ce qui a amplifié les tensions existantes sur les cours.


La Chine a volontairement isolé certains pans de son économie du reste du monde. Par ailleurs, à la fin de février, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a mené à l’adoption coordonnée de multiples sanctions qui ont déstabilisé les marchés mondiaux des produits de base. La Russie et l’Ukraine représentant près de 30 % des exportations mondiales de blé et d’autres matières premières de première nécessité, on a assisté à une hausse du cours des denrées alimentaires en début d’année. 

Cette envolée des cours a incité plusieurs pays, comme l’Inde et l’Indonésie, à interdire l’exportation de certains produits alimentaires pour protéger les stocks nationaux, une décision qui n’a fait qu'aggraver les pénuries. À cela s’ajoutent la réduction des surfaces cultivées et la hausse du coût des intrants, qui devraient maintenir les cours élevés pendant un bon moment… 

L’incertitude entourant la contribution des exportations russes aux exportations mondiales de pétrole et de gaz a fait grimper les cours mondiaux de l’énergie. Les Services économiques d’EDC prévoient que le cours du pétrole West Texas Intermediate (WTI) va s’établir en moyenne à 102 dollars américains le baril en 2022, avant de redescendre à 94 dollars en 2023. En Amérique du Nord et dans le reste du monde, les cours du gaz naturel devraient rester robustes, l’Europe tentant de s’éloigner du gaz naturel russe et de se diversifier dans un contexte où des acteurs économiques se font concurrence pour obtenir des stocks de gaz naturel liquéfié et cherchent à maintenir les cours élevés.

Il est clair que l’appréciation du cours des matières premières et du billet vert pèsera sur la croissance des marchés émergents. Dans l’édition estivale des Perspectives économiques mondiales d’EDC, les Services économiques prévoient que ces marchés inscriront une croissance de 3,2 % en 2022 et de 4,3 % en 2023. Dans le même temps, il est probable que les tensions sur le cours des denrées alimentaires et des carburants augmentent les risques d’instabilité politique dans plusieurs pays.

Ces défis rendent la situation plus complexe au moment où les banques centrales s’efforcent de maîtriser l’inflation, et ce, sans mettre fin à une reprise économique de plus en plus fragile ou déstabiliser le prix des actifs. 

Selon nous, les principales banques centrales continueront – avec vigueur – de relever les taux d’intérêt d’ici la fin de 2022. Il est même possible que la Banque du Canada et la Réserve fédérale américaine haussent brièvement leur taux au-dessus des niveaux fixés pour préserver la crédibilité de leur politique et s’attaquer à une inflation galopante. De plus, le recours à des cycles dynamiques de resserrement quantitatif viendra diminuer les liquidités dans le système – et par le fait même resserrer encore plus les conditions de financement –, ce qui entraînera une révision du prix des actifs à risque.

Le resserrement des conditions financières s’accompagnera d’un recul de la croissance. Aux États-Unis, cette croissance devrait se fixer à 2,7 % en 2022, puis glisser à 2,2 % en 2023. Plus directement touchée par le conflit entre la Russie et l’Ukraine, la zone euro devrait dégager une croissance de tout juste 2,2 % cette année et de 2 % en 2023. Cette croissance moins tonique serait attribuable aux problèmes de la chaîne d’approvisionnement sur le continent et aux efforts pour importer de l’énergie ailleurs qu’en Russie. Enfin, la tenue de l’économie canadienne sera respectable au cours des deux prochaines années : la croissance sera de 3,7 % en 2022, puis de 2,2 % en 2023. 

Conclusion?

Les incidences de la guerre, la stratégie zéro COVID de la Chine, les perturbations persistantes touchant les chaînes d’approvisionnement et un possible regain de l’instabilité politique compliquent le retrait des aides publiques; en effet, ce retrait pourrait engendrer une récession ou des turbulences sur les marchés des capitaux. 

D’après nous, l’activité restera dynamique grâce aux niveaux élevés d’épargne des consommateurs, surtout en Amérique du Nord. Même si les banques centrales s’attaquent avec force aux problèmes de l’heure, les taux d’intérêt restent faibles par rapport à d’autres épisodes passés; d’ailleurs, l’effet du relèvement des taux prendra du temps à se manifester. 

Selon nous, l’économie mondiale enregistrera une croissance de 2,7 % en 2022, puis de 3,3% l’an prochain. Cela dit, la probabilité que se réalise notre scénario de détérioration de la conjoncture – lequel comprend le risque d’une récession – ne cesse de grandir et a atteint un sommet depuis mars 2020. Alors, accrochez-vous : le parcours sera difficile.

Tous nos remerciements à Ross Prusakowski, directeur du Centre d’information économique et politique d’EDC, pour sa contribution à la présente édition. 

Les Services économiques d’EDC vous invitent à leur faire part de vos commentaires. Si vous avez des idées de sujets à nous proposer, n’hésitez pas à nous les communiquer (Economics@edc.ca) et nous ferons de notre mieux pour les traiter dans une édition future du Propos.

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