La Chine semble monopoliser les manchettes plus que jamais : doutes entourant sa croissance, préoccupations au sujet du secteur financier, bulles dans certains secteurs de l’économie et craintes en ce qui a trait aux répercussions des droits de douane, entre autres enjeux. Comment faire la somme de tout cela? Et où la Chine va-t-elle réellement?

En ce qui a trait aux perspectives chinoises, le nerf de la guerre, c’est la gestion des attentes. La poussée inégalée de la Chine pour établir son PIB au deuxième rang mondial a convaincu le monde qu’il peut compter sur cette croissance dans un avenir prévisible, sentiment qui trouve aussi écho au sein même de la population chinoise. Une croissance rapide et énergique qui s’étend sur près de quarante ans paraît permanente, et tout ce qui peut menacer cette impression suscite une réaction immédiate, voire viscérale. 

Doses massives de mesures de relance

C’est l’une des raisons qui expliquent l’injection massive de fonds publics dans l’économie nationale depuis 2008. À l’époque, l’intensité des échanges en Chine – exportations plus importations en tant que part du PIB – correspondait à près de 70 % du PIB. À peine deux ans et demi plus tard, elle était tombée à moins de 50 %, ce qui, sans intervention, aurait plongé le pays dans une récession abyssale, la première depuis l’amorce de la progression enflammée de l’économie du pays au début des années 1980. Mais pourquoi donc les données globales laissaient-elles croire à une croissance du PIB si stable? Il serait facile de dire que les données étaient purement et simplement fausses, mais désolé, on ne cache pas des activités d’une telle intensité dans sa petite poche arrière. En fait, la stabilité dont ont fait état les données a été le fruit de doses massives de mesures de relance, qui correspondaient à l’époque à près de 13 % du PIB chinois et ainsi dépassaient considérablement la moyenne des programmes de relance de l’OCDE. Il faut toutefois souligner que le ratio d’échanges ne s’est pas amélioré depuis la crise. En fait, il s’est aggravé, s’établissant à 40 %.

On peut donc en déduire que l’économie vit aux crochets de l’État depuis près de 10 ans. C’est toute une ponction d’amorçage sur les ressources d’un État qui compte 1,3 milliard d’individus. Le retour de la croissance sur les marchés américain et européen a obligé la Chine à gérer sa croissance ces derniers mois, c’est-à-dire remplacer graduellement les mesures de relance par une croissance interne pour qu’elle puisse réduire son apport. On peut voir dans cet état de choses la cause de l’instabilité de la performance récente des marchés.

Les consommateurs à la rescousse?

Le commerce est-il la seule solution? Pas du tout – on a fait du consommateur la panacée pour une croissance durable qui se libère de sa dépendance au commerce. Le potentiel est là : le taux d’épargne en Chine est stratosphérique, il est réputé avoisiner les 40 %. C’est 10 fois plus qu’au Canada dans une bonne année. Un tel niveau d’épargne nuit à l’économie et s’il s’abaissait, ne serait-ce que de 2 %, l’économie profiterait d’un très fort regain de croissance. Le problème, c’est que la part du consommateur ne correspond qu’à environ 40 % de l’économie globale, et elle fait du surplace ces dernières années malgré tous les efforts du gouvernement central.

Si on en revient donc au commerce, du moins pour l’instant, les tiraillements douaniers avec les États-Unis ne font rien pour arranger la situation. Les droits de 10 % imposés sur 10 % des exportations chinoises vers les États-Unis le sont désormais sur la moitié et ils augmenteront à 25 % d’ici le début de l’année prochaine. Ça arrive à un très mauvais moment. Ce sera dur pour l’Américain moyen et encore pire pour la Chine.

Les droits de douane : une résolution rapide?

En conséquence, on verra se déployer rapidement des efforts considérables des deux côtés pour résoudre la situation. La Chine se tourne déjà vers les membres du PTPGP, signe qu’elle est prête à au moins aborder les questions litigieuses comme la protection de la PI, les barrières non tarifaires, le commerce des services, la gestion des devises et la protection du secteur agricole. Ces aspects étant parmi les pierres d’achoppement des relations commerciales sino-américaines, la Chine exprime donc sa volonté de négocier. Il est difficile de prévoir ce qui s’en vient, mais les deux parties ont beaucoup à gagner en évitant une crise douanière.

À l’issue du conflit, la mondialisation pourrait s’en trouver renforcée et non démolie. Étant donné l’importance des enjeux, le monde commencera en retenant sa respiration.

Conclusion?

À bien des égards, la Chine semble se trouver à la croisée des chemins relativement à la croissance. Parce qu’elle doit maintenir un équilibre entre sa stabilité interne et sa dépendance à l’offre et à la demande externes, les risques sont considérables et il est extrêmement important qu’elle puise traverser cette période houleuse sans trop de heurts. Bref, la réussite à long terme passe inévitablement par une bonne gestion à court terme.

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