L’invasion de l’Ukraine par la Russie menace la sécurité énergétique mondiale. Cette invasion a déclenché des événements qui soulèvent plusieurs questions à propos des canaux d’approvisionnement actuels. Et ces questions se font de plus en plus pressantes, vu la dépendance de l’Europe envers les importations d’énergie russes et le risque grandissant qu’un rationnement du gaz naturel dès l’hiver prochain fasse tomber le continent en récession.

Le soi-disant Plan Marshall pour la sécurité énergétique de l’Europe ouvre des débouchés, d’Oslo à Téhéran. Le Canada, qui compte parmi les pays les plus riches en ressources naturelles, a-t-il un rôle à jouer pour aider l’Europe à renoncer aux carburants fossiles provenant de Russie?

L’Union européenne importe de la Russie 40 % de son gaz naturel et plus du quart de son pétrole brut. Les Pays-Bas, l’Allemagne et la Pologne sont les plus grands importateurs de pétrole brut russe. Quant à l’Allemagne, la Turquie, l’Italie et la France, elles sont les premières clientes du gaz naturel russe. Préoccupés par une possible limitation de l’offre russe et la flambée des cours de l’énergie, les entreprises et les ménages d’Europe diminuent déjà leur consommation énergétique. La mise en place de plans pour rationner les carburants a été un facteur déterminant dans la décision des Services économiques d’EDC d’abaisser les perspectives de croissance de la zone euro dans leur édition estivale des Perspectives économiques mondiales.  

Fort de son statut de quatrième producteur de pétrole et de cinquième producteur de gaz naturel, le Canada a promis en mars d’accroître ses exportations de pétrole et de gaz naturel jusqu’à 200 000 barils par jour et 16 000 mètres cubes par jour, respectivement. Cette contribution n’effacerait qu’une partie du déficit actuel, étant donné que l’Europe importe de la Russie 2,2 millions de barils par jour de pétrole et 420 millions de mètres cubes par jour de gaz naturel. 

À court terme, la capacité du Canada à combler ce manque à gagner est limitée, et ce, pour une raison bien simple : les producteurs canadiens tournent déjà à plein régime. Des années de travail et plusieurs milliards en investissements seraient nécessaires pour hausser notre production, à l’heure où de nombreuses entreprises sont invitées à faire preuve de discipline dans l’utilisation de leur capital et à réduire les émissions de CO2. La volatilité du prix des actifs, alors que les banques centrales s’emploient à éponger les liquidités excédentaires, ne fait qu'accentuer l’incertitude. 

Même si nous pouvions augmenter la production, notre capacité à exporter cette énergie supplémentaire serait réduite par notre infrastructure d’exportation. De fait, les infrastructures actuelles d’exportation de l’énergie du Canada sont presque entièrement tournées vers les États-Unis en raison de l’emplacement des bassins d’approvisionnement et des centres de la demande, de l’intégration de nos réseaux de transport et des accords commerciaux conclus entre nos deux pays.  


En l’absence d’un pipeline transcanadien, le pétrole de l’Ouest du Canada serait transporté vers l’Europe par plusieurs pipelines ou par rail, avant de traverser l’Atlantique par navires-citernes. Par ailleurs, pour exporter notre gaz naturel en Europe, il faudrait le transporter en passant par les États-Unis – ce qui serait un processus coûteux –, ou encore le vendre sur le marché américain à un cours moins élevé afin de permettre l’exportation de stocks américains supplémentaires vers le vieux continent. 

À moyen terme, le Canada serait sans doute en mesure d’exporter plus de pétrole de Terre-Neuve-et-Labrador vers l’Europe, tout en respectant ses engagements climatiques. Trois projets pétroliers sur la côte Est devraient, à terme, ajouter 292 000 barils par jour d’ici 2028. Les projets en mer offrent un cours plus avantageux que celui du Western Canadian Select, et procurent un cours seuil de rentabilité plus faible. Un autre élément serait à considérer: la production pétrolière à Terre-Neuve-et-Labrador génère, en moyenne, moins d’émissions par rapport à d’autres projets d’exploitation en mer à l’étranger. 

Approvisionner l’Europe en gaz naturel exigerait d’investir dans des installations de GNL sur la côte Est afin de liquéfier le gaz naturel et le transporter par navire. Cette opération nécessiterait du temps et de l’argent, ainsi que la promesse de la signature de contrats d’achat à long terme. De plus, il faudrait sans doute construire de nouveaux terminaux pour stocker l’hydrogène vert, et tracer ainsi la voie vers un avenir où il sera possible d’exporter l’hydrogène vert sous la forme d’ammoniaque. 

Conclusion?

À court terme, la capacité du Canada à bonifier son offre de pétrole et de gaz naturel à l’Europe sera limitée par nos infrastructures d’exportation et nos capacités de production. Toutefois, à moyen terme, le Canada pourrait accroître son approvisionnement, à condition de faire les investissements qui s’imposent. Même dans ce cas, l’offre canadienne ne rivaliserait probablement pas avec celle d’autres producteurs disposant d’abondantes capacités, comme l’OPEP+ et les États-Unis.  

Nos plus sincères remerciements à Zhenzhen Ye, analyste des risques politiques du Centre d’information économique et politique d’EDC, pour sa contribution à la présente édition.

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