Au Mexique, la donne politique a changé du tout au tout. Frustrés par des années d’inaction en matière de corruption, les électeurs ont sorti du pouvoir le PRI et rejeté le PAN, un autre parti établi. Le 1er juillet dernier, les électeurs ont choisi massivement le populiste Andrés Manuel López Obrador, souvent désigné par ses initiales, AMLO. Son équipe a pris les rênes du pays le 1er décembre, soit depuis un moment déjà, mais on ne sait toujours pas ce que fera ce nouveau gouvernement. De passage au Mexique la semaine dernière, j’ai fait quelques découvertes surprenantes.

L’incertitude règne dans le monde des affaires. La confiance est faible depuis l’assermentation, symptôme du malaise dans le monde commercial. La cause est à chercher principalement dans les déclarations qu’a faites AMLO au fil d’une campagne qui s’est étirée sur 15 ans. L’homme qui s’en est souvent pris à la corruption et à la concentration de la richesse est favorable à une plus vaste répartition des revenus. Bien qu’il ait fait naître des attentes élevées chez ses nombreux partisans, qui voudront des résultats concrets, maintenant qu’il a accédé au pouvoir, on ne sait pas comment il fera pour tenir ses promesses. Incertains de leurs pronostics, les chefs d’entreprise à qui j’ai parlé ont en général décidé de différer leurs investissements importants, le temps de voir ce que fera le gouvernement.

L’annulation d’un projet important est déconcertante

Parmi les mesures stratégiques les plus claires à ce jour, on trouve l’annulation du projet du nouvel aéroport de Mexico, dont le tiers avait déjà été complété. Il s’agissait d’un projet immense et nécessaire : ne suffisant pas à la demande actuelle, l’aéroport existant pourra encore moins gérer le volume futur. Cependant, le nouveau gouvernement y voyait un symbole de la corruption et est intervenu. Les raisons données pour l’annulation ne sont pas claires, et bien qu’il y ait un projet de rechange, ses bienfaits manquent de clarté. Les titulaires étrangers des obligations liées au projet aéroportuaire sont restés dans le flou jusqu’à ce qu’un plan soit établi pour les indemniser. De toute évidence, le gouvernement Obrador a démontré qu’il est prêt à apporter des changements aux accords commerciaux en vigueur, ce qui amène des investisseurs importants à temporiser.

Mise en attente du secteur de l’énergie

Le secteur de l’énergie est lui aussi à cran. En effet, l’ancien gouvernement Peña Nieto attachait beaucoup d’importance à la déréglementation de ce secteur, qui a permis à des acteurs étrangers de combler des besoins criants de capitaux dans des domaines auparavant réservés aux entreprises mexicaines. En annulant les appels d’offres, le gouvernement a signifié clairement sa volonté de revoir cette politique. Il apparaît qu’une bonne partie des investisseurs étrangers attendent que le brouillard se dissipe.

Optimisme du secteur automobile?

Le secteur automobile canadien a pâti des négociations de l’ACEUM, des décisions d’investissement des grands équipementiers, de la conjoncture du marché et, plus récemment, du changement de garde au Mexique. Si l’on semble croire pour l’heure que le gouvernement d’AMLO maintiendra les enveloppes déjà consenties, un avenir un peu moins clément se dessine. L’annonce de la dissolution de ProMéxico, l’organisme chargé d’attirer des investissements au Mexique, faite en même temps que celle de la fin de l’aide financière aux constructeurs d’automobiles étrangers, donne à penser que les investissements sont bienvenus, mais n’auront pas droit à un traitement aussi privilégié que par le passé. Comme ces ressources ont grandement contribué aux résultats globaux du Mexique au cours des dernières années, voilà des annonces qui, coordonnées avec la fin du cycle automobile nord-américain, n’augurent sans doute rien de bon pour les grands projets d’accès aux marchés ou d’expansion dans ce secteur.

Le ressac populiste propre au Mexique a le même effet qu’ailleurs sur la planète : en cette phase du cycle économique où il faudrait que la cadence des investissements des entreprises augmente – pour réduire les limites de capacité et profiter de la grande demande comprimée – les nouvelles politiques, avérées ou non, font hésiter le milieu des affaires. Les entreprises mexicaines, comme celles du reste du monde, sont très occupées par leur carnet de commandes actuel, et nous nous attendons à ce que cette tendance se maintienne. Cela dit, elles reportent manifestement leurs engagements à long terme, attendant que les règles se clarifient.

Outre l’annonce des politiques, il y a leur exécution. Le plafonnement du salaire des fonctionnaires compromet la conservation des talents, et certains craignent qu’il grippe la machine nécessaire à la mise en œuvre des changements.

Conclusion?

De prime abord, cette liste de changements politiques projetés ou implantés au Mexique est inquiétante. Il convient toutefois de noter que le nouveau gouvernement en est à ses débuts et avance d’un pas somme toute prudent. Certains signes montrent que les grands enjeux commerciaux sont traités avec mesure, et tout semble indiquer une volonté d’éviter une réaction négative marquée des marchés des capitaux. Pour l’instant, malgré l’incertitude, on observe un optimisme prudent quant aux résultats finaux. Contrairement à d’autres économies de l’Amérique latine auxquelles on l’a comparé, le Mexique n’est pas un endroit où des liquidités abondantes pourraient financer un changement radical de régime.

 

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