Ce n’est pas de la fiction. La  croissance mondiale se ralentit – et rapidement. Et on parie de plus en plus sur une récession mondiale. Il n’y a pas que les indicateurs qui se détériorent; l’activité mesurée diminue elle aussi à une vitesse alarmante. Le ralentissement, semblable à une tempête sur le point de frapper, est-il inévitable? Alors, essayer de tenir bon et attendre que l’orage passe en espérant s’en tirer sans trop de dommages, est-ce vraiment le mieux que l’on puisse faire?

Les indicateurs avancés le montraient depuis un certain temps. Les directeurs d’achats nous ont mis la puce à l’oreille il y a plus de six mois. La volatilité des marchés boursiers en révélait aussi des indices évidents. Pour beaucoup, les taux d’intérêt négatifs, l’assouplissement monétaire et la possible inversion de la courbe des rendements sont des signes pour le moins manifestes d’une contraction imminente de l’activité économique. D’ailleurs, il suffit de jeter un coup d’œil à la production industrielle et aux exportations mondiales pour s’en persuader : les belles années sont révolues. Nous voilà maintenant dans une situation déplorable, sans moyen apparent de nous en sortir.

Est-ce à dire que le tableau est sombre sur toute la ligne? Regardons de plus près les données récentes du produit intérieur brut (PIB) pour le savoir. C’est là une certitude : quelque chose cloche du côté du commerce international; le secteur des exportations semble partout tourner au ralenti. Il en va de même des investissements fixes – du jour au lendemain, les entreprises revoient leurs projets dans ce domaine. Résultat : les investissements dans l’équipement et, surtout, les bâtiments et les installations fixes en prennent un coup. Du côté des consommateurs, c’est une autre paire de manches : les taux de chômage n’ont pratiquement jamais été aussi bas, la main-d’œuvre qualifiée se fait très rare, la création d’emplois se poursuit, les revenus augmentent et les dépenses de consommation – qui forment l’essentiel des dépenses dans la plupart des économies – se portent vraiment bien.

Et ce n’est tout simplement pas normal. D’ordinaire, quand l’économie est exposée au risque d’une récession, elle l’est sur tous les fronts : les consommateurs se rendent compte qu’ils ont basculé dans la démesure, les entreprises constatent qu’elles ont trop produit pour répondre à la demande, le commerce international est un contributeur de premier dans les excès à l’heure de la mondialisation, puis tout implose. En gros, c’est ce qui s’est passé lors de la crise de 2008-2009. Comment alors expliquer les divergences dans la performance actuelle?

C’est une longue histoire, mais voici ce qui s’est produit : la croissance insuffisante après la récession a laissé sur la touche des millions de travailleurs pendant de nombreuses années. Leur insatisfaction a déclenché une vague de populisme, qui s’est exprimée par l’élection de dirigeants se déclarant capables de régler le problème. Les politiques, particulièrement dans le secteur du commerce, perturbent maintenant l’ordre établi, ébranlent les échanges commerciaux et amènent les entreprises à battre en retraite. Les impasses majeures – notamment la brouille commerciale entre les États-Unis et la Chine ainsi que le dossier du Brexit entre le Royaume-Uni et l’Union européenne –, tout comme les affrontements moins connus sont au cœur d’une partie aux enjeux de taille où les participants jouent le tout pour le tout. Il semble que les dés soient maintenant jetés, et il ne reste plus qu’à attendre le verdict final.

Qu’est-ce qui est en jeu? L’issue déterminera si nous traverserons une récession ou bien si la croissance reprendra. Les fondamentaux économiques nous permettent de croire qu’il y a peu de raisons justifiant un ralentissement; les déséquilibres présents en 2008 ne sont tout simplement pas là aujourd’hui. Cette fois-ci, c’est une question de choix de politique, et comme on peut supposer que personne ne souhaite être désigné le responsable de la récession, nous croyons qu’une résolution est en voie d’être achevée.

Dans les Perspectives économiques mondiales de l’automne 2019, les Services économiques d’EDC reconnaissent le ralentissement actuel, mais tablent sur une reprise de l’activité en 2020, puis une accélération jusqu’en 2021. Le taux de croissance mondiale est descendu à 3 % cette année, mais il se fixera à 3,6 % en 2020 et à 4,2 % en 2021. La même tendance se manifeste clairement dans les pays développés, où le taux de croissance moyenne s’élèvera à 2,5 % en 2021, ainsi que sur les marchés émergents, où il fera plus que doubler pour s’envoler à 5,2 %. Cette tendance s’observera aussi du côté du cours des produits de base, où les gains seront cependant modestes.

Contrairement à ceux des autres pays de l’OCDE, les fondamentaux économiques du Canada sont faibles. Toutefois, la reprise économique mondiale sauvera la mise pour nous aussi. La stabilité  et la légère appréciation du dollar canadien contribueront à soutenir davantage la croissance des exportations, qui, si elles se chiffrent à 5,7 %, compenseront la faiblesse des dépenses de consommation et généreront une croissance globale de 2,1 % d’ici 2021.

Conclusion?

Il est rare que les enjeux soient aussi considérables. En toute logique, il est dans l’intérêt de tous de résoudre les impasses majeures sur la scène du commerce. La situation est maintenant entre les mains d’une poignée d’acteurs. Quant aux États-Unis, la décision d’une personne en particulier pourrait changer la donne – et c’est probablement ce qui se passera.

 

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