Il y a un sursaut de la croissance. Vraiment? Plusieurs affirment le contraire. Des analystes débutants comme chevronnés sont d’avis que l’économie mondiale ralentit plutôt la cadence. Et les chiffres semblent leur donner raison : la confiance perd des plumes, le PIB se replie et certains indicateurs avancés sont peu rassurants. Alors, l’amélioration se limite-t-elle au Canada ou bien est-elle simplement une illusion?

Lorsqu’on jette un coup d’œil à notre économie, il est facile de trouver des éléments de faiblesse. Le marché du logement tourne à plein régime depuis des années, et son activité commence à glisser dans certains grands centres. Les perspectives à long terme ne sont pas réjouissantes étant donné le manque de solidité des fondamentaux démographiques. Comme le marché du logement rend habituellement compte de l’activité dans le reste de l’économie, ce baromètre n’a rien pour nous réconforter. Est-ce à dire que les pessimistes ont raison?

Peut-être. Au Canada, l’activité du logement est étroitement liée à la consommation – une force qui globalement contribue à environ 60 % du dynamisme économique. En faisant abstraction des décisions d’achat de propriété, cette armée d’acteurs économiques est dans une large mesure à court de moyens en raison d’un fort niveau d’endettement. En effet, l'endettement du Canadien moyen représente 176 % de son revenu, soit un taux semblable au taux enregistré aux États-Unis juste avant la grande récession. Et puis il faut tenir compte du contexte actuel : les taux d’intérêt s’orientent à la hausse, ce qui rend le refinancement de l’hypothèque immobilière un risque majeur pour le revenu mensuel. Le tableau s’assombrit encore plus en tenant compte du vieillissement de la population – et la transformation des goûts et des préférences qui en découle. Selon toute vraisemblance, il n’y aura pas d’amélioration à ce chapitre avant longtemps. 

Ce portrait sombre ne stimulera sans doute pas l’investissement des entreprises – un autre contributeur de taille à notre PIB. Les entreprises tournées vers le marché canadien ont prospéré durant la période ayant suivi la récession. Toutefois, elles commencent à s’inquiéter de la détérioration de la conjoncture au pays. Ce genre d’incertitude produit de l’hésitation – et cette temporisation pénalise l’activité.

Des secteurs industriels de premier plan ressentent aussi la morosité. L’imposant secteur pétrolier et gazier du Canada pâtit en raison des cours en berne de l’or noir, et des cours encore plus faibles au pays. Une offre mondiale abondante et des capacités d’exportation serrées ont infligé une décote au marché intérieur; celle-ci gruge les marges et plombe l’investissement sectoriel. Vu l’importance que revêt ce secteur pour les exportations canadiennes, un autre contributeur au PIB semble être en mauvaise posture. Alors, d’où vient l’élan imprimé à la croissance?

Croyez-le ou non, il faut le chercher du côté des autres filières du secteur de l’exportation. Depuis 18 ans, une lente transformation s’opère dans l’univers du commerce extérieur. Ce n’est plus un secret : les biens canadiens sont expédiés en grand nombre vers les marchés émergents en plein essor. Depuis l’an 2000, leur contribution au commerce de marchandises est passée de 5 à 13 %. Ce qui est moins connu, c’est la capacité du différentiel de croissance de changer le potentiel économique global. 

À l’évidence, nos partenaires commerciaux traditionnels doivent composer avec les mêmes entraves à leur croissance future. Malgré leur statut de grands acteurs commerciaux, des pays, y compris les États-Unis, perdent des places au classement des destinations de nos exportations, et ce, à un rythme de plus en plus rapide. Les marchés émergents incontournables comme la Chine et l’Inde – et les marchés avoisinants à leur remorque – peuvent encore accueillir une vive croissance. Résultat : ils occupent une place grandissante dans l’univers commercial du Canada. 

S’agit-il d’un fait anodin ou bien cette situation est-elle révélatrice de quelque chose de plus significatif? Si les tendances actuelles se maintiennent, quelles incidences auraient-elles sur la croissance à long terme du Canada? En faisant une analyse prospective, on constate que les effets en seraient tout à fait impressionnants. À mesure que des secteurs en essor occupent une part grandissante du total de nos exportations, ils viennent infléchir la trajectoire générale de la croissance. En fait, il n’est pas irréaliste de penser que la croissance du PBI pourrait gagner, de façon plus ou moins permanente, jusqu’à un point de pourcentage – surtout sous l’impulsion de la transformation du commerce. Cela semble peu, mais dans l’optique d’une croissance potentielle à long terme, c’est une avancée considérable ayant des retombées substantielles sur la prospérité future du Canada. Pour en faire une réalité, il sera primordial de reconnaître ce qui nous attend et de mettre en place les éléments – l’investissement privé, les infrastructures et la main-d’œuvre – soutenant cette croissance.

Conclusion?

Il y a de la morosité dans bon nombre de signaux économiques. Face aux turbulences mondiales dans la sphère des politiques qui font régulièrement les grands titres, on serait tenté d’attendre des cieux plus cléments. Or, cette vue à court terme présente un risque : nous faire oublier la solidité de la croissance sous-jacente. Cette réticence pourrait nous empêcher de tirer parti d’une dynamique déjà à l’œuvre.

 

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