Quand les profits reviennent à la communauté, les retombées d’une entreprise d’exportation florissante ne se limitent pas aux résultats nets.

En 2020, six semaines après le début du premier confinement en vue de freiner la COVID-19, des centaines de milliers de télétravailleurs, chacun installé dans son bureau improvisé à la maison, ont fait la même constatation : si la situation doit durer plus de quelques mois, des rénovations vont s’imposer.

Tout à coup, les ouvriers étaient débordés et tout, des cloisons sèches aux clous, était en rupture de stock, en plus du coût du bois d’œuvre qui s’est mis à grimper en flèche. Le prix des matériaux de construction a doublé, voire triplé, en raison de la rareté qu’avait provoquée la fermeture des ports, des frontières et des usines.

Mais est-ce que cette situation suffit à expliquer la flambée des prix? Le Canada n’avait quand même pas épuisé sa réserve d’arbres du jour au lendemain. Que s’est-il donc passé?

Presque trois ans plus tard, assis dans son bureau du conseil tribal de Meadow Lake (MLTC [en anglais seulement]), à 600 kilomètres de Régina, dans l’arrière-pays de la Saskatchewan, Al Balisky ricane. 

Une palette de bois de Norsask Forest Products est posée sur un tapis roulant, avec un ouvrier en arrière-plan.

En tant que président et directeur général de Meadow Lake Tribal Council Industrial Investments (MLTCII) (en anglais seulement), une société de développement économique qui a pour but de créer de la richesse et des débouchés pour ses neuf Premières Nations membres, il a une façon de voir les choses qui lui est propre.

« Qu’est-il arrivé avec le prix des 2x4? C’est une très bonne question. La réponse est compliquée, mais pour résumer, disons que les émotions y sont pour beaucoup. La pandémie a créé un effet d’élastique entre la demande et l’offre. Les gens, de peur que les produits de base viennent à manquer, se sont mis à acheter sous l’effet de la panique », répond M. Balisky.

À titre d’exemple, en seulement un an, ce déséquilibre entre l’offre et la demande a presque fait tripler le prix du bois d’œuvre nord-américain. En 2019, le prix moyen pour 1 000 pieds-planche était de 499 $, alors qu’en septembre 2020, il avait explosé pour atteindre 1 288 $. 

Un château d'eau blanc qui dit "Meadow Lake" avec la ville en arrière-plan lorsque le soleil se lève.

On pourrait croire que cette augmentation a fait le bonheur des producteurs de bois d’œuvre, comme MLTC. Mais d’autres problèmes découlant de la pandémie ont empêché les scieries de tirer profit de cette hausse. Au début de la crise sanitaire, la scierie a décidé de ralentir ses activités et, comme bien d’autres, elle a dû réduire les heures de travail de ses 120 employés, dont 65 % sont des Autochtones. La production de bois œuvré de source canadienne a donc diminué – un facteur important dans la flambée des prix en Amérique du Nord. Parallèlement, les faibles taux d’intérêt facilitaient l’obtention d’un prêt pour des rénovations. Et le cycle se perpétuait.

En 2022, la réalité est tout autre. 

« Nous sommes entrés dans une période d’inflation. Les taux d’intérêt augmentent et le marché immobilier ralentit, souligne M. Balisky. On passe notre temps à regarder dans notre boule de cristal, mais les choses ne se passent jamais comme prévu. »

Trois travailleurs forestiers autochtones portant des casques oranges regardent une tablette placée sur le capot d'un camion blanc.

Et pourtant, MLTCII a su prospérer malgré les hauts et les bas. L’une des clés de cette réussite se trouve dans sa solide stratégie d’exportation qui visait à diversifier sa clientèle. Ces sept dernières années, la société a augmenté de 25 % sa production et en mars 2021, ses échanges commerciaux sur le marché intérieur et celui des États-Unis se chiffraient à 118 millions de dollars. Chaque vente que fait MLTCII génère des retombées économiques tangibles pour ses Premières Nations membres.

Donner un sens au commerce

Selon Sacha Munro, chef des finances à MLTCII, la prospérité de l’entreprise s’appuie en grande partie sur l’accès aux ressources, une bonne gestion et le soutien financier de la Banque des Premières Nations du Canada (en anglais seulement), d’Exportation et développement Canada (EDC) et de la Banque de développement du Canada (BDC). 

« Grâce à EDC, nous pouvons poursuivre nos activités même quand les temps sont durs et que nous avons besoin d’un prêt et de liquidités. Quand les marchés ne sont pas en notre faveur et que nous ne sommes plus aussi rentables, nous pouvons tout de même poursuivre nos activités et maintenir les emplois. Et quand les choses vont bien, nous redistribuons les profits à nos actionnaires », explique-t-elle.

Un homme vêtu d'une chemise à carreaux bleue et d'un masque se tient sur le banc d'un aréna et regarde de jeunes joueurs de hockey sur la glace.

Ces actionnaires, ce sont les neuf Premières Nations du nord-ouest de la Saskatchewan qui représentent les intérêts de leurs 15 000 membres. La prospérité économique et la croissance du conseil tribal de Meadow Lake sont directement liées à la santé et au bien-être de ses membres, qui ont transformé ces profits en toutes sortes de choses : programmes de micrologements, programmes pour les jeunes, usine de traitement des eaux et immeubles communautaires.

La participation aux bénéfices peut nous sembler inhabituelle, mais elle est caractéristique des quelque 500 sociétés de développement économique autochtones du Canada, fait valoir Todd Evans, responsable national des entreprises exportatrices dirigées par des Autochtones à EDC.

« À l’instar de MLTC, les sociétés de développement économique autochtones ont pour mandat d’appuyer leurs communautés, de créer des emplois, de verser des dividendes et de soutenir l’infrastructure, comme les programmes en santé et en services sociaux. Quand on y pense, c’est comme s’il y avait un double résultat net : il faut non seulement faire des profits, mais aussi tenir compte du mandat, c’est-à-dire soutenir la communauté au moyen du partage des profits, créer des débouchés pour les jeunes, favoriser l’autosuffisance et la souveraineté financière », soutient Todd Evans.

Une femme autochtone vêtue d'une robe à franges et de plumes dans les cheveux danse à l'extérieur, dos à la caméra.

Bien des petites usines appartenant à des intérêts privés ont été achetées par de grandes sociétés forestières, mais dans le cas de MLTCII, les bonnes relations qu’elle entretient avec EDC et avec la Banque des Premières Nations du Canada ont permis à la scierie de rester indépendante et même de poursuivre son expansion. MLTCII détient aujourd’hui une usine de produits du bois spécialisés en plus de se concentrer sur les solutions en énergie renouvelable par l’entremise du Centre de bioénergie de MLTC (en anglais seulement). Son projet d’énergie verte par la biomasse, une première en Saskatchewan, vise à générer de l’électricité carboneutre à partir des déchets de la scierie. L’usine devrait produire 6,6 mégawatts, assez pour alimenter 5 000 foyers.

Une approche adaptée pour concrétiser l’impact de l’exportation

Les liens entre EDC et MLTC datent du printemps 2017. Cette année-là, le gouvernement fédéral avait créé une politique pour favoriser la participation des groupes sous-représentés au commerce international. En 2019, EDC lançait une nouvelle stratégie visant à soutenir les exportateurs autochtones. Depuis, nous avons offert des services financiers et du savoir commercial à 235 entreprises autochtones en plus d’avoir facilité des activités totalisant 531,2 millions de dollars grâce à des garanties de prêt, à des prêts directs, à l’assurance crédit et au cautionnement de garantie.

Pour MLTCII, le partenariat entre EDC et la Banque des Premières Nations du Canada a eu pour résultat une entente de garantie de prêt grâce à laquelle la société a pu poursuivre son expansion et ses plans de modernisation. EDC a fourni une garantie de trois millions de dollars sur un prêt de 10 millions de dollars, jusqu’à 8 millions de dollars en garantie sur des prêts pour dépenses en capital et 750 000 $ en cautionnement pour un projet de reforestation. Grâce à la Banque des Premières Nations du Canada, qui connaît très bien les entreprises autochtones, EDC a pu structurer une entente qui répond aux besoins de MLTC.

« Il fallait comprendre les besoins de l’entreprise, les problèmes auxquels elle faisait face et ce qui l’empêchait de croître et d’étendre ses activités. Nous avons adapté nos solutions de manière à répondre à ses besoins », explique Randy Lott, directeur des comptes commerciaux, région des Prairies, à EDC.

Pour établir ces bonnes relations, poursuit M. Lott, il a fallu « prendre le temps de bien comprendre la situation. Nous devions apprendre et comprendre : de quoi l’entreprise a-t-elle besoin et comment pouvons-nous tenir compte des subtilités? Si nous ne comprenons pas bien, nous ne pouvons pas bien l’aider à croître et à étendre ses activités ».

Donner aux exportateurs autochtones l’accès à des capitaux

Selon Todd Evans, le soutien d’EDC est particulièrement important pour les exportateurs autochtones lorsque des bouleversements économiques ont des conséquences directes sur leur capacité à faire des affaires dans leur secteur, qu’il s’agisse de la foresterie, des pêches, de l’énergie, de l’exploitation minière ou du tourisme.

« En période de ralentissement, il n’est pas rare que le secteur privé recule et qu’il devienne difficile d’obtenir des capitaux et de l’assurance. Mais même en période de récession et de crise économique, EDC continue de soutenir les entreprises, comme ce fut le cas récemment dans le secteur du bois d’œuvre », ajoute-t-il.

« Leurs institutions financières peuvent compter sur les garanties de prêt d’EDC. Et nous offrons toujours notre assurance pour comptes clients pour aider les entreprises à maintenir leur flux de trésorerie. »

Beaucoup de propriétaires d’entreprise autochtones font appel au Programme de garanties d’exportations d’EDC. Cette solution de fonds de roulement souple leur permet d’obtenir auprès de leur institution financière l’augmentation de leur marge de crédit, un prêt à terme ou une autre forme de soutien financier. La couverture dépend du type d’actifs financés et de la taille de l’usine.

« Le Programme de garanties d’exportations donne à la banque l’assurance que le prêt qu’elle accorde est garanti par une société d’État ayant la cote AAA. Ainsi, avec le soutien d’EDC, l’institution financière peut augmenter la marge de crédit de la petite entreprise qui a besoin d’investissement en capital. Grâce à l’assurance pour comptes clients et à l’assurance crédit, EDC couvre 90 % des pertes découlant des ventes. C’est ce que nous appelons l’assurance “dormez sur vos deux oreilles”. Voilà ce qui est bien avec cette assurance d’EDC. Elle rassure les prêteurs et les banques, car ils savent que les ventes de leurs clients sont assurées », résume Todd Evans.

Une femme portant un casque vert et un sweat-shirt gris utilise un outil de compression avec un cordon d'alimentation rouge pour fixer la couverture en papier à une palette d'expédition de bois.

Des possibilités de croissance pour les entreprises autochtones 

EDC s’étant donné pour objectif d’aider 400 clients autochtones et de leur fournir 650 millions de dollars en services financiers d’ici la fin de 2023, nous devrions voir plus d’exportateurs et d’exportateurs indirects autochtones partir à la conquête des marchés mondiaux, affirme Todd Evans.

Selon le Conseil canadien pour l’entreprise autochtone, la plupart des 60 000 entreprises détenues par des Autochtones au Canada se classent parmi les petites et les microentreprises. Mais M. Evans souligne que beaucoup exercent déjà leurs activités dans les secteurs axés sur l’exportation, comme les ressources, l’agroalimentaire, la fabrication, l’exploitation minière et l’énergie. De ce nombre, beaucoup sont ce qu’on pourrait appeler des exportateurs indirects, car leurs produits font partie de la chaîne d’approvisionnement de l’exportation même si elles ne vendent pas directement sur les marchés étrangers.

« On constate que le nombre d’exportateurs autochtones augmente constamment, possiblement en raison de l’effet de rattrapage. En effet, de plus en plus de ces entrepreneurs s’intéressent à l’exportation à mesure que nous les rencontrons. Nous encourageons les entreprises autochtones à se pencher sur les débouchés et les avantages découlant de l’exportation. Beaucoup sont de jeunes entrepreneurs. Ce sont des gens avertis, ils évaluent les options et il n’est pas rare que l’exportation fasse partie de leur plan d’affaires, poursuit-il. » 

Quelle est la prochaine étape pour MLTC?

À l’heure où les exportateurs autochtones de la relève ont l’avenir devant eux, Al Balisky, dans le nord-ouest de la Saskatchewan, indique que MLTC cherche déjà à résoudre un autre problème lié à l’exportation : le différend sur le bois d’œuvre résineux qui oppose le Canada et les États-Unis. Puisqu’aucune entente n’est actuellement en place, les tarifs douaniers à payer sur le bois de finition de MLTC s’accumulent.

« Nous avons une somme de 25 millions de dollars qui dort au département du commerce des États Unis. Pour une petite entreprise comme la nôtre, qui appartient à la communauté, c’est beaucoup d’argent. Puisque notre modèle de propriété diffère de celui que l’on connaît habituellement, nous prônons le remboursement de ces tarifs, mais ce n’est pas gagné d’avance. » 

Pendant que MLTC cherche à résoudre ce problème, voici ce qu’Al Balisky a à dire aux jeunes entrepreneurs autochtones lorsque vient le temps de faire affaire avec EDC et la Banque des Premières Nations du Canada : 

« Nous avons un lien direct avec ces personnes-là. Nous entretenons depuis longtemps une relation de confiance. Ce sont nos amis. »

De nouvelles voies vers la prospérité

EDC reconnaît que la réconciliation passe entre autres par la croissance économique autochtone. Le fait d’offrir les produits et les services autochtones sur de nouveaux marchés créera des perspectives économiques durables pour les futures générations. Nous avons à cœur de lever les obstacles qui se dressent devant les sociétés de développement économique et les entrepreneurs autochtones qui souhaitent étendre leurs activités à l’étranger. Pour en apprendre plus, consultez notre site edc.ca/entreprises autochtones ou composez le 1-800-229-0575.