Si vous aviez prévu de vous tailler une place sur le marché américain en 2020, la pandémie vous a sans doute forcé à repousser vos plans, et pour ceux qui s’y trouvent déjà, elle leur a mis de sérieux bâtons dans les roues. Malgré tout, deux faits indéniables demeurent : les États-Unis sont (et seront probablement toujours) notre plus grand partenaire commercial, et c’est à nous de faire affaire avec l’inhabituel.  

Malgré les restrictions touchant les passages frontaliers entre nos deux pays et les ravages sociaux et économiques mondiaux de la pandémie, il y a une lueur d’espoir pour le commerce canado-américain. 

« Somme toute, l’économie américaine affiche un bon bilan en 2020 », nous informe Stephen Tapp, économiste en chef adjoint à Exportation et développement Canada (EDC). Lors d’un récent webinaire sur les prévisions économiques américaines, il a présenté plusieurs indicateurs déterminants pour étayer son optimisme prudent : « En dépit du nombre croissant de cas de COVID-19, on est de plus en plus porté à croire que le pire de la tempête économique est derrière nous. En effet, pour la plupart des entreprises, 2021 sera sans doute beaucoup mieux que 2020. »

L’annonce d’un vaccin, et notamment sa distribution prévue dans les prochains mois, alimente l’optimisme. N’empêche que les chiffres sont alarmants : le nombre de cas confirmés au quotidien affiche un troisième pic, et le taux d’hospitalisation est supérieur à ce qu’il était durant la première vague de mars et avril.

L’état de la nation

Les principaux indicateurs économiques donnent une bonne idée de ce qui attend les États-Unis au cours des prochains mois. Ces facteurs vous seront utiles pour éclairer votre stratégie d’affaires, que vous cherchiez à pénétrer le marché ou à y accroître votre présence.

  1. Un marché du travail ébranlé : On compte maintenant sept millions de demandes d’assurance-emploi par semaine; des 22 millions d’emplois perdus, 12 millions sont revenus; les personnes à faible revenu sont les plus durement touchées, tandis que chez les travailleurs à revenu élevé, les taux d’emploi sont revenus comme avant la pandémie.
  2. Des politiques efficaces : Une combinaison de mesures monétaires (réductions d’urgence et planifiées des taux d’intérêt pour les amener à zéro) et des niveaux sans précédent de stimulants financiers a contribué à calmer le marché des capitaux et à améliorer les finances des ménages.
  3. Marchés des capitaux stabilisés : Les titres de capitaux propres américains ont atteint des sommets; les programmes d’achat d’actifs ont ramené les coûts d’emprunt aux niveaux d’avant la pandémie.
  4. Finances des ménages améliorées : Les transferts directs de l’État ont non seulement compensé les pertes d’emplois et de salaires, ils ont aussi augmenté les revenus personnels et entraîné un taux d’épargne exceptionnellement élevé, surtout chez les personnes à haut revenu.
  5. Dépenses de consommation fortes : Les ventes au détail affichent une très forte reprise en « V », surtout grâce aux ventes en ligne; la différence entre les réactions au virus de chaque secteur est énorme, selon les restrictions et risques dont ils font l’objet.
  6. Marché de l’habitation en hausse : La baisse des coûts d’emprunt et le télétravail donnent lieu à une reprise en « V », avec en tête de peloton les maisons unifamiliales et le déménagement dans les banlieues.
  7. Dynamiques commerciales en évolution : Contrairement aux attentes, les faillites sont restées stables; à l’inverse, le nombre de demandes provenant d’entreprises susceptibles de devenir des employeurs (appelé high-propensity business applications ou HBA aux États-Unis) a augmenté, avec une forte hausse dans le secteur de la vente au détail en ligne.

« À -3,4 %, l’économie américaine devrait dépasser la moyenne mondiale de près d’un point de pourcentage en 2020. »

Stephen Tapp  —  économiste en chef adjointExportation et développement Canada

L’effet net sur les exportations canadiennes

Deux catégories d’exportations se trouvent aux antipodes : les exportations de marchandises n’ont baissé que de 2 % entre janvier et octobre, mais les exportations de services ont chuté de 19 % au cours de la même période. Cela dit, les moyennes sont plus ou moins fiables en ce moment, étant donné les différences substantielles entre les secteurs.

De janvier à octobre, baisse de 2 % des exportations de marchandises et de 19 % des exportations de services


Dans l’ensemble, les exportations de marchandises ont connu une forte reprise en « V », alors que la plupart des exportations de services sont restées bloquées sur un schéma en « L ».

La corrélation des cas de COVID-19

Devant une analyse récente des Services de recherche d’EDC, l’économiste en chef adjoint souligne que « sans surprise, les exportations canadiennes ont affiché de moins bons résultats dans les États américains soumis à des restrictions plus strictes en raison de la COVID 19 ». Il ajoute que les statistiques varient beaucoup d’un État à l’autre, et qu’une constatation sort du lot : les restrictions liées à la COVID-19 ont eu sensiblement les mêmes effets négatifs sur les exportations canadiennes vers les États américains que sur les exportations vers d’autres pays.

Au-delà des difficultés frontalières

Comme prévu, EDC constate, dans ses sondages, que les restrictions sur les déplacements figurent parmi les plus grandes entraves des entreprises canadiennes sur les marchés mondiaux. En effet, la combinaison de restrictions sur les déplacements transfrontaliers non essentiels et de périodes de quarantaine a entraîné des perturbations, en particulier dans les secteurs des services. 

Les chaînes d’approvisionnement ont tenu bon, mais globalement, les exportateurs canadiens signalent des freins logistiques, notamment l’incertitude entourant les délais d’expédition.

Réactions régionales

Gayle Roenbaugh et Michael Gonsalves, respectivement directrice régionale principale et directeur régional principal à EDC, ont fait la lumière sur les réactions et les débouchés commerciaux dans leurs régions. En rafale :

Les Grands Lacs : constats de Gayle Roenbaugh (Chicago)

Réactions des entreprises de la région aux États-Unis

  • Passage du mode réactif (refus de s’endetter davantage) au mode proactif (planification de la gestion intégrée des risques pour les prochains confinements ou autres perturbations).
  • Recours au numérique et formation pour le télétravail.
  • Communication plus étroite avec les clients pour s’adapter à l’évolution constante du marché et des modèles d’affaires.
  • Passage des chaînes d’approvisionnement physiques du « juste à temps » au « au cas où », et hausse de l’importance de la régionalisation et de la transparence. 

« Les énergies renouvelables et la technologie, propre ou autre, sont les moteurs des décisions et des débouchés dans toute la région des Grands Lacs. »

Gayle Roenbaugh  —  directrice régionale principale, région américaine des Grands LacsExportation et développement Canada

Débouchés pour les entreprises canadiennes

  • Énergie renouvelable : La Clean Energy Act de l’Illinois prévoit une transition vers une énergie 100 % renouvelable d’ici 2050. Des investissements considérables sont réalisés dans l’énergie solaire thermique, l’énergie géothermique, le biodiesel et l’hydroélectricité.
  • Fabrication de pointe : Alors que les constructeurs automobiles font passer la fabrication additive du prototype à la production de masse, ils se tournent vers le contrôle de la qualité, l’automatisation, la robotique et les solutions de post-traitement.
  • Véhicules électriques : L’optimisation du poids des véhicules, l’électrification du groupe motopropulseur et la réduction du coût des batteries sont des secteurs très en vogue. 
  • Entreposage frigorifique, transport et logistique des vaccins : Ford s’est engagée à stocker et à distribuer le vaccin contre la COVID-19 auprès de ses employés. Les autres grands constructeurs automobiles emboîteront probablement le pas.
  • Épicerie et biens de consommation : L’avenir se trouve dans le multicanal, avec des solutions numériques intégrées.

Le Sud-Est : constats de Michael Gonsalves (Atlanta)

Réactions des entreprises de la région

  • La réaction des entreprises se résume en trois mots : innovation, prudence et espoir.
  • Innovation : Cherchant à tout prix à rester en contact avec leur clientèle, les entreprises font preuve d’ingéniosité et perfectionnent les voies numériques.
  • Prudence : L’énergie traditionnelle voit d’énormes coupures dans ses dépenses d’investissement, ce qui a mis à rude épreuve les exportateurs canadiens dans ces chaînes d’approvisionnement; le commerce de détail traditionnel a mis un frein aux expansions.
  • Espoir : Les récentes annonces de vaccins alimentent le marché boursier et stimulent les activités liées aux voyages et au plein air. 

Débouchés pour les entreprises canadiennes

  • Énergie propre et autres solutions : Zoom sur la législation énergétique des États. Par exemple, la Virginie fermera ses centrales au charbon d’ici 2024 et trace des balises bien précises pour les solutions éoliennes terrestres et en mer, le stockage par batterie et l’énergie solaire. 
  • Infrastructures : Les nouvelles versions des codes du bâtiment comprendront l’obligation de tenir compte de l’empreinte écologique dans la conception et l’exploitation des bâtiments. Les grands bâtiments existants nécessiteront l’intégration de nouvelles technologies pour augmenter leur efficacité et obtenir la certification LEED.