Vous avez peut-être déjà entendu que les entreprises engageant des Néo-Canadiens ont plus de chance de connaître le succès sur les marchés d’où sont originaires leurs employés.

À première vue, cela semble logique. Si l’un de vos employés parle l’allemand, par exemple, il pourra vous aider à surmonter les barrières linguistiques et culturelles qui se dresseront peut-être sur votre parcours d’exportation vers l’Allemagne.

Jusqu’à présent, cette corrélation a été abordée de manière superficielle, mais des chiffres récents lui donnent désormais plus de poids. Miguel Cardoso, professeur adjoint en économie à l’Université Brock, a décidé de faire porter sa thèse en économie sur cette question.

Les exportations canadiennes sont en hausse dans les pays d’origine

"Je m’intéresse depuis quelques années au lien entre les pays vers lesquels le Canada exporte et le caractère multiculturel de notre population, indique M. Cardoso. Depuis le milieu des années 1990, les chercheurs constatent que les exportations canadiennes augmentent davantage dans les pays d’origine des citoyens issus de l’immigration. "

Selon M. Cardoso, la forte augmentation des exportations du Canada vers des marchés comme l’Inde et la Chine semblait concorder avec la croissance des taux d’immigration en provenance de ces pays.

« Nous avions toutefois besoin de plus de données pour déterminer comment les entreprises canadiennes mettaient les travailleurs canadiens immigrants au service de la croissance de leurs exportations », ajoute-t-il.

M. Cardoso savait que c’est dans les déclarations de revenus des entreprises, les T4 et les renseignements tirés du recensement qu’il trouverait les données brutes nécessaires. Statistique Canada a dû toutefois procéder à des ajustements pour lui permettre de mener ses recherches dans le respect des règles de confidentialité.

La preuve par les chiffres

Tout au long des recherches de M. Caroso, ses théories n’ont cessé de se vérifier.

" J’ai découvert qu’un même schéma se répétait dans la plupart des cas, fait-il remarquer. La probabilité qu’une entreprise exporte vers un pays particulier est relativement faible, à l’exception d’un petit nombre de marchés comme les États-Unis. Mais si on creuse davantage et qu’on s’intéresse aux organisations employant des immigrants originaires d’un pays de destination, alors on relève cette hausse très marquée. Par exemple, moins de 1 % des entreprises exportent vers le Danemark, mais quand on considère celles qui comptent des immigrants danois dans leurs rangs, ce chiffre passe à 18 %. "

MELLOHAWK Logistics connaît la valeur des Néo-Canadiens dans une équipe

Arnon Melo, président de MELLOHAWK Logistics, a fait l’expérience concrète de cet effet positif. Établie à Mississauga, en Ontario, MELLOHAWK est un fournisseur international de services de transport et de logistique par les airs, la mer et la terre. Elle offre notamment des solutions connexes de courtage en douane, de documentation et de conseil en logistique. S’appuyant sur un réseau mondial de plus de 150 agents, MELLOHAWK est active tant sur les marchés développés que sur ceux en développement, en particulier au Brésil, au Canada, au Chili, en Argentine, au Pérou, en Chine, aux États-Unis, en Italie, dans les Antilles, en Allemagne, en Espagne et au Royaume-Uni.

" Nous expédions des chargements de toutes tailles et catégories partout dans le monde ", souligne M. Melo, qui fait appel à l’assurance crédit d’EDC pour avoir la garantie d’être payé.

Lui-même arrivé au Canada à un jeune âge, ce Brésilien d’origine déclare être parti de presque rien pour donner vie à une entreprise aujourd’hui florissante. Il est aussi fier diplômé du Collège Seneca, à qui il doit une solide formation en logistique internationale et un stage au sein d’une entreprise allemande, qui l’a mené à exercer des responsabilités croissantes dans l’industrie les dix années suivantes.

Quand M. Melo a monté sa propre entreprise de transport en 2002, et que lui et son partenaire, Peter Hawkins, ont eu besoin de recruter un employé, il s’est tourné vers le Collège Seneca pour tendre la main à un étudiant, comme on l’avait fait pour lui par le passé.

" Depuis, nous avons engagé 11 employés, la plupart nouveaux arrivants, et certains maîtrisant deux ou trois langues, indique M. Melo. Ce sont de vrais atouts : ils ont une expérience de vie internationale et sont capables de mener des transactions par téléphone dans la langue locale d’un pays. C’est un vrai soulagement pour nos clients de pouvoir poser des questions dans leur langue. "

L’équipe de M. Melo offre ses services en espagnol, en punjabi, en portugais, en bulgare, en vietnamien, en français et en anglais. « Ici, c’est les Nations Unies en format réduit », s’amuse l’entrepreneur.

Les liens personnels qu’entretient M. Melo avec la région sud-américaine ont aussi stimulé ses activités. « Comme je suis originaire du Brésil, nous avons percé ce marché. Nous sommes devenus une référence pour les consulats brésilien et canadien, qui nous ont inscrits sur leur liste de fournisseurs approuvés. Nous avons souvent une longueur d’avance pour remporter les contrats, car nous connaissons le pays et sa langue, mais aussi les réalités de l’exportation et de l’importation sur ce marché. L’entreprise s’appuie sur un bureau local. Nous sommes aussi actifs dans toute l’Amérique du Sud, car c’est une région où les exigences en matière de douane, de réglementation et de documentation sont très complexes. »

" Je suis un immigrant qui rêvait de diriger sa propre entreprise un jour. Tout est possible au Canada, tant qu’on y met du cœur, insiste M. Melo. Si vous travaillez fort et que vous aimez véritablement ce que vous faites, la chance vous sourira. "

Incidence du recrutement d’immigrants sur les exportations

Pays % d’entreprises canadiennes y exportant % d’entreprises canadiennes avec des employés immigrants y exportant
Autriche 0,79 11,74
Belgique  1,38 12,73
Bulgarie  0,18 1,58
Croatie  0,18 1,45
République tchèque 0,71 6,75
Danemark  0,92 18,21
Finlande  1,04 17,48
France 3,01 17,56 
Allemagne 3,45 17,69
Hongrie 0,46 4,14
Irlande 0,92 8,39
Italie 1,98 9,75
Pays-Bas 1,98 13,95
Pologne 0,99 5,10
Portugal 0,45 2,40
Roumanie 0,37 2,15
Russie 1,19 6,57
Slovaquie 0,25 3,19
Espagne 1,50 16,64
Suède 1,40 16,25
Suisse 1,28 10,68
Ukraine 0,31 2,18
R.-U. 4,30 16,60
Moyenne  1,26 9,70

En Europe, les chiffres sont sans appel

Comme le montre ce tableau, les exportations augmentent aussi de manière marquée (plus de 17 %) dans plusieurs pays d’Europe, notamment la Finlande, la France et l’Allemagne. Le taux dépasse également 16 % en Espagne, en Suède et au R.-U.

Selon M. Cardoso, les chiffres tendent à être plus élevés dans les pays où l’on ne parle pas l’anglais et le français, et où la culture des affaires peut être difficile à déchiffrer. Mais ce n’est pas toujours le cas : le R.-U., où l’anglais est la langue commerciale, a enregistré une forte hausse, tout comme le principal partenaire d’exportation du Canada, les États-Unis, où le taux passe de 30 % pour l’ensemble des entreprises, à environ 65 % pour celles qui emploient des immigrants américains. 

Vous avez du mal à percer un nouveau marché? Misez sur votre expertise interne

À la lumière de cette étude, M. Cardoso conclut que les entreprises confrontées à des défis d’exportation, comme la barrière de la langue, la recherche de partenaires de confiance et les différences culturelles dans le milieu des affaires, devraient penser à développer leur expertise interne.

« Comme le montrent mes recherches, si quelqu’un a beaucoup de mal à pénétrer le marché chinois, il aura tout intérêt à engager un employé originaire de Chine qui maîtrise la langue du pays », note M. Cardoso.

Les entreprises ont plus de chance non seulement d’exporter vers les pays d’origine de leurs employés immigrants, mais aussi d’y vendre davantage de biens et de services. Par exemple, pour ce qui est des entreprises faisant affaire avec l’Allemagne, les recettes de ces activités ne représentent que 0,66 % des exportations totales, mais ce chiffre atteint 3,07 % lorsque le personnel comprend des employés allemands.

En fin de compte, la connaissance de la culture d’un pays, et même d’astuces de voyage, peut aider votre entreprise à développer ses exportations sur place. Mettre à profit les origines ethniques et l’expérience internationale de vos employés pour conquérir de nouveaux marchés n’est pas seulement sensé; ça marche vraiment.