Selon la spécialiste des chaînes d’approvisionnement Sarah Barnes Humphrey, bien qu’aucune entreprise n’ait pu prévoir la crise de la COVID-19, celles qui ont investi dans la technologie ces dernières années tireront leur épingle du jeu.

« Nous constatons des écarts en matière de technologie à tous les niveaux, dans les chaînes d’approvisionnement et ailleurs », explique Mme Barnes-Humphrey. Elle souligne que les entreprises ont dû agir rapidement pour s’adapter et permettre au plus grand nombre d’employés de travailler depuis la maison. La technologie joue aussi un rôle crucial dans l’analyse des processus et l’optimisation des activités.

« Les entreprises qui n’ont pas assez investi dans les technologies au sein de leur chaîne d’approvisionnement sont vraiment les plus à risque en ce moment, ajoute celle qui produit le balado Let’s Talk Supply Chain. Que ce soit au chapitre de la planification ou de l’utilisation de données pour des analyses plus prédictives, leurs lacunes sont flagrantes. »

Elle croit que les données doivent être au cœur de toute entreprise, car elles fournissent aux cadres supérieurs et aux dirigeants l’information dont ils ont besoin pour assurer leur réussite future. Elles leur permettent aussi de mieux planifier leurs activités et de prévoir avec plus de précision les catastrophes comme la pandémie actuelle, ou les perturbations à court terme, telles que les attentats terroristes et les typhons.

« À mon avis, les entreprises qui ont pris le virage des données s’en sortent beaucoup mieux que les autres. »

Des bouleversements dans tous les secteurs

Mme Barnes Humphrey a constaté des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement de tous les secteurs. Mais elle a aussi entendu des histoires encourageantes : des fabricants qui ont réussi à se réorienter pour fabriquer un produit différent, même si cela supposait parfois de changer complètement d’industrie. Elle donne l’exemple des constructeurs automobiles qui se sont mis à produire des équipements de protection individuelle, ou celui de LVMH, le groupe d’articles de luxe détenant les maisons Dior, Fendi, Louis Vuitton et Givenchy, qui fabrique désormais des masques faciaux. Ce sont ces entreprises qui se démarqueront le plus, et dont on se souviendra par la suite, affirme-t-elle.

La crise de la COVID-19 a mis en relief l’importance des chaînes d’approvisionnement.

« Les gens se rendent compte que certains produits sont des nécessités, alors que cela ne leur aurait jamais traversé l’esprit auparavant, explique Mme Barnes Humphrey. Et parallèlement, des professionnels des chaînes d’approvisionnement font de la sensibilisation dans des groupes Facebook où les gens expriment leur frustration de trouver des rayons vides. C’est merveilleux de voir tout le monde travailler ensemble. »

Sarah Barnes-Humphrey


Elle salue aussi l’efficacité de la chaîne d’approvisionnement mondiale, au sein de laquelle les pays se montrent solidaires les uns des autres.

« Des personnes qui savent coudre se rallient autour de la confection de masques pour les intervenants de première ligne. »

Certains politiciens, notamment le président français Emmanuel Macron, prennent conscience des produits qui devraient être fabriqués dans leur pays.

Les changements possibles dans l’industrie manufacturière

« Les activités de fabrication vont changer d’un pays à l’autre et d’une entreprise à l’autre », explique Mme Barnes Humphrey, ajoutant qu’elle ne croit pas que la mondialisation connaîtra un déclin, puisqu’un grand nombre de pays et d’entreprises en dépendent. Elle s’attend à ce que beaucoup d’entreprises saisissent cette occasion pour diversifier leurs activités de fabrication et, idéalement, rendre leurs chaînes d’approvisionnement plus circulaires. Elle entrevoit aussi une réévaluation des processus internes.

« Les entreprises vont commencer à se demander si elles ont vraiment besoin d’un entrepôt où s’accumulent des produits finis gourmands en investissements. Peut-être migreront-elles vers une fabrication de type “juste-à-temps” en utilisant des imprimantes 3D et en entreposant plutôt des matières premières, ou opteront-elles pour une combinaison des deux types. »

Un écran d’ordinateur avec plusieurs fenêtres montre une rencontre avec des clients.

Cinq conseils pour gérer les perturbations

Pour garder un œil à la fois sur les soubresauts actuels et sur ceux à venir, nous avons demandé à Audrey Ross, spécialiste de la logistique et des douanes à Orchard Custom Beauty comment limiter les perturbations des chaînes d’approvisionnement. Son entreprise est une marque maison qui produit des cosmétiques, des sacs de cosmétiques et d’autres accessoires de beauté pour de grands détaillants partout dans le monde. Sa production se fait dans plusieurs pays.

  1. Communiquer. La communication avec les clients est essentielle. Au début, personne ne savait que le virus aurait des effets aussi généralisés. Les fabricants doivent maintenant informer leurs clients et leurs fournisseurs des répercussions sur leurs activités. Il est aussi important de porter attention à la viabilité des fournisseurs. Par exemple, quelques usines italiennes avec lesquelles Orchard Custom Beauty faisait affaire ont dû complètement cesser leurs activités.
  2. S’adapter. Il faut absolument comprendre les répercussions à court et à long terme sur son entreprise. On doit évaluer la situation et s’adapter en conséquence. Par exemple, la plupart des activités manufacturières d’Orchard Custom Beauty en Chine s’interrompent durant les célébrations de la nouvelle année lunaire. Mais cette année, l’interruption a été plus longue en raison du confinement imposé par la COVID-19. L’entreprise a donc dû réévaluer ses campagnes de produits de beauté, notamment celles de Pâques et de la fête des Mères. Il est important de décider quelles initiatives doivent être suspendues et lesquelles doivent être maintenues. Il faudra se réorienter, au besoin, pour adapter ses activités et saisir de nouvelles occasions d’affaires.
  3. Dépenser selon les priorités. Compte tenu des problèmes probables de trésorerie, il faudra travailler fort pour limiter les dépenses, surtout si on veut éviter de faire des mises à pied. On doit demander à tous les membres du personnel de réduire les dépenses autant que possible et de guetter les occasions de faire des économies.
  4. Rallier les troupes. Comme les gens sont maintenant forcés de travailler depuis la maison, il est important de maintenir le moral et de s’entraider. Certains employés ont des enfants à la maison et doivent s’improviser enseignants, ce qui ne fait qu’augmenter la pression sur eux. Il sera essentiel de faire des suivis avec ces personnes et d’offrir d’alléger leur charge de travail. « Si vous avez un peu moins de travail que d’habitude en ce moment et que vous êtes capables d’en prendre plus, c’est une bonne idée d’offrir votre aide à vos collègues », explique Mme Ross.
  5. Revoir les façons de faire. Il serait peut-être judicieux de revoir les pouvoirs de signature et les autorisations de dépenser au sein du personnel. En ces circonstances exceptionnelles où les flux de trésorerie sont soumis à des pressions inhabituelles, certains processus et protocoles devront être revus ou adaptés. Dans cette optique, il faut veiller à bien communiquer aux employés leurs responsabilités actuelles.