Nous sommes en 1944. La Seconde Guerre mondiale fait toujours rage. La plupart des ports d’Europe ont été anéantis, ou presque. Pendant ce temps, de l’autre côté de l’océan, le gouvernement canadien va de l’avant envers et contre tout : avec le conflit qui s’essouffle, il faut trouver une façon de prolonger l’essor économique que la guerre a entraîné. C’est de ces réflexions stratégiques que naîtra Exportation et développement Canada.

Fleurir en terrain miné

Pour les Canadiens, la guerre est un paradoxe troublant. D’une part, plus 40 000 soldats du pays y ont trouvé la mort, de l’autre, l’industrie du pays en est devenue forte et triomphante. C’est d’autant plus frappant au sortir de la Grande Dépression des années 1930, marquée par l’abattement et les files aux portes des soupes populaires. Au cours des années précédant la guerre, le taux de chômage était monté en flèche. Dans les Prairies, où les tempêtes de poussière, appelées « blizzards noirs », étouffaient les cultures et empêchaient de voir à plus d’un mètre de soi, ce sont les deux tiers de la population qui étaient sans emploi – le pire taux enregistré.

Mais lorsque la guerre a été déclarée en 1939, le Parlement a investi 1,3 milliard de dollars dans la construction d’usines. Les emplois tombaient du ciel. Notre pays est devenu le plus proche allié du Royaume-Uni dans l’Atlantique Nord et l’un de ses principaux fournisseurs en armement et en vivres.

Notre relation commerciale avec le Royaume-Uni avait commencé à fleurir avant la guerre, encouragée involontairement par les États-Unis. En effet, la demande américaine pour les exports canadiens était extrêmement faible pendant la dépression – même les mieux nantis se serraient la ceinture. Dans les années 1930, l’Oncle Sam a même basculé dans le protectionnisme, imposant des tarifs touchant tous ses partenaires commerciaux. Une situation sans pitié, en particulier pour les entreprises canadiennes.

Le Royaume-Uni, qui avait lui aussi des politiques protectionnistes, privilégiait les importations du Commonwealth. Le Canada en a tiré le maximum : entre 1929 et 1938, la valeur des exportations canadiennes vers les ports britanniques a plus que doublé.

Une photo d'époque tirée des  archives d'EDC.


 

La crainte d’un déclin commercial

Malgré l’essor des exportations pendant la guerre, les Canadiens demeuraient circonspects en 1944, envisageant l’après-guerre avec prudence. Après tout, à un certain moment du conflit, les munitions constituaient 75 % de leurs exportations. Ils savaient qu’une fois la paix revenue, ce genre de demande tomberait en chute libre. D’ailleurs, les activités commerciales avec le Royaume-Uni allaient inévitablement s’essouffler, le combat contre Hitler ayant poussé le pays au bord de la faillite.

Quant au pouvoir d’achat européen, lui aussi était dans un piètre état. Le continent presque entier était détruit – une réalité qu’on s’imagine mal aujourd’hui. De nombreuses villes avaient été dévastées, réduites à un amoncellement de débris. Elles étaient à l’image de leurs administrations, de leurs établissements de soins de santé et de l’ordre public : en ruine. Les morts et les réfugiés se comptaient par millions; l’argent était une denrée rare. Les Canadiens craignaient que cette misère économique ne les touche eux aussi et qu’ils replongent dans la précarité. Il fallait faire quelque chose.

« Après tout, à un certain moment du conflit, les munitions constituaient 75 % de leurs exportations. Ils savaient qu’une fois la paix revenue, ce genre de demande tomberait en chute libre. »

Quatre bureaux et un plan

Pour soulager les tensions, le gouvernement de William Lyon Mackenzie King a donné le feu vert à de nombreuses initiatives pour maintenir la production de biens canadiens.

Au nombre de ces initiatives se trouvait EDC, ou Export Credits Insurance Corp., comme elle s’appelait initialement. Il s’agissait d’un programme de petite envergure conçu pour assurer les comptes clients des exportateurs du pays. Les activités avaient lieu dans une salle du siège social du Foreign Exchange Control Board, à Ottawa, louée au coût de 50 $ par mois. En 1945, quatre personnes y travaillaient et une première police d’assurance a été octroyée, soit à Atlas Steel Ltd., une entreprise près de Niagara Falls.

Une photo d'époque tirée des  archives d'EDC.


Grâce à cette assurance, si un client à l’étranger ne payait pas les biens reçus, l’entreprise canadienne lésée pouvait recouvrer le revenu perdu, un recours qui pouvait dans bien des cas lui éviter la faillite. L’objectif était de renforcer les entreprises d’ici, de stimuler l’économie du pays et de remonter le moral de la population, dont une grande partie dépendait de l’exportation pour vivre.

Soixante-quinze ans plus tard, les ports d’expédition sont synonymes de modernité, de croissance et d’abondance. Les navires qui y accostent sont immenses, et les conteneurs qu’ils transportent sont déchargés à l’aide d’une grue, qui les empile ensuite tel un enfant avec ses blocs de construction… des blocs qui soutiennent l’économie de tout un pays.

Export Credits Insurance Corp. a peut-être changé de nom, mais sa mission, elle, demeure la même : aider les entreprises canadiennes de toutes tailles à sortir des frontières avec confiance. Nos efforts se sont traduits par plus de mille milliards de dollars de plus au PIB du pays; et aujourd’hui, nous comptons au-delà de 13 000 clients issus de toutes les industries et de tous les secteurs du Canada et présents sur 200 marchés aux quatre coins de la planète. Nos politiques sur les droits de la personne et les changements climatiques font de nous l’un des organismes de crédit à l’exportation les plus progressifs au monde.

En 75 ans, le rôle du Canada dans le commerce international a énormément changé, et EDC est très fière d’y avoir contribué. Que les 75 prochaines années soient aussi fructueuses!