L’idée a germé plutôt simplement dans l’esprit de Clay Purdy, chef de la direction de l’entreprise calgarienne Fluid Energy. Le 11 mars, alors que la COVID-19 suscite de plus en plus d’inquiétudes, l’homme d’affaires fait comme tout le monde : il cherche du désinfectant pour les mains.

Après être revenu bredouille d’une tournée des magasins, M. Purdy échange quelques messages texte avec son directeur de la technologie, Markus Weissenberger, pour savoir ce qu’impliquerait la fabrication du précieux liquide, devenu du jour au lendemain une rareté hautement convoitée.

M. Purdy l’ignore alors, mais cette simple interrogation va profondément transformer les activités de l’entreprise.

« Le laboratoire s’est immédiatement penché sur la question, et nous avons vite constaté que nous avions déjà d’importants éléments en place pour intégrer de façon viable le désinfectant à nos gammes. De plus, nous disposions du réseau de contacts et de distribution pour démarrer rapidement la commercialisation », explique M. Purdy.

Fluid Energy est alors spécialisée dans le développement de systèmes chimiques de pointe et respectueux de l’environnement pour diverses applications dans le secteur du pétrole et du gaz naturel. Elle fait notamment affaire en Amérique du Nord, dans la mer du Nord et au Moyen-Orient et détient également Triton Cleaning Products, une sous-division offrant des solutions de nettoyage pour les véhicules récréatifs, maritimes et industriels, comme les bétonnières.

Fluid Energy dispose déjà d’une salle où elle pourrait mélanger les substances inflammables et d’une licence pour acheter de l’éthanol spécialement dénaturé, et elle entretient une relation avec un fournisseur d’éthanol et des fournisseurs d’emballages, toutes des conditions essentielles à la production de désinfectant pour les mains.

Un homme mélange des ingrédients à base d’éthanol pour produire du désinfectant pour les mains.

Concrétiser l’idée

D’importants obstacles doivent toutefois être surmontés, comme le respect des règlements gouvernementaux. Mais Fluid Energy agit très rapidement sur ce front, si vite que quand le gouvernement commence à octroyer des licences d’urgence pour la production de désinfectant pour les mains, elle est la deuxième entreprise au Canada à en recevoir une.

« Deux semaines après l’envoi du message texte initial, Fluid Energy se met à produire du désinfectant conforme aux normes de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et de Santé Canada. »

En outre, l’entreprise peut déjà compter sur un acheteur. Canadian Tire vend alors les produits de Triton Marine Products, et comme beaucoup de détaillants, cherche à renflouer ses stocks de désinfectant. Fluid Energy teste son produit en le vendant auprès d’un Canadian Tire de Calgary, puis, devant le succès remporté, étend sa clientèle à des magasins partout au pays (sous la marque Triton).

Peu après, un acheteur encore plus important se manifeste.

« Quelques mois avant la pandémie, nous avions formé une petite équipe responsable des relations gouvernementales, explique M. Purdy. L’initiative tombait à point : quand le gouvernement a demandé aux entreprises canadiennes de lui fournir une énorme quantité de désinfectant, nous avons pu entrer en contact avec les bonnes personnes à Santé Canada et dans d’autres organismes gouvernementaux pour faire valoir nos capacités. »

À la mi-avril, Fluid Energy se fait offrir un contrat du fédéral pour fournir dix millions de litres de désinfectant aux hôpitaux et à d’autres services gouvernementaux. Il faut alors sérieusement augmenter la production, et c’est là qu’EDC entre en jeu.

Financer Fluid Energy

« Comme nous travaillons avec Fluid Energy depuis des années, nous savions qu’elle pouvait relever un défi de cette taille », indique Shaun Naidu, directeur de comptes d’EDC responsable de l’entreprise.

« Depuis le début, le rôle d’EDC dans la réponse à la pandémie est d’injecter des liquidités sur le marché et d’aider les entreprises à traverser la crise. En produisant du désinfectant, Fluid Energy aide son entreprise à rester à flot en plus de contribuer à la lutte contre la COVID-19. Nous étions ravis de l’aider. »


Pour fabriquer des millions de litres de désinfectant, l’entreprise a dû commander de grandes quantités de produits de base, comme de l’éthanol et des bouteilles pour l’emballage.

De son côté, EDC a fourni une garantie pour les lettres de crédit émises par la banque de Fluid Energy à l’endroit de ses fournisseurs, au moyen de la Marge pour garanties de cautionnements bancaires. Les lettres de crédit sont essentielles à la négociation de modalités avantageuses avec les fournisseurs, mais pour qu’une banque en émette, il faut qu’une entreprise donne des liquidités ou du crédit en garantie. La Marge PSG réduit le nantissement exigé, libérant ainsi le fonds de roulement.

Fluid Energy a également eu recours au Programme de garanties d’exportations, qui permet à EDC de garantir la majorité du prêt ou de la ligne de crédit qu’octroie le partenaire bancaire à l’entreprise. Comme EDC partage le risque avec cette dernière, la banque a l’assurance qu’elle sera payée, ce qui peut l’encourager à prêter plus de fonds, au besoin.

« Sans la mise en place extrêmement rapide du financement, nous n’aurions pas pu fournir promptement ce grand volume de désinfectant au gouvernement. Il aurait fallu chercher d’autres options de financement, ce qui aurait ralenti nos démarches pour contribuer concrètement et rapidement à la lutte contre le virus, relate M. Purdy. Mais grâce au soutien continu d’EDC et à notre situation financière maintenant très solide, nous sommes en bonne posture pour décrocher et exécuter d’importants contrats à long terme. »

Aller de l’avant

Fluid Energy a réussi à fournir les dix millions de litres de désinfectant au gouvernement, et sa nouvelle gamme de produits compte maintenant pour une large part du chiffre d’affaires, générant plus de revenus que ses activités dans le secteur du pétrole et du gaz naturel. Par ailleurs, l’entreprise commence à commercialiser de nouveaux produits désinfectants (par exemple, sous forme de gel) et investit ce qu’il faut pour pouvoir offrir ses produits de nettoyage de façon permanente.

Fluid Energy a également ajouté à son offre des désinfectants pour surfaces, qui servent à aseptiser chaises, tables, bureaux, etc. Elle commercialise déjà trois de ces produits, et d’autres suivront bientôt; comme certains lui sont exclusifs, sa grande équipe de recherche et développement à Calgary travaille actuellement à l’obtention de brevets. Selon M. Purdy, le marché mondial du désinfectant pour les mains, en pleine croissance, représente quelque cinq milliards de dollars, et celui du désinfectant tous types confondus est environ dix fois plus important.

« Depuis mars, nous établissons une base solide dans ce nouveau volet phare d’activités pour répondre à la demande mondiale à long terme. Nos affaires aux États-Unis sont maintenant très prospères, et nous progressons en Europe et au Moyen-Orient », indique M. Purdy.

Fluid Energy compte également créer une quarantaine de postes à temps plein très bien rémunérés d’ici la fin de l’année. Les candidats retenus, qui évolueront au laboratoire et dans le service d’assurance et de contrôle de la qualité, assureront la gestion des activités jour et nuit, à l’heure où l’entreprise est en voie d’obtenir son attestation de conformité aux bonnes pratiques de fabrication (BPF).

« Comme tout le monde, nous espérons que le virus sera éradiqué aussi vite que possible, mais nous croyons que même après sa disparition, les gens continueront de nettoyer et désinfecter les mains et les surfaces beaucoup plus qu’avant la pandémie. Les gens font beaucoup plus attention qu’avant, et nous voulons leur fournir ce dont ils ont besoin pour se sentir en sécurité. »