Si vous faites affaire ou investissez en Grande-Bretagne (GB) à partir du Canada, la question du Brexit et de son issue vous préoccupe probablement. La date limite du 12 avril pour le retrait approche, et on parle encore de la repousser. Peu importe, car le dénouement  du Brexit sera lourd de conséquences pour la GB, sa population et ses partenaires d’affaires. Et pour le milieu d’affaires canadien, l’impact précis demeure obscur.

L’enjeu est énorme, la GB étant notre plus grand partenaire commercial en matière de services. En tout, les exportations canadiennes en GB ont atteint 17,7 milliards de dollars en 2017, impliquant divers secteurs (mines, métaux, aérospatiale, énergie renouvelable, entre autres). Pour clarifier les impacts possibles, EDC animera un webinaire le 2 avril. Nos experts vous aideront à comprendre comment le Brexit influera sur vos affaires et sur vos chaînes d’approvisionnement. Vous entendrez aussi des stratégies pour en atténuer les conséquences.

Entre-temps, voyons où en est le Brexit et faisons la lumière sur la suite des évènements.

La genèse du Brexit…

Le 23 juin 2016 se tenait le référendum sur le Brexit. Animés par la montée du populisme en Europe et par une méfiance grandissante à l’égard des institutions, les Britanniques, à l’étonnement des sondeurs et des commentateurs, ont choisi de quitter l’Union européenne, à une majorité faible, mais claire. N’ayant aucun plan précis en place, la première ministre de la GB, Theresa May, a amorcé le processus du Brexit le 29 mars 2017. Depuis, elle tente de négocier un accord sur le retrait avec l’UE et de le faire approuver par le Parlement de la GB, où les divisions ne cessent d’augmenter.

Le 15 janvier 2019, Mme May a passé l’accord avec l’UE au vote pour la première fois au Parlement. Défaite écrasante par 230 voix… Elle a donc dû reprendre les négociations à Bruxelles, la capitale de facto de l’UE, pour broder un accord plus acceptable à ses opposants.

Le 12 mars, Mme May a soumis à ses parlementaires essentiellement le même accord de retrait, mais assorti de garanties juridiques de l’UE selon lesquelles la GB n’aurait pas à rester indéfiniment dans l’UE à cause du « filet de sécurité irlandais » (Irish backstop); cet élément des négociations pour le Brexit vise à maintenir la frontière irlandaise ouverte, telle qu’elle l’est maintenant. Malgré ces changements, l’accord a été rejeté à nouveau, mais par une marge plus petite : 149 voix. Le 13 mars, le Parlement a voté catégoriquement contre un « Brexit sans accord », qui verrait la GB quitter l’UE sans une entente officielle. Ensuite, le 14 mars, les députés ont décidé de retarder le Brexit.

On prévoyait un troisième scrutin le 20 mars, mais le président de la Chambre l’a reporté, indiquant à Mme May que seule une proposition fortement modifiée serait soumise au vote. Malgré ses efforts en coulisse de rallier les députés qui avaient voté contre l’accord initialement, Mme May avait peu de chances de faire adopter l’entente à peine une semaine après le dernier vote. Et maintenant, l’arbre décisionnel a changé. Mme May retournera vraisemblablement à Bruxelles pour demander une prolongation de l’Article 50, qui permet légalement à tout membre de l’UE de s’en retirer volontairement. La durée reposera sur ce que les députés estiment raisonnable et nécessaire.

Si Mme May réussit à obtenir un accord en proposant un changement considérable, elle demandera probablement à Bruxelles une petite prolongation, au 30 juin. Mais sans une entente, on estime qu’elle demandera une forte prolongation. Il se peut néanmoins que la GB quitte l’UE le 12 avril sans un accord officiel.

British Prime Minister Theresa May walks by a row of flags in the lead up to Brexit vote.

L’accord du Brexit actuel

L’accord actuel négocié par la première ministre prévoit quatre grands axes pour le retrait du R.-U de l’UE.

  1. La GB doit verser à l’UE 39 milliards de livres (69 milliards CAD) pour respecter ses obligations budgétaires auprès de l’UE pendant la transition.
  2. La période de transition importe, car l’accord de retrait ne traite pas de la relation future entre la GB et l’UE en matière de commerce. C’est justement pendant la transition qu’on doit négocier et lancer un nouvel accord commercial avec l’UE.
  3. On s’inquiète des droits des citoyens. L’accord préserve les droits de résidence et de sécurité sociale des citoyens de l’UE en GB et vice versa. Par contre, malgré ces protections, il ne définit pas clairement la libre circulation de la main-d’œuvre entre pays après le Brexit.
  4. L’axe le plus controversé, c’est le filet de sécurité irlandais. L’actuelle frontière de quelque 500 km entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande est la seule frontière physique de la GB avec l’EU. Selon l’accord, le filet reste en place et la frontière ouverte jusqu’à ce qu’une solution convenable survienne pour éviter la mise en place d’une frontière physique. Le filet vient donc assurer qu’on n’érige pas une frontière tranchée par suite des négociations commerciales futures entre la GB et l’UE.

De nombreux députés s’opposent au filet; ils craignent qu’il ne lie la GB indéfiniment à l’UE et ne limite les options de la GB dans les négociations commerciales. On s’inquiète aussi qu’une nouvelle frontière physique entre les deux pays aviverait les tensions sectaires que l’Accord du Vendredi saint réussit à apaiser depuis 1988.

L’incertitude risque encore de planer…

Même si on adopte l’accord de Mme May ou une variante de celui-ci, des obstacles demeurent.

  • La transition post Brexit verra la GB négocier avec l’UE un nouvel accord commercial, qui exige la ratification par le Parlement de la GB et par les 27 États membres de l’UE. Ceci se répercutera sur les pays tiers comme le Canada qui ont déjà un accord avec l’UE.
  • LA GB devra aussi prêter attention à sa voix et son rôle politiques à l’égard de l’UE et d’organismes internationaux comme l’OTAN et l’ONU. En quittant l’UE, la GB affaiblira son pouvoir de négociation dans le monde et, peut-être, ses relations avec des pays tiers.
  • Le débat sur le Brexit en GB risque de perdurer si l’accord de Mme May passe alors que le public demeure largement divisé à ce sujet. Les Brexiters ont gagné le référendum, mais pas par beaucoup, et de récents sondages indiquent qu’une petite majorité de gens veulent maintenant « rester ».  De plus, il faudra trois votes pour faire adopter l’accord de Mme May, ce qui suggère que les députés sont peu nombreux à appuyer l’entente actuelle.

L’impact sur les exportations canadiennes

Alors que le processus politique se poursuit, quiconque exporte du Canada à la GB a raison de se méfier de l’impact économique du Brexit, peu importe son issue. Selon une étude récente de la Banque d’Angleterre, un Brexit dit « chaotique » pourrait affaiblir l’économie de la GB de 8% à moyen terme et faire chuter la livre de 25% par rapport au dollar américain (relativement à leurs tendances pré-Brexit). Un retrait sans accord mènerait aussi à de lourds tarifs liés aux règles de l’Organisation mondiale du commerce.

 Même un Brexit assez calme n’élimine pas l’incertitude quant aux exportations. Par exemple, selon les études d’EDC, pour les entreprises qui comptent sur la circulation de marchandises (automobile, pharmaceutique, aérospatiale, équipement, etc.), l’expédition posera problème; l’adoption de nouvelles procédures ainsi que l’embauche et la formation des agents de douane retarderont le passage des marchandises aux frontières et dans les ports. Ces retards préoccuperont aussi les exportateurs qui font appel à une chaîne d’approvisionnement d’un de ces secteurs.

Malgré le risque d’effets néfastes après le Brexit, l’optimisme a sa place chez les entreprises exportatrices canadiennes grâce aux nouvelles occasions qu’elles verront en Europe et ailleurs. Profitez de notre webinaire le 2 avril pour en apprendre davantage.