Je n’ai pas eu une enfance toute rose. J’ai été élevée par une mère monoparentale qui, à 24 ans, a décidé de partir au Canada avec sa fille d’un an et demi. En grandissant, je me suis débattue avec des problèmes de santé mentale, et j’ai même fait une tentative de suicide. Au fond de moi, je me sentais différente. Je n’étais pas comme les autres.

J’ai tenté de laisser ce que je ressentais derrière moi en fuyant à l’université, mais ce fut un échec. J’étais en colère, j’ai coulé mes cours et j’ai été obligée de décrocher.

C’est seulement lorsque j’ai rencontré un groupe de personnes ayant vécu les mêmes épreuves que moi que les choses ont changé. En m’investissant dans la communauté LGBT+ d’Ottawa, j’ai commencé à me sentir mieux dans ma peau. Je savais dès lors que je ne pouvais plus fuir mon homosexualité.

J’ai retenté ma chance à l’université et, dans l’année suivant mon retour, je suis tombée sur une occasion professionnelle qui allait changer ma vie : un poste étudiant à Exportation et développement Canada (EDC).

À ma première année ici, j’ai parlé de mon orientation sexuelle à la petite équipe avec laquelle je travaillais, et c’est là que j’ai compris l’importance de « sortir du placard ». Immédiatement, j’ai eu l’impression d’être adoptée par une deuxième famille; mon équipe m’a donné le courage d’être moi-même. Mes leaders n’ont pas hésité à miser sur moi, ce qui m’a motivée à repousser toujours plus mes limites, à sortir des sentiers battus et à m’épanouir dans de nouveaux rôles. Cette expérience a été le catalyseur de ma réussite professionnelle.

Quelques années plus tard, EDC déployait un effort concerté pour démontrer sa volonté de favoriser l’inclusion en milieu de travail en mettant sur pied le Comité de la diversité et de l’inclusion. Les groupes représentés étaient alors les femmes, les minorités visibles, les Autochtones et les personnes handicapées.

Pour ma part, je trouvais qu’une minorité manquait à l’appel : la communauté LGBT+. Et je n’étais pas la seule, puisque cette lacune a rapidement été constatée par un groupe de personnes qui vivaient ouvertement leur homosexualité et des alliés de la cause. D’une façon ou d’une autre, nous avions tous déjà ressenti cette obligation de nous fondre dans le décor, de nous cacher ou de mentir à propos de notre vie personnelle. Nous nous sommes alors dit que si nous, en ne cachant pas notre orientation sexuelle sur notre lieu de travail, nous ressentions cette pression, il était possible que d’autres personnes éprouvent ce genre de difficultés. C’est ainsi que le groupe de ressources pour les employés LGBT+ d’EDC a vu le jour.

Par la suite, en 2016, j’ai été volontaire pour une mission de CARE Canada de quatre mois au Maroc, un pays où l’homosexualité était (et est toujours) punie par la loi. J’ai eu à me censurer, à changer ma manière d’être et à mentir. Toute l’énergie psychologique et émotionnelle qu’il me fallait pour surveiller ce qui pouvait sortir de ma bouche, je n’ai pas pu l’investir dans ma mission. Mais, plus grave encore : je me suis sentie exclue et effrayée de ne pas être acceptée – ou pire, persécutée – pour qui je suis. J’ai réussi à faire mon travail, mais je savais très bien que le stress émotionnel de devoir cacher qui j’étais m’empêchait de me donner à 100 %.

À l’approche de mon retour à la maison, j’ai pris la décision de devenir porte-étendard de notre cause. J’ai signé un billet pour le blogue interne dans lequel je racontais mon expérience au Maroc et, plus tard, j’ai pris la parole lors de notre Conférence annuelle des employés pour faire part de mon vécu aux centaines de collègues présents. La réponse des gens a dépassé toutes mes espérances. Certains collègues ont conté leur propre expérience – des expériences réconfortantes, inspirantes et, par moments, difficiles. Ils ont abordé des sujets qui étaient divers et complexes, mais qui évoquaient tous des questions que je ne connaissais que trop bien, soit l’identité, l’acceptation et le soutien.

J’ai compris qu’il nous fallait poursuivre ces discussions sur les plateformes les plus vastes que nous puissions trouver. Quelle que soit leur taille, les entreprises ont le devoir d’affirmer leur engagement à l’égard de la diversité et de l’inclusion et d’offrir aux personnes appartenant à des groupes minoritaires un lieu pour se réunir, pour discuter de ces questions, pour combler les vides, et pour se soutenir mutuellement. C’est ce qui permet d’assurer le succès d’un employé, tout autant que de celui de l’entreprise elle-même ou de la communauté LGBT+ tout entière.

J’entends souvent parler de l’importance de séparer vie professionnelle et vie personnelle. Dans mon cas, c’est en ayant la liberté d’être entièrement moi-même sur mon lieu de travail que j’ai pu m’affirmer, faire preuve d’ouverture et montrer mon côté vulnérable. Sans ça, je sais qu’il m’aurait été impossible de me dépasser, de grandir et d’apprendre avec la même volonté. Et, en fin de compte, je n’aurais rendu justice ni à mes compétences ni à mon lieu de travail.

Cet article a d’abord été publié dans le quotidien Ottawa Citizen.