Même si certains pensent que le secteur minier mondial ne pourrait pas être plus mal en point, les sociétés canadiennes doivent rester calmes et innover.

En effet, le cours des produits de base s’enfonçant depuis maintenant plusieurs années, le secteur doit se réinventer, redéfinir ses outils et réagir stratégiquement. Les sociétés, elles, se demandent quand le marché reprendra tranquillement du mieux.

« La grande question que se posent assurément tous les exploitants miniers et les investisseurs, c’est : “Sommes-nous rendus là?” », explique Philip Hopwood, leader du secteur minier canadien et mondial chez Deloitte. « Quand le ralentissement prendra-t-il fin? »

À moins d’être devin, impossible de répondre à cette question. Toutefois, selon Pierre Gratton, président et chef de la direction de l’Association minière du Canada, il ne faut pas oublier que le secteur est cyclique, et que les cycles sont imprévisibles.

« Même si le secteur connaît un ralentissement prononcé, il ne faut pas lui tourner le dos », a-t-il rappelé à la chambre de commerce de Cranbrook en mars. « L’industrie est bien établie : les minéraux et métaux sont le fondement même de la quasi-totalité des biens que nous utilisons au quotidien. »

M. Gratton note qu’en raison de l’augmentation prévue de la population mondiale – qui comptera 2,5 milliards de personnes supplémentaires d’ici 2050 – et du fait qu’un milliard de personnes s’ajouteront à la classe moyenne, le secteur minier est très prometteur, grâce à trois facteurs de croissance : population, consommation et infrastructures. « Le monde aura encore besoin de l’exploitation minière, et le Canada peut et doit rester un acteur essentiel dans le domaine. »

Le Canada, puissance mondiale de l’exploitation minière

Remercions Dame Nature pour les ressources qui ont permis au Canada de devenir une puissance mondiale du domaine. Fort d’une géologie diversifiée, le pays produit plus de 60 minéraux et se classe parmi les cinq premiers pour la production mondiale de 14 minéraux et métaux d’importance.

  • Premier producteur de potasse
  • Deuxième producteur d’uranium et de niobium
  • Troisième producteur de cobalt, d’aluminium, de tungstène et de métaux du groupe du platine
  • Quatrième producteur de nickel, de sel, de soufre et de titane
  • Cinquième producteur de diamants, de cadmium et d’or

Le secteur minier canadien a contribué à hauteur de 57 milliards de dollars au PIB en 2014 et représentait 20 % des exportations. Le pays dispose de la troisième chaîne d’approvisionnement mondiale et compte plus de 3 700 fournisseurs dans divers domaines : ingénierie, géotechnique, environnement et autres services liés à l’exploitation minière.

Malgré les récentes pertes d’emplois, le secteur doit composer avec une pénurie de main-d’œuvre et emploie toujours quelque 375 000 personnes. Il s’agit de l’un des secteurs les plus payants au pays et, proportionnellement, du premier employeur du secteur privé pour les Autochtones.

La valeur de la production minérale canadienne s’élevait à 44,7 milliards de dollars en 2014. Le secteur a versé 71 milliards de dollars en impôts et en redevances aux gouvernements provinciaux et fédéral entre 2003 et 2012.

Plus de 800 entreprises canadiennes font de la prospection minière dans plus de 100 pays. Nos sociétés représentent la plus grande part des budgets mondiaux de prospection de métaux non ferreux, soit 30 % en 2014.

Selon Ressources naturelles Canada, la valeur des actifs du secteur minier canadien à l’étranger était de 153,3 milliards de dollars en 2013, soit 66 % des actifs totaux du secteur. Les actifs à l’étranger représentent donc presque le double de ceux au pays, d’une valeur de 80,7 milliards. C’est en Amérique latine et en Afrique que les actifs canadiens étaient les plus importants; bien que les sociétés canadiennes soient plus actives dans certains pays, elles étaient présentes dans 33 des 55 pays d’Afrique en 2013.

Élargir les débouchés canadiens

Compte tenu du rôle prépondérant de l’industrie dans l’économie nationale, Exportation et développement Canada (EDC) porte une attention particulière aux sociétés minières pour aider le pays à demeurer une puissance mondiale.

« Nous travaillons à la création et à la facilitation de débouchés commerciaux », indique Tomas Cabanillas, expert sectoriel, Mines à EDC. « Nous tâchons essentiellement d’offrir aux sociétés canadiennes des services d’information et d’explorer les possibilités à l’étranger, en nous efforçant de mieux connaître l’offre et la nouvelle génération d’entreprises pour les diriger vers les bonnes occasions. »

Pour faciliter plus de débouchés commerciaux pour les exportateurs canadiens, EDC a créé le poste de directrice de groupe, Commerce mondial, et c’est Andrea Gaunt qui l’occupe pour le secteur minier. « Nous nous concentrons sur l’établissement de relations importantes à long terme avec de grandes sociétés minières étrangères qui exercent leurs activités dans des pays prioritaires pour les exportateurs canadiens, explique Mme Gaunt. Ces relations nous permettront de mieux repérer les débouchés potentiels. En connaissant mieux les futurs besoins en approvisionnement, nous pourrons faire le pont entre les capacités canadiennes et les besoins des sociétés minières étrangères. »

Cette approche bilatérale et pratique donne un avantage aux fournisseurs canadiens sur un marché mondial très concurrentiel, surtout dans les régions prioritaires comme l’Amérique du Sud et l’Afrique, où le Canada exporte et investit beaucoup.

Place à l’innovation

Bien que l’aide d’EDC soit un atout, les entreprises canadiennes doivent mettre de l’avant certaines caractéristiques essentielles pour réussir dans la nouvelle normalité du secteur.

« Plus que jamais, les sociétés minières cherchent des fournisseurs qui se distinguent grâce à un concept, à une technologie, à des produits ou à des services éprouvés qui ajoutent de la valeur pour elles, notamment en réduisant les coûts, l’empreinte environnementale ou les risques, en augmentant la productivité, ou en améliorant la santé et la sécurité, » souligne Mme Gaunt.

« L’énergie renouvelable et les innovations écotechnologiques ont fait leurs preuves : ils procurent des avantages considérables en matière de coûts et d’exploitation aux sociétés minières, qui accordent presque toutes beaucoup d’importance aux solutions de traitement de l’eau et de gestion des déchets, surtout dans le contexte actuel, où le cours des produits de base demeure bas. »

L’importance de l’innovation est un message sous-jacent du rapport de Deloitte À l’affût des tendances 2016, qui présente les dix grandes tendances du secteur minier. Au sommet de la liste trônent la gestion allégée visant la réduction des coûts et l’adoption de nouvelles techniques plus efficaces :

« Afin d’atteindre une véritable excellence opérationnelle, les leaders du secteur minier utilisent les meilleures pratiques d’autres secteurs et cherchent des solutions à des questions difficiles telles que les relations de travail. […] Bien que l’innovation soit devenue un thème crucial pour les sociétés minières, bon nombre d’entre elles en sont encore au premier stade de la courbe d’adoption et axent leur stratégie d’innovation principalement sur l’optimisation technologique de vieilles techniques plutôt que sur la recherche de nouveaux modes de configuration et d’engagement externes. »

« Plusieurs facteurs font augmenter les coûts d’exploitation d’une mine, notamment la plus faible teneur des minéraux restants et la prospection de lieux plus éloignés. Comme les questions sociales et environnementales sont de plus en plus complexes (prenons, par exemple, les nouveaux règlements à propos des taxes sur le carbone), les coûts et la durée de la phase de développement augmentent. L’approvisionnement en eau est un autre enjeu de plus en plus important, en raison des contraintes physiques et des dépenses additionnelles. L’augmentation des coûts, combinée à la pression à la baisse du cours des produits de base, a poussé les sociétés minières, de nature prudente et peu novatrice, à prendre le virage technologique », ajoute Mme Gaunt.

Si tant d’entreprises sont réticentes au changement, c’est qu’un nouveau processus ou une nouvelle technologie peut entraîner des risques additionnels. « Avoir recours à une technologie “perturbatrice”, c’est se lancer dans l’inconnu, explique-t-elle. Un nouveau processus inefficace pourrait coûter très cher. »

Le rapport de Deloitte présente les stratégies d’innovation à court et à long terme que les sociétés peuvent appliquer :

« Pour éviter de prendre du retard, les sociétés minières doivent se tenir au courant des innovations dans tous les secteurs qui pourraient toucher le leur dans les années à venir, notamment les progrès accomplis en matière de réseaux, d’apprentissage-machine, de génomique, de technologies prêt-à-porter et d’avions hybrides. Les stratégies à plus court terme que les sociétés minières doivent envisager d’adopter maintenant comprennent l’innovation améliorée, les écosystèmes collaboratifs, l’engagement numérique de la main-d’œuvre, la gestion améliorée des actifs, l’alignement des processus opérationnels en fonction de l’énergie disponible, l’impression 3D et la modularisation. »

Toutefois, quelques sociétés canadiennes font preuve d’innovation et servent de modèles aux autres.

« De plus en plus de sociétés minières d’avant-garde font preuve d’innovation, notamment en utilisant des foreuses autonomes, des véhicules sans pilote, des drones multifonctionnels et des solutions de gestion des données », indique Mme Gaunt.

« Au fil du temps, l’augmentation des coûts poussera toutes les entreprises à faire de même si elles veulent demeurer viables ».

Convergence des secteurs

Comme le secteur minier n’est pas le seul à devoir innover, il peut adopter les pratiques exemplaires d’autres secteurs, notamment l’industrie automobile, qui a agi pour stimuler l’innovation et l’excellence opérationnelle après la crise financière de 2008.

« Les sociétés minières ne peuvent plus se contenter d’observer les tendances de l’industrie et de s’attaquer seules aux problèmes, explique Philip Hopwood. En 2016, nous voyons se former des partenariats étendus entre le secteur et les spécialistes en technologies, les gouvernements et les groupes communautaires, qui profitent tous du développement du secteur. »

EDC favorise cette convergence au Canada, surtout entre le secteur minier et celui des technologies de l’information et des communications (TIC).

« D’autres secteurs canadiens aident le secteur minier, directement ou non, à devenir plus efficace et plus concurrentiel, souligne M. Cabanillas. Le secteur des TIC et d’Internet des objets en sont de très bons exemples. »

EDC aide les sociétés minières au Canada et à l’étranger à tirer profit d’Internet et de l’analyse des données volumineuses pour gagner en efficacité. « Il faut réfléchir à la façon dont les secteurs des TI et minier communiquent entre eux, ajoute-t-il. Leur convergence facilite la compréhension de la proposition de valeur canadienne (à l’échelle mondiale). »

CAE, leader canadien de la formation et de la simulation aéronautique, en est un bon exemple : la société a déjà eu une division minière, où elle utilisait la même technologie pour montrer aux ouvriers comment utiliser de l’équipement sophistiqué à distance.

On porte maintenant une attention particulière au secteur canadien des jeux vidéo et à ses applications possibles au secteur minier. « De nombreux concepteurs de jeux vidéo trouvent des occasions de vendre leur créativité, et nous pourrions potentiellement appliquer leur savoir-faire à la formation et à la réalité virtuelle en matière de sécurité, indique M. Cabanillas. Comme les mines sont maintenant commandées à distance, la réalité virtuelle est un aspect très important de l’exploitation minière. »

L’avantage aux PME

Par le passé, les sociétés minières étaient bien établies et possédaient de l’expérience, des capacités et des ressources financières considérables. Toutefois, il ne s’agit plus de conditions préalables dans la nouvelle normalité du secteur.

« Ce sont surtout les PME qui utilisent les technologies perturbatrices novatrices, mentionne Mme Gaunt. Même si l’agilité est essentielle, la plupart des grandes entreprises entendent réussir en respectant l’ordre établi et en se montrant plus prudentes. Une petite entreprise, qui n’a pas les mêmes coûts indirects, peut souvent être très innovante. »

Ce contexte crée donc plus de débouchés pour les PME, qui, il y a quelques années à peine, n’auraient pas été concurrentielles.

« Si la proposition de valeur et l’avantage concurrentiel sont assez intéressants, beaucoup de sociétés minières sont prêtes à laisser tomber les grands facteurs de réussite traditionnels (d’un fournisseur) qu’elles valorisaient avant. »