Voici le troisième article d’une série sur le secteur en plein essor des services financiers canadiens, qui contribue à la croissance des exportations du pays et renforce sa concurrence mondiale. Le premier article faisait un survol du secteur et le deuxième décrivait le rôle central des institutions financières.
« Il y a une volonté absolue, pour les entreprises de technologie financière, d’être prêtes à exporter et à prendre de l’expansion à l’international », avance Michelle Peng Greenberg, directrice principale des partenariats pour MaRS, qui met en contact des fournisseurs de services financiers et des jeunes entreprises préparant la technologie de demain pour les paiements, services financiers, opérations poste à poste et prêts non traditionnels.
Mme Peng Greenberg souligne que de nombreuses entreprises canadiennes de technologie financière se tournent notamment vers l’Asie et l’Amérique latine, attirées par leur importante population et un secteur bancaire très fragmenté.
Pour les aider à exporter, MaRS s’est associée à plusieurs carrefours de technologie financière à Tokyo, São Paulo, Londres, New York, Hong Kong et Singapour, entre autres.
MaRS a le mandat d’aider les jeunes entreprises à se préparer à exporter. Elles doivent non seulement comprendre les marchés ciblés, mais aussi se conformer à leurs structures réglementaires et juridiques.
« Une entreprise qui ne se positionne pas d’emblée comme un acteur mondial se ferme des portes », soutient Mme Peng Greenberg.
Quelques-unes ont fait le saut à l’étranger. Pensons à Bluzelle, de Vancouver, spécialisée dans les chaînes de blocs (base de données distribuée dans un réseau d’ordinateurs qui gère un registre numérique des opérations) et aux entreprises de sécurité des communications APrivacy (Waterloo) et OutsideIQ (Toronto), qui conçoivent pour les banques des solutions de gestion du risque basée sur l’intelligence artificielle.
Le chef de la direction de Bluzelle, Pavel Bains, explique qu’elle visait à l’origine les banques canadiennes, mais que notre système bancaire est trop développé. L’entreprise s’est donc tournée vers l’Asie, en particulier les services financiers mobiles et les populations qui ont difficilement accès aux institutions et services financiers traditionnels. Bluzelle a commencé par Singapour et la Malaisie, en raison de leur forte population et de la fragmentation régionale de leur réseau bancaire.
« Les petites banques d’Asie et celles qui offrent des services financiers mobiles ont soif de nouvelles technologies et sont impatientes de moderniser leurs systèmes », souligne M. Bains.
L’entreprise vise maintenant l’Asie-Pacifique, notamment l’Inde, le Bangladesh, l’Indonésie et les Philippines.
Mme Peng Greenberg explique que pour réussir hors du pays, une jeune entreprise doit offrir un produit unique avec une propriété intellectuelle à portée mondiale qui résout un problème international.
« Il doit être pertinent partout dans le monde et basé sur une technologie évolutive », précise-t-elle.
Mieux vaut aussi s’adjoindre l’aide d’experts qui connaissent bien les rouages des affaires dans chaque pays.
Compagnies d’assurances
Les compagnies d’assurances vie et santé du Canada sont présentes à l’étranger depuis plus d’un siècle. Manuvie, par exemple, exerce ses activités en Asie depuis près de 120 ans, et a vendu sa première police d’assurance vie aux Philippines en 1901. La Sun Life offre de l’assurance vie en Chine, à Hong Kong et en Inde depuis 1892, tandis que la Great-West est active au Royaume-Uni par l’intermédiaire de la Canada-Vie depuis 1903.
Aujourd’hui, les assureurs canadiens sont actifs dans plus d’une vingtaine de pays et protègent plus de 45 millions de personnes, selon l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP). En fait, 42 % de leurs recettes tirées des primes sont générés à l’étranger. D’ailleurs, trois grandes compagnies d’assurances canadiennes, la Sun Life, Manuvie et la Great-West, se classent parmi les 15 principales compagnies d’assurances au monde.
L’enquête sur l’innovation et les stratégies d’entreprise de Statistique Canada montre qu’environ 75 % des cabinets de services financiers adoptent de nouvelles pratiques ou de nouveaux produits selon leur expérience à l’étranger. C’est le cas du programme Vitalité de Manuvie, qui propose une technologie prêt-à-porter à ses clients pour les récompenser de leur mode de vie sain. Manuvie a d’abord adopté ce programme aux États-Unis avant de le déployer au Canada.
Environ la moitié des activités du secteur se font à l’étranger, surtout aux États-Unis, en Asie et en Europe, souligne le président et chef de la direction de l’ACCAP, Frank Swedlove. Les activités internationales des sociétés canadiennes représentent une importante source de capitaux, soit près du quart des recettes du secteur. L’essor à l’international stimule aussi directement la capacité concurrentielle des compagnies d’assurances vie et santé du Canada.
« Les services financiers, et les assureurs vie en particulier, contribuent à promouvoir le Canada, affirme M. Swedlove. Nous pouvons être fiers de notre réussite sur les marchés étrangers. »
Les caisses de retraite sur la scène internationale
Les caisses de retraite sont aussi très actives sur les marchés étrangers grâce à des partenariats public-privé variés, de l’immobilier aux infrastructures. En 2012, The Economist a qualifié les caisses de retraite canadiennes de « Maple Revolutionaries » en raison de leur contribution à la transformation du paysage mondial des transactions.
Une étude du Boston Consulting Group (BCG) souligne que les caisses de retraite publiques du Canada sont des incontournables sur la scène mondiale, malgré une conjoncture mondiale difficile. Les 10 grandes caisses de retraite publiques gèrent des actifs de plus de 1,1 billion de dollars, soit près de la moitié du PIB canadien. Leurs actifs ont triplé depuis 2003, et 80 % de la hausse est attribuable au rendement des placements. Ces caisses se classent d’ailleurs parmi les plus grands investisseurs en infrastructures et en immobilier au monde.
« Les 10 premières ont vraiment décuplé leur capacité à investir et à composer avec la réalité post-crise financière », affirmait Craig Hapelt, associé du BCG, à la publication du rapport en décembre 2015. « Non seulement les fonds représentent une part importante des revenus de retraite au Canada, mais de façon plus générale, les investissements contribuent aussi à la prospérité du Canada. »
Un secteur sans frontières
Les banques, compagnies d’assurances, caisses de retraite et autres fournisseurs de services financiers continueront d’exporter pour grandir ici et ailleurs, dans un contexte de mondialisation et d’évolution rapide de la technologie.
« Les frontières s’estompent dans le monde des services financiers », explique Renee Colyer, chef de la direction de Forefactor Consulting, une société-conseil torontoise spécialisée dans les marchés de capitaux. « Ces entreprises doivent investir à l’étranger pour grandir… et cherchent des moyens de le faire efficacement. »
Cependant, elle précise qu’il leur faudra du temps et de la patience pour positionner leur marque dans d’autres pays.
« Le défi, pour les banques canadiennes, c’est la notoriété de la marque, fait-elle valoir. Elles doivent être présentes depuis longtemps ou investir massivement dans une campagne de promotion pour gagner la confiance des consommateurs. »
Un rapport du Conference Board-TFSA souligne que pour prendre de l’expansion à l’étranger, les sociétés de services financiers doivent comprendre et respecter la culture locale, s’associer à un partenaire solide et réputé sur place et combiner une expertise en gestion et une expérience locale.
Le rapport conclut que c’est là une condition sine qua non. Les institutions financières canadiennes ont prouvé qu’elles peuvent percer plusieurs nouveaux marchés. Comme le secteur des services financiers est arrivé à maturité au Canada, l’expansion à l’étranger est probablement leur meilleure avenue.