À bien des égards, l’exportation de la culture et de l’art canadiens est sensible aux fluctuations normales de l’économie mondiale. Selon un artiste autochtone établi à Ottawa, les ventes des sculptures inuit aux États-Unis ont dégringolé après le ralentissement économique de 2008. Mais l’exportation de l’art et de la culture fait quand même un peu exception, selon David Soberman, de l’Université de Toronto.

« L’art est visiblement un cas à part », avance M. Soberman, titulaire de la chaire Canadien National en marketing stratégique à l’École de gestion Rotman.

« Les artistes doivent se faire un nom, ce que le gouvernement ou un spécialiste du marketing peut difficilement faire à leur place. En ce sens, l’art est différent des autres exportations. Une fois que l’artiste a percé, on peut faire la promotion de son travail avec celle du Canada à l’international. »

Promouvoir les intérêts du Canada à l’international en appuyant les artistes et en faisant de l’art un outil de diplomatie publique est justement ce que vise le Conseil des arts du Canada, comme le confie Simon Brault, directeur et chef de la direction de cet organisme subventionné par l’administration fédérale.

« L’art crée un effet de halo : lorsqu’un artiste canadien devient célèbre et influent, ça ouvre des portes, c’est certain, et pas seulement aux exportations culturelles – aux autres exportations aussi. », explique M. Brault.

« Dans le monde, aujourd’hui, les exportations culturelles s’envolent, entre les jeux vidéo, les films, les livres et les autres supports. À nous de savoir comment participer durablement à cette dynamique. » Selon M. Brault, le Canada a d’abord besoin d’exportations culturelles « suffisamment originales, solides et universelles pour trouver un écho ».

Les exemples abondent, entre le Cirque du Soleil de Montréal, qui, presque à lui tout seul, a révolutionné le concept du cirque, et Come From Away – la pièce canadienne qui relate l’arrivée inopinée de voyageurs à Terre-Neuve par suite des événements du 11 septembre –, qui rafle toutes les prix de la scène et qui et a été mise en nomination à Broadway.

Sans oublier l’industrie de la musique canadienne, qui a produit quelques-uns des plus grands artistes de notre époque : Bryan Adams, Céline Dion, Drake, The Weeknd, Justin Bieber et d’autres.

Les recettes de l’industrie de la musique et de ses exportations « sont loin de refléter celles d’il y a 15 ou 20 ans, mais nous progressons », commente Stuart Johnston, président de la Canadian Independent Music Association (CIMA). Cet organisme représente les sociétés de production musicale du Canada anglophone, ainsi que les maisons de disques, la direction, les éditeurs musicaux et les autres acteurs « au sein de l’écosystème où on collabore avec nos artistes et en faisons la promotion ».

M. Johnston raconte que l’arrivée du numérique a chamboulé l’industrie, faisant « s’envoler du jour au lendemain » plus de la moitié des recettes. Mais aujourd’hui, le numérique est « un sacré avantage qui nous permet d’exporter instantanément notre musique dans le monde entier. La musique est un produit universel désormais. »

On constate aussi une prolifération des productions musicales, « raison pour laquelle il est essentiel que les représentants des artistes soient sur le terrain, se fassent des contacts et frappent aux bonnes portes, car ils doivent attirer l’attention sur le potentiel commercial de leur client. Votre artiste doit se produire le plus possible, c’est indispensable. Car la musique est quelque chose qui se vit ».

Résultat, les services d’exportation de la CIMA sont de plus en plus sollicités : de trois missions commerciales en moyenne par an il y a 10 ans, l’organisme en a mis sur pied 20 l’an passé, chacune ayant permis à des maisons de disques et artistes canadiens de visiter 10 villes dans 8 pays différents.

Des organisations canadiennes ont aussi été à Austin (Texas) pour la conférence de South by Southwest Music. Au programme : des rencontres avec des éditeurs, des promoteurs et d’autres acteurs majeurs de l’industrie mondiale, et l’occasion pour les musiciens canadiens de se produire – la CIMA s’en était assurée – « devant les bonnes personnes ».

À New York et Los Angeles, on est allé promouvoir la musique canadienne des films, des publicités et des jeux vidéo – un domaine qui engendre de plus en plus de recettes alors qu’à l’ère de la diffusion en continu, la musique peine à se vendre. M. Johnston estime qu’en tout, les exportations de musique canadiennes « dépassent largement les 100 millions de dollars, et ce n’est qu’un début ».

La CIMA reçoit l’aide de Patrimoine canadien, d’Affaires mondiales Canada et du Fonds ontarien de promotion de la musique. M. Johnston a indiqué qu’elle essayait d’obtenir un financement supplémentaire de 10 millions de dollars pour la promotion de l’industrie canadienne de la musique à l’étranger, beaucoup plus coûteuse que la promotion sur le marché canadien, surtout avec de nouveaux artistes fort prisés comme The Sheepdogs ou The Strumbellas.

Il compte aussi sur la promesse du président Trump de renégocier l’ALENA, ce qui pourrait faciliter et rendre moins coûteuse l’obtention de permis de travail pour les musiciens canadiens en tournée aux États-Unis, et ainsi favoriser la réciprocité en matière de mobilité professionnelle.