Une contribution surdimensionnée et grandissante

Les données montrent que les exportateurs Canadiens contribuent plus qu’à leur tour à l’activité économique. En effet, entre 1974 et 2010, les 35 % d’entreprises manufacturières canadiennes qui exportaient comptaient pour plus de 70 % des emplois et des livraisons du secteur.

Part des exportations en moyenne, secteur manufacturier canadien, 1974-2010 (Pourcentage)

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Et les exportateurs canadiens pèsent toujours plus lourd dans l’économie. Dans les années 1970, moins de 25 % des fabricants canadiens exportaient, tandis qu’ils étaient 39 % dans les années 2000. Sur la même période, leur contribution à l’emploi et aux livraisons manufacturières a également augmenté, passant de 60 % à 80 % environ.

Part des exportations, secteur manufacturier canadien, 1974-2010 (Pourcentage)

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Non seulement plus d’entreprises canadiennes exportent, mais l’intensité des exportations (la proportion des ventes effectuées à l’étranger) a également progressé au fil du temps : les exportations représentaient 28 % des ventes totales dans les années 1970, contre plus de 40 % dans les années 2000.

L’exportation, synonyme de performance

La productivité est un important indicateur de performance économique, qui mesure l’efficacité avec laquelle une entreprise convertit ses intrants en produits. Entre 1974 et 2010, la productivité du travail (la production par travailleur) des exportateurs dépassait de 13 % en moyenne celle des non-exportateurs dans le secteur manufacturier canadien.

Écart de la productivité du travail, exportateurs moins les non-exportateurs, secteur manufacturier canadien, 1974-2010 (différence en pourcentage)

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En général, les écarts de performance sont en faveur des exportateurs, mais peuvent évoluer au fil du temps en fonction des changements tarifaires, de la fluctuation des taux de change et d’autres facteurs influant sur la productivité.

Dans les années 1980 et au début des années 1990, le Canada profitait d’un contexte commercial plus favorable en raison des baisses tarifaires dans le monde, du nouvel accord de libre-échange avec les États-Unis (l’ALECEU, remplacé plus tard par l’ALENA) et de la dépréciation générale du dollar canadien. Dans ce contexte, la productivité des exportateurs s’est nettement améliorée, passant d’un niveau semblable à celui des non-exportateurs pendant la récession du début des années 1980 à une productivité supérieure de plus de 60 % au milieu des années 1990. On estime que la baisse des tarifs américains instituée par l’ALECEU a augmenté la productivité du travail des usines de 1,9 % par année dans les secteurs manufacturiers canadiens axés sur l’exportation les plus touchés. Par ailleurs, entre 1990 et 1996, les exportateurs – particulièrement les nouveaux – ont connu une hausse de productivité beaucoup plus marquée que celle des non-exportateurs.

Croissance de la productivité du travail selon les activités d’exportation, 1990-1996 (croissance annuelle en pourcentage)

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Source: Baldwin and Gu (2003)

Toutefois, à partir des années 2000, ces différences substantielles se sont aplanies, sous l’effet de la détérioration de l’environnement commercial des entreprises canadiennes à la suite du resserrement de la sécurité à la frontière avec les États-Unis, au lendemain des attentats du 11 septembre, et de l’appréciation du dollar canadien causée par l’envolée du cours des produits de base. En fait, au cours de la récession mondiale de 2008-2009, la productivité des exportateurs canadiens a chuté à 14 % en dessous de celle de leurs pairs non exportateurs en raison d’une capacité excédentaire considérable. C’était alors du jamais vu.

Les données indiquent que l’exportation joue un rôle de premier plan dans la performance des entreprises, ce qui se traduit par des retombées appréciables pour l’économie canadienne. Par exemple, la part des exportations dans l’économie et la productivité des entreprises au Canada évoluent presque à l’unisson depuis 1961, soit depuis plus d’un demi-siècle. Règle générale, plus le pays exporte, plus sa productivité globale est élevée.

Part des exportations et productivité multifactorielle, secteur manufacturier canadien, 1961-2017

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Source : Calculs de l’auteur, basés sur les tableaux de données 380-0064 et 383-0021 CANSIM de Statistique Canada. Nota – La part des exportations correspond aux exportations par rapport au produit intérieur brut (PIB) en dollars courants. La productivité multifactorielle est le ratio du PIB réel par rapport aux intrants en main-d’œuvre et en capital combinés (année de référence : 2002=100).

Une meilleure circulation de l’information

Les interactions avec les acheteurs étrangers sont particulièrement bénéfiques pour les exportateurs, car elles facilitent l’adoption des pratiques exemplaires internationales et le transfert de connaissances entre les sources étrangères et les entreprises canadiennes. Une fois établis à l’étranger, les exportateurs sont 37 % plus susceptibles d’utiliser des technologies étrangères que les non-exportateurs. Ils sont aussi plus portés à collaborer avec des acheteurs étrangers pour des activités de recherche et développement (R-D), et ont moins tendance à percevoir le manque d’information sur les technologies étrangères comme un obstacle majeur à leur utilisation.

Des gains d’échelle et de spécialisation

Les exportateurs, qui ont accès aux marchés mondiaux, ont la possibilité de spécialiser leurs gammes de produits et de profiter d’économies d’échelle, ce qui leur permet de réduire leurs coûts de production moyens et d’augmenter leur productivité. Avant qu’ils commencent à exporter, leur offre se différencie peu de celle des non-exportateurs; mais une fois sur le marché de l’exportation, les entreprises se spécialisent davantage que celles qui demeurent strictement sur le marché intérieur.

Écarts de diversification des produits, exportateurs moins les non-exportateurs

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Une concurrence accrue

La forte concurrence internationale pousse les exportateurs à devenir plus efficaces. Les nouveaux exportateurs ont d’ailleurs noté que la concurrence se fait beaucoup plus féroce lorsqu’ils entrent sur les marchés étrangers. Au Canada, les exportateurs et les non-exportateurs affrontent une concurrence internationale à peu près similaire. Toutefois, une fois qu’elles ont exporté, les entreprises sont 7 % plus susceptibles de qualifier la concurrence étrangère de « très ou extrêmement importante »

De puissants incitatifs à l’investissement et à l’innovation

L’exportation encourage les entreprises à investir et à innover, car plus les marchés sont vastes, plus le rendement d’un investissement donné est important. En outre, les nouveaux exportateurs renforcent leur capacité d’innovation en investissant dans la R-D et dans la formation afin d’être en mesure d’assimiler toutes les idées et les technologies étrangères.

Les exportateurs investissent plus dans la R-D : entre 2004 et 2009, environ le tiers ont mené des activités scientifiques de R-D à l’interne (qui sont déductibles d’impôt, puisqu’elles sont originales et généralement axées sur la création de produits et de procédés avant-gardistes), et 16 % les ont sous-traitées. Cela représente environ le double des activités de R-D menées par les non-exportateurs (17 % et 7 %, respectivement).

Activités de recherche et développement, secteur manufacturier canadien, 2004–2009

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De surcroît, les exportateurs investissent plus dans la formation de leurs employés que les non-exportateurs. En effet, les grandes usines qui commencent à exporter tendent à adopter une stratégie générale mettant davantage l’accent sur la formation que celle de leurs paires qui n’exportent pas.

En fait, les exportateurs qui investissent et innovent sont ceux qui profitent le plus de l’exportation. Les nouveaux exportateurs ayant constaté une hausse de la productivité du travail sont ceux qui ont adopté des technologies de pointe et misé davantage sur l’innovation de leurs produits que les non-exportateurs. En revanche, on n’a constaté aucune différence en matière d’adoption des technologies et d’innovation entre les non-exportateurs et les nouveaux exportateurs qui n’ont réalisé aucun gain de productivité.

Une amélioration continue des processus

Au fil du temps, les processus de production des entreprises qui se lancent sur de nouveaux marchés subissent des transformations dynamiques. Cela vaut spécialement pour les exportateurs qui s’intègrent pleinement aux chaînes de valeur mondiales (CVM) en devenant des négociants bilatéraux qui non seulement exportent, mais qui importent aussi des biens intermédiaires. Baldwin et Yan ont constaté qu’environ 60 % des exportateurs du secteur manufacturier du Canada participaient à ce type de commerce bilatéral au sein d’une CVM.

Entre 2002 et 2006, le groupe des entreprises qui ont commencé à importer et à exporter a connu une croissance de la productivité 5 % plus rapide dans la première année que celle du groupe des entreprises qui n’appartenaient pas à une CVM, et cet écart a continué de se creuser pour atteindre 9 % après la quatrième année. À l’inverse, les entreprises qui ont cessé de participer aux CVM s’en sont moins bien tirées que leurs paires ayant maintenu leur participation aux CVM : la croissance de leur productivité a ralenti de 1 % la première année, et de 8 % après 4 ans.

Écarts de croissance de la productivité, secteur manufacturier canadien, 2002-2006

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Nota : CVM = chaîne de valeur mondiale

Une étude récente à ce sujet (Baldwin et Yan, à venir) a conclu que la performance supérieure sur une longue période des exportateurs participant aux CVM est liée au perfectionnement continu de la main-d’œuvre. L’intensification de l’intégration mondiale s’accompagne d’un processus d’apprentissage dynamique basé sur l’innovation et les changements organisationnels en ce qui a trait à l’intensité du capital, à l’acquisition de talents et aux dépenses en recherche. Pendant que les liens entre les entreprises se multiplient, il en va de même pour leur rendement cumulatif en matière de production, d’emploi et d’investissement en capital matériel, humain et de R-D.

Des avantages pour les entreprises de toutes les tailles

Les grandes entreprises sont plus enclines à exporter que les petites, et elles exportent aussi de plus gros volumes. Au Canada, entre 1974 et 2010, les petites entreprises (moins de 100 employés) du secteur manufacturier ont exporté 33 % de leur production totale, comparativement à 37 % pour les moyennes entreprises (100 à 250 employés) et à 43 % pour les grandes entreprises (plus de 250 employés).

Au fil du temps, les entreprises de toutes les tailles ont intensifié leurs activités d’exportation, mais particulièrement les moyennes entreprises, qui, en 2010, avaient rattrapé les grandes entreprises sur le plan de l’intensité des exportations et démontraient une capacité d’exportation similaire. 

Intensité des exportations du secteur manufacturier canadien en fonction de la taille des entreprises, 1974-2010

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Nota – Intensité des exportations = part des exportations sur les expéditions totales.

Quant aux petites entreprises, elles ont beaucoup de difficulté à acquérir des connaissances spécialisées de grande valeur, à intégrer ce savoir dans leurs activités et à obtenir le financement nécessaire pour soutenir des investissements massifs. Ces problèmes jouent sur la croissance de la capacité d’exportation du Canada, puisque la grande majorité des entreprises canadiennes (98 %) sont de petite taille.

En somme, les PME qui réussissent à surmonter ces obstacles et à devenir exportatrices profitent de tous les avantages que nous venons de décrire. Par exemple, en 2011, les PME exportatrices ont généré plus de revenus et de profits, et ont plus investi dans la R-D, la formation, la machinerie et les équipements que les PME non exportatrices. Elles se sont également montrées plus novatrices et ont été plus actives dans les activités internationales comme l’importation, la sous-traitance et la participation aux CVM. Enfin, on a constaté que les propriétaires des PME exportatrices étaient plus souvent nés à l’étranger et avaient généralement un niveau de scolarité plus élevé que ceux nés au Canada.

Caractéristiques des PME exportatrices et non exportatrices, Canada, 2011

 

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