Miovision, une entreprise de Kitchener, figure parmi les étoiles canadiennes de l’exportation de technologies propres 2020 d’Exportation et développement Canada.

On pourrait dire que nous avons radicalement changé de cap quand nous avons fondé Miovision. L’idée de démarrer une entreprise de gestion de la circulation a germé lors d’un stage que j’ai effectué à Toronto en 2005, quand j’étudiais à l’Université de Waterloo. L’une de mes tâches consistait à me tenir à une intersection, carnet en main, pour compter le nombre de véhicules qui tournaient à droite, prenaient la gauche et continuaient tout droit. Manifestement, la gestion de la circulation n’avait pas encore été touchée par la révolution du numérique et des mégadonnées.

Des téléphones intelligents pour gérer la circulation

Au départ, mes partenaires et moi pensions fonder une entreprise de logiciels, qui utiliseraient des technologies et des modèles d’affaires modernes pour régler les problèmes, comme la congestion et les enjeux de sécurité, qui existent depuis l’invention de l’automobile. 

Notre stratégie était de demander aux gestionnaires municipaux de nous envoyer des vidéos de la circulation, puis d’utiliser nos outils pour leur fournir des données et des observations visant à mieux gérer le flux. Toutefois, on nous a répondu qu’il était trop dispendieux de filmer en bordure de la route les images dont nous avions besoin. C’est alors que nous avons conçu notre premier produit, Scout de Motovision, un dispositif portable entièrement connecté qui enregistre des images vidéo pendant des jours, sans opérateur.

Notre dernier produit, TrafficLink de Miovision, permet aux municipalités de moderniser les feux de circulation existants grâce à la connectivité et à la collecte des données sur la circulation en tout temps. L’appareil peut recueillir des données multimodales, comme le flux de circulation et le nombre d’automobiles, de camions, de piétons et de cyclistes. En gros, il s’agit d’un superordinateur branché à Internet qui permet de surveiller les feux de circulation à distance. Le produit recueille des données sur la circulation à chaque feu qui en est muni, ce qui augmente considérablement le volume et la fréquence des données auxquelles les ingénieurs de la circulation ont accès. Ces derniers peuvent utiliser ces données pour analyser les flux de circulation et modifier certains facteurs, dont la synchronisation des feux, puis évaluer le tout pour voir si ces changements ont bel et bien amélioré la situation. Ces données essentielles peuvent aider les villes à désengorger le réseau et à améliorer la sécurité, tout en réduisant les émissions des véhicules.

Ce qui distingue notre technologie des outils de gestion actuellement utilisés, faisons un parallèle avec le téléphone intelligent. Avant son arrivée, on avait un téléphone à clapet, mais aussi un GPS, un lecteur DVD portable, une lampe de poche et une calculatrice. Auparavant, on pouvait à peu près appliquer le même principe aux intersections : chaque fois qu’une ville voulait ajouter une fonction, il fallait acheter un nouveau dispositif et payer quelqu’un pour l’installer. Nous nous sommes basés sur le concept du téléphone intelligent pour concevoir un seul et unique produit qui peut faire une multitude de choses. Comme le téléphone intelligent, notre technologie de pointe est multifonctionnelle, et les clients découvrent ses mille et un emplois au fur et à mesure qu’ils l’utilisent.

S’adapter au contexte politique

Comme les clients de Miovision sont des municipalités, le processus de vente compte habituellement deux étapes, qui portent respectivement sur les questions techniques et les enjeux politiques locaux.

La première étape consiste à vendre le produit à un utilisateur, comme le directeur des travaux publics ou de l’ingénierie de la circulation. Pendant une période pouvant atteindre six mois, nous collaborons avec ce client pour installer les appareils à quelques intersections. La plupart du temps, nous nous concentrons sur la résolution d’un problème précis pour démontrer l’efficacité de notre technologie et sa capacité d’intégration aux systèmes et processus en place. 

À la deuxième étape, nous vendons le produit à un acheteur ayant une autorité financière, comme un haut fonctionnaire ou un élu, par exemple un conseiller municipal ou le maire. Ce qu’il veut principalement savoir, c’est comment notre technologie peut l’aider à réaliser les objectifs des politiques publiques de la ville. Diminuera-t-elle la congestion? Peut-elle prévenir les accidents causant des blessures graves ou des décès? Comment réduira-t-elle les émissions de gaz à effet de serre? Ce sont souvent ces questions politiques qui nous amènent à justifier pourquoi la ville devrait investir dans la modernisation de son réseau de contrôle routier plutôt que dans l’aménagement d’une nouvelle aire de jeux d’eau pour les enfants, par exemple. C’est ici qu’il faut aider l’utilisateur à faire valoir les retombées positives pour les citoyens. 

Voici ma recommandation aux entreprises canadiennes du secteur des technologies propres comme la nôtre, qui font des affaires au pays ou à l’étranger : informez-vous bien sur les enjeux politiques locaux pour promouvoir vos produits et services en fonction des dossiers prioritaires. Par exemple, une des premières conséquences de la pandémie a été le changement radical des flux de circulation dans la plupart des villes. Nous sommes convaincus que ce phénomène accélérera l’intérêt porté à nos services à moyen et à long terme, même si la pandémie exerce une pression énorme sur les budgets municipaux à court terme.

Difficultés en matière d’exportation

Le ralentissement économique entre 2008 et 2010 n’a pas épargné Miovision, qui en était alors à ses débuts. À l’époque, nous craignions que le marché nord-américain ne récupère pas aussi bien que le reste du monde. Nous avons donc décidé d’accélérer notre stratégie d’exportation et d’ouvrir à Cologne, en Allemagne, un bureau pour les marchés de l’Europe et du Moyen-Orient. 

Comme nous n’avions pas les moyens de nous adjoindre des partenaires ou d’acquérir une entreprise sur place, nous avons mis sur pied le bureau à partir de rien. Avec du recul, je dirais que nous avons sous-estimé le temps qu’il fallait pour instaurer une culture d’entreprise dans un nouvel établissement et l’importance des équipes initiales dans le processus. De plus, il nous a fallu un certain temps pour bien adapter les communications marketing à la langue et à la culture des pays ciblés. Par exemple, au Royaume-Uni (R.-U.), on ne parle pas d’intersection, mais de jonction : nous avons donc modifié le vocabulaire employé en conséquence.

De plus, je ne saurais trop insister sur l’importance de se renseigner sur la culture des affaires qui prévaut sur les marchés visés. On ne salue pas du tout les gens de la même façon au Japon et au R.-U., tout comme on ne négocie vraiment pas de la même manière au Qatar et en Australie. En assimilant ces nuances culturelles à l’avance, vous éviterez plus facilement les faux pas.

La solution d’EDC

En 2014, nous avons eu la chance d’obtenir du financement de Technologies du développement durable Canada (TDDC), ce qui nous a permis de développer de nouvelles gammes de produits. Et en janvier 2020, Exportation et développement Canada a fait un important placement en actions dans l’entreprise pour faciliter les acquisitions à l’étranger. Malgré le ralentissement actuel, nous disposons des capitaux nécessaires pour acheter des actifs technologiques et liés à la commercialisation ailleurs dans le monde, ce qui nous aidera à étendre la portée de notre stratégie internationale.