À première vue, un hôpital du port maritime de Rizhao, en Chine, n’a pas grand-chose en commun avec un hôpital communautaire de Winnipeg. 

Pourtant, un partenariat entre le Wellness Institute de l’hôpital général Seven Oaks et l’hôpital de Rizhao est à l’origine d’une nouvelle approche pour aider la Chine à lutter contre les maladies chroniques, comme le diabète et la cardiopathie, avant qu’elles n’atteignent des niveaux critiques.

Le porte-parole de Seven Oaks, Toby Maloney, affirme que la collaboration entre le Wellness Institute, l’hôpital de médecine chinoise traditionnelle de Rizhao et la société de développement économique de Rizhao fut avantageuse pour toutes les parties.

La Chine a sollicité l’expertise de Seven Oaks dans le cadre de son objectif d’utiliser la médecine préventive pour gérer les coûts en soins de courte durée liés aux maladies chroniques. Et pour cause : environ 9,6 % de la population chinoise – soit quelque 96 millions de personnes – souffrent aujourd’hui de diabète de type 2, indique M. Maloney.

Les équipes de Rizhao et de Seven Oaks ont été mises en contact pendant une tournée nord-américaine des établissements de santé organisée par des hôpitaux chinois. Comme les besoins et objectifs de Rizhao cadraient avec les forces de Seven Oaks, les deux équipes ont entrepris de discuter d’un projet conjoint axé sur les maladies chroniques.

Malgré tout, la collaboration s’est accompagnée de défis opérationnels, que les deux parties se sont employées à relever.

« Il y avait la barrière linguistique, et une certaine confusion par moments, quand notre personnel était là-bas, mais aussi quand nous avons offert de la formation à Winnipeg », explique M. Maloney.

Ainsi, Seven Oaks a fait traduire en mandarin un manuel détaillé sur le modèle d’affaires du Wellness Institute. Les homologues de Seven Oaks et de Rizhao se sont rencontrés pour discuter des modules avec l’aide d’un interprète, après quoi l’équipe de Rizhao a pu utiliser le manuel pour former son personnel en Chine.

Selon M. Maloney, l’esprit collaboratif a permis au travail d’avancer et aux deux parties d’en tirer profit.

La vue d’ensemble

Assurer la concordance des intérêts communs n’est qu’un des facteurs à l’origine de ce débouché, qui deviendra bientôt un filon mondial d’un billon, selon McKinsey.

« La santé et le bien-être, c’est très vaste », explique Antonio Lopes, directeur des comptes internationaux à EDC, où il dirige l’équipe sectorielle des sciences de la vie et des soins de santé à Toronto.

M. Lopes estime qu’au moins 500 entreprises canadiennes exportent des produits de santé et de bien-être, allant des produits nutraceutiques (aliments avec bienfaits médicinaux ou additifs bénéfiques) aux produits dermatologiques et cosmétiques en passant par les TI.

Bien que la majorité des exportations visent les États-Unis – le principal marché de consommation pour ces produits et services –, elles touchent aussi l’Europe occidentale, la Chine, le Brésil, la région des Andes, etc.

Parallèlement, le Moyen-Orient, surtout Dubaï et l’Arabie saoudite, compte parmi les nouveaux marchés émergents pour le Canada, note-t-il. « Là-bas, les centres commerciaux regorgent de produits de santé et de bien-être haut de gamme. »

L’avantage santé de la marque Canada

M. Lopes soutient que la réputation de qualité du Canada, renforcée par les normes de Santé Canada et la certification des bonnes pratiques de fabrication, aide à stimuler la demande.

Évidemment, pour les économies tant développées qu’émergentes, le revenu disponible en hausse est le principal moteur du secteur de la santé et du bien-être, dit M. Lopes, s’appuyant sur deux rapports de 2012 (McKinsey et EY).

La population du monde développé (Japon, Europe et, dans une moindre mesure, États-Unis) prend de l’âge, tandis que celle des marchés émergents grossit et s’enrichit. Le créneau des produits de santé est donc appelé à croître, lit-on dans le rapport de McKinsey.

Le rapport présente aussi trois tendances majeures que doivent surveiller les exportateurs.

D’abord, les économies développées dominent les dépenses et les économies émergentes, la croissance. D’après les données de 2006, le Chinois moyen dépense annuellement 60 dollars américains en santé, contre 580 dollars pour le Canadien moyen, soit un ratio de 1:10. Toutefois, l’augmentation des dépenses en Chine devrait réduire l’écart à 1:4 en 2017.

Ensuite, avec la hausse du revenu en Chine et dans les autres économies émergentes, les maladies traditionnelles comme la polio et le paludisme devraient décliner, mais les maladies liées au mode de vie, comme le diabète de type 2 et la cardiopathie, gagnent du terrain. Et à l’échelle mondiale, la population de 70 ans et plus augmente, l’ONU prévoyant qu’elle atteindra un milliard d’ici 2050.

Enfin, toujours selon le rapport McKinsey, les habitudes de consommation changent : 96 % des internautes américains cherchent de l’information sur la santé, une tendance qui alimente les dépenses en santé et en bien-être. Le marché nord-américain pour les médecines douces est aussi en croissance, dépassant maintenant les 16,4 G$, presque le double du marché asiatique.

Montée de l’activisme santé chez les consommateurs

L’étude Progressions: 2012 – Health care everywhere d’EY indique que la technologie influence les connaissances et l’activisme des consommateurs en matière de santé.

Les patients sont de plus en plus à l’aise avec les technologies responsabilisantes (applications de téléphone intelligent, capteurs, moniteurs, médias sociaux) et de plus en plus actifs dans la gestion de leur santé. Ils réclament un nouveau modèle de soins de santé accessibles de partout.

C’est l’un des principes directeurs de Greybox Solutions, entreprise québécoise offrant des solutions logicielles et matérielles pour le suivi des patients. Le fondateur, Pierre Bérubé, anciennement gestionnaire pour CAE, un fournisseur canadien de systèmes de formation pour le secteur de l’aviation, trouvait incroyable qu’un aéronef moderne puisse décoller et atterrir en mode autopilote, mais que la technologie reste sous-utilisée dans le suivi à distance des patients.

Greybox vend maintenant ses solutions à des cliniques privées, tout en faisant de la recherche et du développement avec de grandes entreprises pharmaceutiques. « Nous voulons que les services passent de la clinique à la maison, et soient plus près du patient », dit M. Bérubé.

Il explique que Greybox tire profit de ses partenariats avec des marques comme Roche Diagnostics et des acteurs de la réadaptation et de la prévention des chutes aux États-Unis.

« Les États-Unis sont un gros marché pour nous », ajoute-t-il en notant que les forces de son entreprise en recherche et développement, combinées au taux de change favorable, contribuent à séduire les entreprises américaines.

M. Bérubé avance aussi que de bons antécédents en matière de conformité réglementaire en Amérique du Nord aident à ouvrir des portes sur d’autres marchés.

« Le produit doit être sûr, fiable et conforme. Si c’est le cas, surtout aux États-Unis, il peut alors conquérir le monde. »

Un recoupement essentiel des intérêts communs

Seven Oaks doit sa première possibilité d’exportation à l’évolution de l’offre et de la demande pour les produits de santé et de bien-être.

« Nous ne sommes pas arrivés là en disant aux gens quoi faire, confie M. Maloney. Nous leur avons plutôt demandé ce qu’ils voulaient faire. »

Avec l’aide de Manitoba Trade et de l’ambassade du Canada en Chine, l’incursion de Seven Oaks dans le commerce international a rapporté. L’Institute a récolté plusieurs centaines de milliers de dollars en aidant Rizhao à définir ses services de planification et de consultation.

Encouragée par ce projet pilote réussi, l’entreprise Seven Oaks travaille maintenant à la conclusion d’ententes avec d’autres hôpitaux chinois.

Voilà donc un bon départ dans un monde en transformation et riche en possibilités.