Pendant mes études supérieures en chimie des produits naturels, j’ai été étonné de voir comment la nature a le chic de résoudre les problèmes. Les êtres humains tendent à privilégier la force brute, comme en témoigne son approche musclée pour assurer la croissance et la protection des cultures – efficace, mais dommageable. De son côté, la nature fait les choses beaucoup plus proprement.

La recherche et l’utilisation de solutions naturelles s’imposent de plus en plus si l’on veut nourrir la population mondiale en pleine croissance. C’est qu’il faut résoudre un problème énorme et complexe : pouvoir doubler la production agricole mondiale d’ici 2050, année où la population mondiale atteindra neuf milliards de personnes. Résoudre ce genre de défis, c’est mon dada, mais aussi la mission au cœur de la réussite de Semios.

Rupture des communications

Semios – un mot grec—signifie « communication », et la communication fait partie intégrante de toutes nos activités. Nos clients sont des producteurs d’aliments de grande valeur poussant dans les arbres et les vignes, comme les pistaches, les amandes, les pommes et les raisins. À nos débuts, nous voulions stimuler l’adoption d’une nouvelle gamme de produits chimiques agricoles : les phéromones. Nous intégrons ces substances dans les voies de communication des insectes qui, pour survivre, s’en prennent aux récoltes. En perturbant la reproduction de ces nuisibles, les phéromones préviennent les dommages qu’ils causent aux cultures. Ainsi, les producteurs n’ont pas à recourir aux pesticides – la fameuse approche massue.

La communication est aussi au centre de notre système de surveillance sans fil pour les vergers. En agriculture, tout – les risques comme les résultats – repose sur la combinaison de deux intrants primaires : la chaleur et l’eau. Notre plateforme sans fil surveille et mesure ces deux paramètres sur chaque acre de toutes les fermes reliées, et ce, toutes les dix minutes. Pour accroître leur rendement, les producteurs s’appuient sur nos analyses de données pour optimiser la gestion de l’eau, surveiller les risques liés à la météo, évaluer la présence d’insectes ou de maladies, ou bien la santé des plants, et intervenir en conséquence, le tout en temps réel.

Après notre succès auprès de grands producteurs de l’Ouest des É.-U., Semios s’apprête à conquérir de nouveaux marchés. Voici certaines des leçons que nous avons apprises en cours de route.

1. Couverture réseau dans les vergers

Notre réseau sans fil comporte plus d’un million de capteurs, bien plus que celui de notre principal concurrent. Or, faire bien fonctionner ce réseau s’est avéré notre plus grand défi, ce que nous n’avions pas prévu. Il nous a fallu plus de trois ans pour parvenir à une solution.

En fait, la communication sans fil dans l’eau est particulièrement difficile, et les vergers regorgent d’eau (dans les feuilles, les fruits et la biomasse). Milieu horrible, donc. Il serait probablement plus difficile d’utiliser votre cellulaire derrière un arbre que derrière un gratte-ciel. Dans notre cas, l’absence de source d’alimentation sur le terrain compliquait les choses. Une fois notre problème résolu et nos brevets déposés, Semios a vraiment pris son envol. Aujourd’hui, nous avons une grosse longueur d’avance sur nos concurrents parce que nous savons comment établir une communication sans fil à travers la biomasse de manière économique et écoénergétique.

« Sans le soutien d’EDC, nous serions limités aux petits fournisseurs, ce qui ralentirait notre croissance. »

Capteur semios dans les feuilles

 

2. Gros clients, gros défis

Fort de nos nouvelles solutions, nous voulions tout de suite nous tourner vers les producteurs les plus importants, soit les géants de Californie et de l’État de Washington. Intuitivement, les PME de technologies propres tendent peut-être à viser les clients potentiels locaux. Après tout, la proximité devrait leur faciliter la tâche, non? En fait, d’après mon expérience, quand on mise d’abord sur l’échelle locale, on apprend plus difficilement à propos des gros irritants dans l’industrie. Nous avons ciblé les grands producteurs américains parce que nous estimions pouvoir apprendre beaucoup plus vite avec eux qu’avec des clients locaux, et donc pouvoir proposer un service à grande valeur ajoutée drôlement plus tôt.

Maintenant que nos produits et nos services ont fait leurs preuves aux États-Unis, nous sommes prêts à poursuivre notre expansion au Canada.

3. Le bon modèle d’affaires

J’ai appris une chose : il ne suffit pas d’avoir une technologie épatante pour réussir dans les technologies propres. C’est vrai pour de nombreuses PME, qui ont peut-être conçu un vrai bijou, mais s’attardent trop au produit comme tel au lieu d’orchestrer  un nouveau modèle d’affaires qui vient bouleverser l’industrie.

Dans les technologies agricoles, par exemple, trois grands secteurs d’activité tendent à dominer :

  • produits chimiques : engrais et produits pour protéger les cultures
  • logiciels : applications pour les des producteurs
  • équipement : stations météorologiques ou capteurs, par exemple

Le service de Semios englobe les trois, mais c’est dans la sphère de l’équipement que notre modèle d’affaires se démarque. Notre plateforme fonctionne comme logiciel- service (modèle SaaS), les producteurs n’ayant donc pas à acheter l’équipement d’emblée. Dans l’agricole, les changements technologiques sont si rapides que l’achat du tout dernier gadget représente un grand risque pour un producteur – un gadget qui peut vite devenir obsolète, se briser ou arrêter de fonctionner, le propriétaire étant peut-être incapable ou même interdit de le réparer. Le modèle Saas évacue une grande partie du risque inhérent à l’achat.

Cela va de soi, notre plateforme étant un service, nous devions au préalable financer intégralement la production de notre équipement. Exportation et développement Canada (EDC) nous a prêté main-forte à cet égard en offrant des garanties de paiement à nos fournisseurs. Ainsi, nous avons pu passer de plus grosses commandes auprès de fournisseurs plus prestigieux, ce qui a dynamisé notre croissance. En somme, le modèle SaaS a compliqué la phase de financement, mais a accéléré notre expansion en éliminant le risque technologique pour les clients.

4. Communiquer au sein de l’entreprise

La communication, qui est au centre de nos produits et services, joue aussi un rôle crucial dans la gestion de notre entreprise. Nous sommes de petite taille et nos employés sont répartis sur un grand territoire. Pour que tout le monde soit sur la même longueur d’onde, sache ce qu’il a à faire et pourquoi il le fait, nous appliquons certaines habitudes de Rockefeller au déploiement de notre stratégie. Par exemple, chaque matin, les employés ont un caucus d’une dizaine de minutes avec leur chef d’équipe. Ils discutent de bons coups et d’obstacles ainsi que des objectifs de la journée. Ensuite, je rencontre les chefs d’équipe, et dès 10 h, j’ai eu vent de ce qui se passe dans toute l’entreprise. Ces caucus matinaux façonnent la journée pour les employés et nous permettent de garder le cap ensemble.

Gestionnaires et employes en caucus

Nourrir le monde

Nourrir la planète est un défi qui s’intensifie. Les terres arables étant déjà exploitées, on devra se tourner vers des terres plus sèches ou moins cultivables, où la production laissera plus à désirer. Parallèlement, les fermes gagnent en ampleur et en complexité, tandis que la main-d’œuvre agricole se fait plus rare. Dans ce contexte, le besoin de technologies automatisées, donc de solutions précises, exactes et inspirées de l’élégante dame Nature, bref, au contraire de la massue humaine, augmentera sans cesse.

Les entreprises canadiennes de technologies propres qui offrent ce genre de solutions au moyen d’un modèle d’affaires visionnaire sauront s’affirmer sur les marchés étrangers au fil des ans.

La solution d’EDC

Étant donné le caractère saisonnier de nos activités, nous avons chaque année un seul cycle intensif de production. Sans le soutien d’EDC, nous serions limités aux petits fournisseurs, ce qui ralentirait notre croissance. Grâce au Programme de garanties d’exportations, nous avons obtenu les fonds de roulement qui soutiennent notre croissance et notre expansion à l’étranger.